Nous vous proposons aujourd’hui cette note longue et approfondie écrite par un professeur de médecine retraité, publiée le 18 avril 2025 sur le site Vie-publique (cliquer ici pour accéder au site Vie-publique)
La maladie chronique de l'hôpital public : diagnostic et traitement Publié le 18 avril 2025 Par : André Grimaldi - Professeur émérite, ancien chef du service de diabétologie du CHU de la Pitié-Salpêtrière
Urgences saturées, manque de personnel, fermetures de lits… L'hôpital public est confronté depuis plusieurs années à une crise multiforme qui appelle des changements profonds pour être résorbée. Instaurer une démocratie sanitaire, renforcer la planification sanitaire et unifier le système de santé figurent parmi les traitements.
Sommaire
- La mixité structurelle de notre système de santé
- L'hyperspécialisation
- La régulation comptable
- Quel traitement ?
La crise de l'hôpital public dénoncée en vain depuis des années par les professionnels refit irruption dans l'actualité médiatique en 2019. Elle ne l'a depuis, hélas ! pas quittée. Elle nécessita tout d'abord, en septembre 2019, l'élaboration par la ministre de la santé Agnès Buzyn d'un nouveau plan pour les urgences, puis en décembre l'adoption en catastrophe d'une rallonge du budget hospitalier alors que les députés de la majorité présidentielle avaient déjà adopté le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2020. Cette rallonge de 300 millions fut doublée, ainsi que l'annonça le Premier ministre Édouard Philippe, d'une dotation supplémentaire à hauteur de 1,5 milliard d'euros sur trois ans et d'une reprise par l'État d'un tiers de la dette hospitalière (soit 10 milliards d'euros).
Cette crise aiguë était la conséquence de la rigueur budgétaire prolongée, année après année, depuis les crises, financière puis économique, de 2008-2010. En 2018, le Gouvernement avait encore baissé de 0,5% le montant des remboursements de la tarification à l'activité (T2A) accordés aux hôpitaux par la Sécurité sociale, et cette nouvelle diminution suivait les réductions précédentes de 0,9% en 2017 et de 1% en 2016 imposées par la ministre de la santé d'alors, Marisol Touraine…
La mixité structurelle de notre système de santé
L'hôpital public est victime de la mixité structurelle de notre système de santé, issu du grand compromis historique de 1945. Tout dans notre système de santé est à la fois public et privé. Le financement se fait aussi bien par la Sécurité sociale que par les assurances privées dites complémentaires, qui ont obtenu en 1946 la gestion d'un ticket dit modérateur (part des frais de santé qui restent à la charge du patient après les remboursements de l'assurance maladie) et en 1947 l'interdiction imposée à la Sécurité sociale de créer sa propre mutuelle. Résultat de ce doublon : le montant des frais de gestion de notre système de santé est le double de la moyenne des pays de l'OCDE.
Les prestations sont publiques pour les hôpitaux, les centres de santé municipaux (les anciens dispensaires) et les centres de la protection maternelle et infantile, mais elles sont privées pour la médecine libérale et les cliniques appartenant anciennement à leurs chirurgiens. La gestion, elle-même, est mixte : elle est assurée directement par l'État pour les hôpitaux et indirectement par la Sécurité sociale pour la médecine de ville, à l'occasion de négociations menées avec les syndicats des libéraux (le premier conventionnement national n'eut lieu qu'en 1971, et en 1980 fut créé le secteur 2 conventionné donnant droit aux dépassements d'honoraires). À cela il faut ajouter d'une part la coupure entre la médecine et le médico-social, et d'autre part la marginalisation de la santé publique. Finalement, nous avons créé un système de soins plus qu'un système de santé et si la France fut pendant des années parmi les tout meilleurs pays pour le soin, nous sommes toujours régulièrement mal classés en matière de prévention et d'inégalités sociales de santé (par exemple, en dépistage par mammographie la France se place en 29e position sur les 38 pays membres de l'OCDE).
