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Hydroélectricité : les barrages hydrauliques en quatre questions
Dernière modification : 2 septembre 2025
Un accord entre la France et la Commission européenne sur le régime de concessions hydroélectriques a été annoncé par le Premier ministre le 28 août 2025. Après plus de 10 ans de blocage, cette étape devrait permettre une relance des investissements dans les barrages. Mais qui gère les ouvrages hydrauliques ? Le point en quatre questions.
SOMMAIRE
1 Qu'est-ce qu'un barrage hydraulique ?
2 Qui est chargé de la gestion des barrages hydrauliques ?
3 Quel est le litige entre la France et la Commission européenne sur les concessions hydroélectriques ?
4 Quels régimes juridiques possibles pour les barrages ?
1 Qu'est-ce qu'un barrage hydraulique ?
Le barrage hydraulique est un ouvrage, le plus souvent construit en travers d'un cours d'eau, qui retient l'eau naturelle destinée à la production d’énergie hydroélectrique, à l'alimentation en eau potable, à l'irrigation ou à l'activité touristique. De formes variées (barrage-poids, barrage-voûte ou barrage à contreforts), les barrages sont classés en trois catégories (A, B, C) en fonction de leur hauteur et de leur volume.
En France, l’hydroélectricité est la deuxième source de production électrique derrière le nucléaire et la première source d’électricité renouvelable. Concrètement, l'eau naturelle stockée dans la retenue d'eau passe dans des tuyaux et arrive dans une turbine qu'elle met en mouvement. La turbine fait ensuite fonctionner un alternateur. Grâce à l'énergie fournie par la turbine, l'alternateur produit un courant électrique alternatif. Puis, un transformateur élève la tension du courant électrique pour qu'il soit transporté dans les lignes à très haute et haute tension.
La puissance de la centrale dépend de la hauteur de la chute et du débit de l'eau. Plus ils seront importants, plus cette puissance sera élevée.
La diversité des centrales hydroélectriques
Il existe différents types de centrales hydroélectriques :
- les installations au fil de l’eau ou de basse chute, ayant un débit très fort et sans retenue d'eau ;
- les installations d'éclusée ou de moyenne chute, en moyenne montagne ayant un débit moyen et une petite capacité de stockage ;
- les installations de lac ou de haute chute disposant d’une retenue plus importante (barrages de grande taille, surtout en haute montagne) et d'un débit faible ;
- les "stations de transfert d’énergie par pompage" (STEP), utilisées pour le stockage de l’énergie électrique (elles pompent l'eau pendant les périodes de moindre consommation d’électricité pour turbiner pendant les pics de consommation).
2 Qui est chargé de la gestion des barrages hydrauliques ?
Les barrages et les centrales hydroélectriques sont soumis à deux régimes différents selon leur puissance :
- concession de service public si la puissance dépasse 4,5 mégawatts : l'État est propriétaire et confie l'exploitation à un opérateur ;
- autorisation si elle est inférieure ou égale à 4,5 mégawatts : l'installation appartient à un propriétaire privé (particulier, entreprise) qui doit détenir une autorisation environnementale délivrée par le préfet.
La plupart des concessions hydroélectriques (plus de 340) sont gérées par des concessionnaires, dont les trois principaux sont : EDF (70% de la production hydroélectrique), la Compagnie nationale du Rhône (25% de la production) et la Société hydroélectrique du Midi (moins de 5%).
L'octroi des concessions, conclues en général pour une durée de 75 ans, est effectuée selon une procédure fixée dans le livre V du code de l'énergie par la loi du 17 août 2015 sur la transition énergétique pour la croissance verte.
Les concessionnaires sont chargés des investissements, de la construction et de l'exploitation des ouvrages. Ils sont également responsables de la sécurité des barrages (surveillance, entretien et visites techniques). Ils perçoivent les bénéfices de l'exploitation, versent une redevance et accordent des réserves en eau et en énergie en contrepartie. À la fin de la concession, l'État décide de renouveler ou non le contrat. Les concessions viennent progressivement à échéance depuis 2003. Elles ne sont, pour l'instant, pas renouvelées en raison d'un conflit entre la France et la Commission européenne.
