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Opioïdes : une progression préoccupante de la consommation en France
Publié le 5 septembre 2025
Face au risque de banalisation de la consommation d'opioïdes, associée à des mésusages, une dépendance physique et des surdoses pouvant mener à la mort, un rapport parlementaire formule plusieurs recommandations à l'attention des pouvoirs publics.
Les risques liés à la consommation de substances opioïdes, destinées au soulagement de la douleur (antalgiques), ont été mis en lumière par la crise américaine du fentanyl, un analgésique opioïde. Si la situation n'est pas aussi inquiétante en France, les autorités sanitaires sont de plus en plus vigilantes, depuis quelques années, face à la hausse de la consommation d'opioïdes sur le territoire.
Le 9 juillet 2025, la commission des affaires sociales du Sénat a remis un rapport d'information sur les dangers des opioïdes. Elle y dresse un état des lieux de la consommation de ces médicaments et des risques qui l'accompagnent et formule 20 recommandations à visée préventive.
Augmentation des risques liés à l'usage d'opioïdes : une situation préoccupante en France
Si la prescription d'antalgiques opioïdes demeure minoritaire (22%) comparée à la prescription d'antalgiques non opioïdes (78%), elle augmente d'année en année. En 2024, près de 12 millions de Français se sont vu prescrire des antalgiques opioïdes. Surtout, les opioïdes "forts", dont la quasi-totalité sont classés parmi les stupéfiants, sont de plus en plus vendus (+ 59% entre 2010 et 2023).
À la consommation d'opioïdes sont associés des mésusages, des usages détournés à visée récréative, des surdoses et une dépendance physique. Près de la moitié des usagers de tramadol rencontreraient des difficultés à arrêter leur traitement.
L'état des lieux de l'usage d'opioïdes prescrits en France relève une augmentation :
- des cas de "troubles" (mésusages, dépendance...), qui ont doublé entre 2006 et 2015 ;
- du nombre d'hospitalisations (+ 167% de 2000 à 2017) ;
- du nombre de décès (+20% entre 2018 et 2022 - hors usagers à risque).
Agir contre la banalisation des usages d'opioïdes, informer les patients et sensibiliser les professionnels de santé
Le rapport invite les pouvoirs publics à agir contre le risque de banalisation de la consommation de médicaments opioïdes. Celle-ci serait devenue un "réflexe", aussi bien du côté des patients que des professionnels qui les prescrivent. La connaissance des patients sur les risques liés aux opioïdes demeurant insuffisante, les rapporteures préconisent de renforcer leur information et leur orientation. La sensibilisation des professionnels de santé doit également être améliorée, tout particulièrement celle des médecins généralistes, premiers prescripteurs d'opioïdes.
La situation française est néanmoins loin d'atteindre le niveau de crise observé en Amérique du Nord (des centaines de milliers de patients dépendants, de nombreux reports vers le marché illégal, et près de 110 000 décès par surdose en 2022). En France, la promotion des médicaments est strictement encadrée et les publicités d'opioïdes auprès du grand public interdites. Surtout, les conditions de prescription ont été progressivement restreintes.
Quelles sont les règles de prescription des opioïdes en France ?
Depuis 2017, la délivrance d'opioïdes est soumise à une prescription médicale préalable. De nouvelles règles de prescription ont été mises en place par l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) en mars 2025 :
- en plus des opioïdes classés comme stupéfiants, le tramadol et la codéine doivent désormais obligatoirement être prescrits par une ordonnance sécurisée mentionnant le dosage, la posologie et la durée du traitement ;
- la durée maximale de prescription des médicaments contenant de la codéine est abaissée à 3 mois, comme cela était déjà le cas pour le tramadol depuis 2020, et celle des médicaments stupéfiants est fixée à un mois.
S'il est nécessaire de sécuriser l'usage des opioïdes en raison des risques qui en découlent, les rapporteures rappellent leur intérêt thérapeutique avéré pour le traitement de la douleur. Celle-ci constitue la 1e cause de consultation en médecine générale ainsi que dans les services d'accueil des urgences. Pourtant, seulement 37% des Français souffrant de douleurs chroniques (20 à 30% de la population totale) se déclarent satisfaits de leur prise en charge. Les rapporteures appellent ainsi à la formalisation d'un nouveau plan national de lutte contre la douleur, le dernier remontant à 2006-2010.