Cette organisation en silos fut encore aggravée par l'instauration du plein-temps hospitalier par la grande réforme de 1958, bien que le professeur Robert Debré fût contraint, face à l'hostilité des syndicats libéraux, de l'Ordre des médecins et de l'Académie de médecine, de concéder la création d'un secteur privé libéral au sein de l'hôpital public. Quoi qu'il en soit, la séparation entre la ville et l'hôpital était un moindre mal pour la prise en charge des maladies aiguës et des gestes techniques, les cas simples revenant à la ville, les cas graves et (ou) complexes relevant de l'hôpital. Mais cette coupure devint profondément délétère pour la réponse à l'explosion de la demande de consultations sans rendez-vous, qui, ne trouvant pas de réponse en ville, se déversa sur l'hôpital – 22 millions de passages aux urgences hospitalières en 2019 (enquête Urgences 2023, DRESS). Et il en va de même pour le suivi des 12 millions de personnes atteintes de maladies chroniques dont la prise en charge nécessite à la fois une gradation des soins et une coordination entre les professionnels.
L'hyperspécialisation
L'hôpital public est victime du progrès bio-technico-médical poussant à l'hyperspécialisation.
Suivant la règle qu'on ne fait bien que ce qu'on fait souvent, les médecins et les services hospitaliers sont de plus en plus surspécialisés, organisant des filières centrées sur une seule pathologie et fonctionnant essentiellement sur la base d'hospitalisations programmées ou recevant exclusivement les urgences relevant de leur spécialité. Cette surspécialisation explique la détérioration de la prise en charge globale pluridisciplinaire des malades et la crise d'une spécialité transversale, la médecine interne, autrefois mère de toutes les spécialités et socle de formation partagé par tous les praticiens hospitaliers. De même, le processus de spécialisation croissante relégua dans la formation des étudiants la médecine générale, dont les représentants durent forcer la porte des centres hospitaliers universitaires (CHU). Cette "surspécialisation" participe également à la crise en aval des urgences, les spécialistes étant réticents à admettre dans leur service des patients dont la pathologie ne relève pas de leur expertise et qui de surcroît viennent perturber la planification des admissions programmées.
Dès 1973, Robert Debré fut conscient de cette dérive. Dans un discours prophétique, il déclarait en substance : "Je n'ai fait que la moitié du travail, ce que j'ai fait avec la biologie, vous devrez le faire avec la santé publique en faisant venir dans nos hôpitaux, pour travailler avec nous, les psychologues, les sociologues, les économistes, les statisticiens…" Depuis 1984, date de création du statut de praticien hospitalier non universitaire (PH), il aurait fallu modifier la réforme Debré. Il n'en fut rien et à la fin du siècle émergea le concept de "médecin ingénieur" avec ses corollaires de "médecine industrielle" et d'"hôpital entreprise", concepts repris par les directeurs d'hôpitaux de la Fédération hospitalière de France (FHF) et par des chirurgiens ultra-spécialisés.
Ainsi, les 35 heures furent appliquées dans les hôpitaux comme dans une entreprise commerciale, en associant gel de la masse salariale et gains de productivité. S'ensuivirent le blocage des rémunérations, la limitation des heures supplémentaires, le recours à l'intérim, la sous-traitance au privé de certaines activités, la mobilité des agents d'un service à l'autre, la variabilité des horaires, la compression des temps de transmission entre équipes, la suppression des réunions de service. Il arrivait que des infirmiers hospitaliers, pour arrondir leurs fins de mois, fassent des vacations en cliniques privées voire mènent une deuxième activité en dehors du secteur de la santé.
La généralisation, en 2008, de la T2A à toutes les activités de soin, jusques et y compris aux soins palliatifs, au lieu de la limiter aux activités standardisées et programmées, concrétisait la volonté politique de transformer l'hôpital public en une entreprise commerciale (vendant des séjours) soumise à la concurrence des cliniques privées. Le but était de transformer l'hôpital public en un établissement de santé privé d'intérêt collectif (ESPIC), tandis que les cliniques à but lucratif seraient progressivement rachetées par des chaînes commerciales internationales financiarisées.
L'application de la loi instituant les 35 heures avait abîmé le travail d'équipe. La loi Hôpital, patients, santé et territoire (HPST) mettant en œuvre en 2009 la gouvernance d'entreprise devait officiellement supprimer les services remplacés par des "structures" facultatives au sein de "pôles" de gestion. Ce faisant, cette loi, ("loi Bachelot"), jetait le bébé – l'équipe soignante stable (médicale et paramédicale) – avec l'eau du bain, au nom du manque d'efficacité et des abus du pouvoir médical. Ce dernier fut remplacé par le pouvoir administratif de gestion par le nombre et par la norme.