3 Quel est le litige entre la France et la Commission européenne sur les concessions hydroélectriques ?
Un accord de principe entre la France et la Commission européenne a été trouvé, a annoncé le Premier ministre le 28 août 2025. Le désaccord portait sur la non mise en concurrence des concessions hydrauliques sur le territoire national.
Une directive de 2014 de la Commission européenne, transposée en droit français, impose en effet la mise en concurrence des barrages hydrauliques à échéance de chaque contrat de concession. En France, la fin des concessions va de 2003 à 2080. Avant le 31 décembre 2025, 61 concessions sur plus de 340 arrivent à terme. Aucun ouvrage n'a fait l'objet d'une ouverture au marché, malgré 2 mises en demeure de se conformer à la directive en 2015 et 2019.
Or, en France, un large consensus politique s'oppose à l'ouverture au marché des installations hydroélectriques. Certains responsables politiques demandent d'exclure la France de la directive, d'autres sont favorables à la nationalisation des ouvrages ou au passage à un régime d'autorisation d'exploitation à la place des concessions. La proposition de résolution européenne, transpartisane de 2025 de la commission des Affaires européennes de l'Assemblée, demande d'exclure les concessions de la mise en concurrence.
Conséquences de plus de dix années de conflit : le lancement des travaux pour augmenter la puissance des ouvrages est retardé. Dans l'incertitude du renouvellement de leur concession, les opérateurs ont arrêté les investissements, fragilisant le parc hydroélectrique le plus important de l'Union européenne (UE). Cette paralysie entrave l'atteinte des objectifs de baisse des énergies fossiles de la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE). Dans un référé de décembre 2022, la Cour des comptes souligne plus particulièrement le cas des nouvelles stations de transfert d'énergie par pompage (STEP), projet "enlisé" du fait des retards de renouvellement des concessions. La Cour préconise "une rémunération propre aux STEP, à la hauteur de leur contribution au fonctionnement du système électrique français et permettant d’assurer un développement des investissements en ligne avec les objectifs de la programmation pluriannuelle de l’énergie".
En mai 2025, dans un rapport, la mission d’information de l'Assemblée nationale sur les modes de gestion et d'exploitation des installations hydroélectriques préconisait notamment le passage à un régime d'autorisation comme issue au différend entre la France et la Commission européenne.
L'accord de principe d'août 2025 prévoit :
- le passage d'un régime de concession à un régime d'autorisation pour l'exploitation de l'énergie hydraulique ;
- la possibilité de maintenir les exploitants en place, indispensable pour garantir la continuité de l’exploitation des ouvrages ;
- la mise à disposition par EDF de six gigawatts de capacités hydroélectriques à des tiers et au bénéfice final des consommateurs.
Pour être appliqué, cet accord devra toutefois faire l'objet d'une prochaine proposition de loi.
Délais glissants : de quoi s'agit-il ?
La loi autorise de continuer l'exploitation des concessions arrivées à échéance en application de "délais glissants". Les concessions arrivées à terme doivent payer une redevance spécifique égale à 40% du bénéfice normatif après impôts. Prolonger la concession est aussi possible en raison de travaux supplémentaires à effectuer.
4 Quels régimes juridiques possibles pour les barrages ?
Un rapport de commission d'enquête du Sénat sur l'avenir de l'électricité, publié en 2024, analyse les avantages et les inconvénients des différents régimes juridiques pour les barrages hydroélectriques :
La mise en concurrence peut apporter une meilleure performance des ouvrages hydroélectriques et optimiser les financements. Toutefois, elle comporte des inconvénients, notamment des impacts éventuels sur la gestion de l'eau et les multi-usages associés mais aussi sur la sûreté et la sécurité publique si le nouveau concessionnaire n'est pas EDF.
La quasi-régie permettrait de maintenir un opérateur unique pour une gestion optimale. La mise en concurrence n'est pas obligatoire pour EDF uniquement. Les difficultés portent notamment sur le contrôle de l'État et le mode de gouvernance "peu adaptée" à la gestion d'ouvrages hydroélectriques.
Quant au régime d'autorisation, en vigueur pour tous les autres moyens de production d'électricité, il s'appliquerait à tous les concessionnaires sans mise en concurrence. Cependant, le transfert des ouvrages aux exploitants remet en question des règles de domanialité des barrages et le coût d'acquisition des ouvrages par les exploitants, notamment.