La régulation comptable
L'hôpital public est victime de la régulation comptable, mère de toutes les réformes depuis les années 1970. En effet, pendant les "Trente Glorieuses", les dépenses de santé ont crû de plus de 10% par an sans aucune mesure de limitation ("Les dépenses de santé depuis 1950", Études et résultats n°1017, Drees, juillet 2017). La première régulation qui fit consensus fut l'instauration, en 1971, du numerus clausus selon l'argument qu'en matière de santé c'est "l'offre qui crée la demande", c'est-à-dire que c'est le médecin qui crée si ce n'est le malade, du moins les prescriptions et les actes inutiles.
Cette diminution drastique du nombre de praticiens poursuivie jusqu'en 1998 – tout en maintenant la liberté totale du choix du lieu d'installation et refusant la délégation de tâches aux paramédicaux et aux pharmaciens, alors que croissait la demande de la population vieillissante– préparait les déserts médicaux. Malgré les déclarations des médecins libéraux en défense du principe éthique "du juste soin pour le patient, au moindre coût pour la collectivité", leurs syndicats firent tout pour empêcher la régulation médicalisée portant sur la pertinence des prescriptions, alors que selon des enquêtes convergentes environ 20% des prescriptions et des actes sont injustifiés (René Mornex, "Améliorer la pertinence des stratégies médicales" Rapport de l'Académie de médecine, 2013). C'est ainsi que les syndicats libéraux obtinrent l'annulation des références médicales opposables (RMO) mises en place en 1993. Créées en janvier 1993 par la convention médicale dans le but d'éviter les prescriptions abusives, les références médicales opposables (RMO) sont des recommandations de bonnes pratiques médicales concernant une pathologie. Elles sont non obligatoires bien qu'opposables, dans le cadre de l'exercice libéral de la médecine.
Dès lors, la régulation fut quasi exclusivement comptable et utilisa deux moyens conjointement :
- contenir l'augmentation des coûts des actes médicaux (notamment du montant des consultations), des médicaments et dispositifs médicaux ainsi que des examens complémentaires de biologie ou d'imagerie ;
- augmenter le reste à charge (RAC) pour les malades, qu'il soit payé intégralement de leur poche ou remboursé en tout ou en partie par les assurances complémentaires privées.
Le premier moyen fait craindre le rationnement comme c'est le cas avec le National Health Service (NHS) en Grande Bretagne, le second moyen, dont l'exemple typique est celui des États-Unis (où une appendicectomie coûte entre 10 000 et 35 000 dollars), aggrave les inégalités sociales de santé dans la mesure où les assurances privées concurrentielles sont moins solidaires, moins égalitaires et moins efficientes que la Sécurité sociale. Aujourd'hui, les assurances complémentaires remboursent plus de 50% des soins courants (hors affections de longue durée – ALD – et hors hospitalisations). Pour les hôpitaux, ce fut en 1983 à la fois l'instauration du forfait hospitalier régulièrement augmenté (auquel est venu s'ajouter depuis le coût de prestations prétendues de confort comme la chambre seule) et le financement de l'hôpital par un budget global remplaçant l'inflationniste paiement à la journée (jusqu'en 2004, quand fut introduite la T2A).
En 2010, l'Objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam) voté par le Parlement fut transformé en un budget contraint indépassable. Mais à la suite de l'échec du plan Juppé de 1996, qui prévoyait des sanctions financières pour les médecins libéraux en cas de dépassement de l'Ondam de ville, il fut décidé de faire porter la régulation exclusivement sur l'hôpital. Pour ce faire, les gouvernements successifs utilisèrent deux moyens :
- la mise en réserve chaque année de 400 millions d'euros en début d'exercice. Censée être rendue aux hôpitaux si l'Ondam était respecté, cette provision ne leur fut pas restituée en raison du dépassement de l'Ondam de ville, jusqu'à l'éclatement de la crise hospitalière en 2019 ;
- une péréquation volume-prix entraînant automatiquement une baisse des tarifs lorsque l'activité augmente.
En neuf ans (2010-2018), les tarifs baissèrent de 7% tandis que l'activité augmentait de 15%. Pour rester à l'équilibre, il fallait qu'un hôpital augmente son activité (ou du moins majore le codage de cette activité, c'est-à-dire la facture adressée à la Sécurité sociale) d'au moins 2% annuellement sans augmenter le personnel dont les salaires représentent 60% des dépenses. D'où la priorité donnée aux activités rentables (comme la dialyse rénale ou la chirurgie ambulatoire), priorité plus facile à pratiquer pour les cliniques privées que pour les établissements publics ; la multiplication des activités injustifiées (les offres systématiques de bilans de santé en hôpital de jour) et l'"optimisation" du codage. L'établissement hospitalier, contraint d'en faire toujours plus pour éviter de gagner moins, était comme le hamster dans sa roue, obligé de courir toujours plus vite pour ne pas perdre l'équilibre. Cette régulation infernale devait provoquer inévitablement la chute de l'activité hospitalière par épuisement. Celle-ci eut lieu en 2017. Mais ce n'est qu'en 2019 que les tarifs de la T2A furent réaugmentés, de 0,2%. C'est une "première historique", déclara alors la ministre des solidarités et de la santé !
Quel traitement ?
La pandémie de Covid-19 avait montré dans les faits ce que pouvait être un authentique service public de santé. Plus question de rivalité entre les professionnels et les établissements mais complémentarité et coordination entre la ville et l'hôpital ; plus de travail en solitaire mais en une équipe fondée sur une hiérarchie des compétences et non de pouvoir ; délégation des tâches aux paramédicaux et aux pharmaciens ; soignants au service des malades et gestionnaires à celui des soignants ; importance de la santé publique pour le dépistage et la prévention. Fin de l'Ondam, de la T2A et des dépassements d'honoraires, et pas de gaspillage, au moins au début, dans la mesure où on manquait de tout. L'hôpital public prit en charge 85% des patients atteints de la Covid-19. Mais la pandémie avait aussi montré nos faiblesses en matière de santé publique et notre carence de démocratie, notamment de démocratie sanitaire.
La reconstruction de l'hôpital public suppose une refondation de l'ensemble de notre système de santé. Les principes pourraient en être les suivants.
Les quatre médecines
Il existe quatre médecines. La médecine des pathologies aiguës bénignes et des gestes techniques simples et celle des maladies aiguës graves et des interventions complexes sont fondamentalement centrées sur le traitement. La troisième est celle des pathologies chroniques nécessitant une approche holistique, bio-technico-médicale, mais aussi sociale, psychologique, culturelle et pédagogique. C'est la médecine de la personne. Enfin, la santé publique constitue la quatrième médecine ; elle est centrée sur le maintien en bonne santé des populations grâce à la prévention individuelle et collective et à la réduction des inégalités sociales de santé.
Dans ces deux dernières médecines, la prévention et la démocratie sanitaire tiennent une place essentielle. Les relations entre les soignants et les soignés, les médecins et les paramédicaux, les soignants et les travailleurs sociaux, les soignants et les élus locaux ou les représentants associatifs diffèrent d'une médecine à l'autre. La forme d'organisation et les modes de financement devraient être adaptés à chaque type d'activité médicale.
La T2A est appropriée aux soins standardisés et programmés délivrés à l'hôpital, comme le paiement à l'acte ou à l'épisode de soin est adapté à la prise en charge en ville des pathologies aiguës bénignes. Mais c'est le prix de journée qui convient le mieux pour financer les soins palliatifs et c'est le budget global ou le forfait annuel par patient qui est adapté au suivi des personnes atteintes de maladies chroniques. Quant au budget de la prévention, il doit être porté à 10% des dépenses de santé grâce notamment à la taxation de la publicité et de la production des "nuisibles pour la santé" tels les sodas, les aliments trop gras ou trop sucrés, le tabac, l'alcool, les pesticides et autres polluants.
La démocratie sanitaire
La démocratie sanitaire doit s'articuler avec la démocratie sociale et la démocratie politique. Le développement de la démocratie sanitaire devrait aller jusqu'à une cogestion de l'Assurance Maladie et des agences étatiques ainsi que des établissements publics de santé par les représentants de l'État, les responsables syndicaux, les représentants des professionnels et des usagers, appliquant la règle d'or de l'équilibre des comptes entre les recettes et les dépenses. L'exercice de la démocratie sanitaire appliquant le principe de co-construction doit impérativement précéder les prises de décisions des pouvoirs publics. La politique de santé devrait faire partie du champ du référendum d'initiative partagée (RIP) et d'initiative citoyenne (RIC) aux niveaux national, régional ou local, dans le respect impératif de l'équilibre des comptes.
Renforcer la planification sanitaire à toutes les échelles
La planification sanitaire doit se décliner également à tous les échelons. Au niveau national, elle implique l'adoption par le Parlement d'un plan quinquennal programmant les objectifs et fixant les moyens, réévalués et adaptés chaque année avec l'adoption de l'Ondam. La régulation de l'Ondam doit avoir lieu a posteriori sur la base de l'évaluation ciblée de la pertinence des soins, mettant fin aux coups de rabot budgétaires généralisés. Au niveau territorial, un projet de santé doit être élaboré par les différents acteurs concernés avec les élus locaux et les délégations décentralisées des agences régionales de santé (ARS), afin de fixer les objectifs (prévention, permanence des soins, éducation thérapeutique, parcours de santé…) et les moyens financiers et humains pour les atteindre. Cela suppose une authentique décentralisation de la gestion et du financement avec une participation accrue des collectivités territoriales.
L'unification du système de santé
L'unification du système de santé devrait entraîner la création d'une Grande Sécu 100% – intégrant les mutuelles et supprimant le doublon actuel assurance maladie obligatoire (AMO)-assurance maladie complémentaire (AMC) – et celle d'un service de santé d'intérêt général territorialisé organisant la coopération entre les établissements publics, les établissements privés à but non lucratif et les professionnels installés en secteur 1 sans dépassement d'honoraires.
Le secteur 2 devrait être placé en extinction, parallèlement à la revalorisation du secteur 1 (dans un premier temps, le secteur 2 conventionné doit être limité à l'option pratique tarifaire maîtrisée (OPTAM) négociée avec la Sécu. Tous les professionnels de santé devraient participer d'une façon ou d'une autre à la permanence des soins : implication au service d'accueil des urgences, à des maisons de garde, à la régulation téléphonique, à l'organisation de consultations sans rendez-vous en concertation avec le service d'accès aux soins (SAS).
Dans les services des urgences, pour en finir avec les séjours prolongés de patients sur des brancards, il faut agrandir ou créer des services de médecine polyvalente post-urgence cogérés par des internistes et des urgentistes, véritables têtes de pont de filières de soin dans et hors l'hôpital. Deux spécialités sinistrées, la pédiatrie et la psychiatrie, nécessitent des plans spécifiques avec le doublement de leurs moyens.
Encourager le travail en équipe
Le travail en équipe doit progressivement devenir la norme. En ville, il conviendrait de favoriser la création de maisons médicales pluriprofessionnelles et de centres de santé où collaborent médecins et paramédicaux avec l'aide d'assistants médicaux. Dans les déserts médicaux, en concertation avec les collectivités territoriales, une des solutions est de créer des centres de santé reliés aux hôpitaux publics garantissant pour les professionnels des statuts d'hospitaliers détachés et la possibilité de poursuivre ultérieurement une carrière hospitalière.
À l'hôpital, il est nécessaire d'embaucher et de former 100 000 infirmiers pour assurer des équipes de soins stables et en nombre suffisant. Des quotas doivent être fixés par unité de soins sur la base de données internationales et de comparaisons nationales en prenant en compte la charge réelle de travail. Les salaires doivent être revalorisés au niveau de ceux des pays européens voisins. Le salaire annuel brut du personnel infirmier en France était de 32 400 euros en 2020, contre 50 600 euros aux Pays bas et 62 300 en Belgique (Panorama de la Santé 2023, OCDE). )
Il est urgent d'accroître le nombre d'infirmiers en pratique avancée (IPA) dans presque toutes les spécialités sur la base d'au moins cinq ans d'exercice dans une spécialité et de la validation d'acquis d'expériences et de formation. Enfin, si le socle de l'hôpital doit redevenir le service et non le pôle de gestion, il ne saurait être question de rétablir le mandarinat. Un chef ou une cheffe de service devrait avoir systématiquement un adjoint ou une adjointe et être nommé(e) pour un mandat de cinq ans renouvelable une fois. Il faut appliquer une dissociation entre les titres et les fonctions. Les cinq missions de l'hôpital public (soin, enseignement, recherche, santé publique, gestion) doivent être assumées par une équipe, chaque médecin pouvant avoir une ou deux missions, évaluées régulièrement et susceptibles de changer avec le temps. Enfin, en ce qui concerne la recherche médicale, il faut mettre en œuvre les préconisations du président de l'Académie des sciences, le professeur Alain Fischer.