« Le Rire chez l’Homme » (1 ère partie)
Historique
Le rire normal
Les rires pathologiques
Historique
Récemment, dans un grand quotidien de la presse française, un journaliste s’adressait à des jeunes militants politiques quelque peu dépités par des événements contrariants en leur enjoignant « Rigolez ! c’est un ordre ! ». Cette injonction laissait entendre qu’on peut rire sur commande, c’est une erreur ; par ailleurs le « rire » n’est pas une panacée à la résolution de tous les maux.
Le « rire », depuis l’Antiquité, a suscité l’intérêt des philosophes, des sociologues, des anthropologues, des écrivains, des dramaturges, etc. On peut ainsi citer les réflexions d’Aristote, de Kant, Schopenhauer, Descartes. Au 20è siècle, on se réfère à l’Essai sur le Rire d’Henri Bergson qui privilégie les liens du Rire et du Comique. Par ailleurs, Sigmund Freud, avec l’apport de la psychanalyse, étudie surtout la parenté de Rire et de l’Humour, avec insistance sur l’apport du Rire dans la « flexibilité et l’adaptabilité » mentales.
Les contributions de la neuropsychologie, de la psychologie expérimentale et de la neurophysiologie s’avèrent capitales pour la connaissance intime du rire : sa production, son déroulement, sa finalité, son rôle dans la vie sociétale. Om apprendra aussi qu’il n’est pas l’apanage de l’Homme.
En dernier ressort, les écrivains et les dramaturges ont beaucoup contribué à la connaissance du Rire et de ses effets. Ainsi Rabelais et ses personnages illustres,- Pantagruel, Gargantua, Molière qui a campé des personnages tout à la fois drôles, outranciers, caricaturaux des défauts humains : Harpagon, Tartuffe, le Malade imaginaire, etc, ont toujours fait rire, alors que les héros de Racine et de Corneille n’ont pas prêté à rire.
N’oublions pas les comédies de théâtre dit de Boulevard, avec notamment Feydeau qui déclenchent le rire avec de nombreux quiproquos cocasses.
Aujourd’hui, la télévision s’est emparée de divers spectacles comiques, pour distraire et égayer les téléspectateurs.
Bref, si le rire est naturel à l’Homme, il a aussi besoin d’être provoqué à bon escient pour le bon équilibre de l’Homme ; il doit contrecarrer la peine, la tristesse, l’affliction ; il est l’envers positif des pleurs.
Mais on doit aussi s’intéresser à certains rires dits « pathologiques » qui sont plus ou moins significatifs de certaines pathologies, principalement dans le domaine de la neuropsychiatrie.
LE RIRE « NORMAL » CHEZ L’HOMME
Divers paramètres sont à étudier dans le Rire : sa production, son déroulement, ses modalités et variantes d’expression, ses liens avec la personnalité du Rieur, sa finalité et notamment son rôle sociétal.
- La Production du Rire
Le Rire est un Acte Réflexe à une situation plaisante ou comique. Il n’est donc pas unacte volontaire, sauf en de rares occasions (se forcer à rire dans l’évocation de scènes risibles). Le Rire subit des fluctuations dans l’existence : apparaissant à un très jeune âge (vers le 3e ou 4e mois de l’existence), il se développe beaucoup chez l’enfant (jusqu’à 500 fois par jour), se raréfie chez l’adulte (10 à 15 fois par jour), puis décline pour disparaître presque en totalité chez le vieillard.
- Le Déroulement du Rire
L’événement provocateur du Rire cible le cerveau. L’ « aire du Rire » a fait l’objet de diverses recherches, notamment la neuro-imagerie fonctionnelle. On pense que cette aire se situe en zone pré-frontale droite médio-basale qui serait en relation avec les zones cérébrales « hypothalamiques» et « hippocampiennes ». Cette zone cérébrale ciblée excitée va déclencher une « cascade » de mises en action d’organes effecteurs : muscles faciaux, zygomatiques, cervicaux, laryngés, diaphragmatiques, intercostaux et même des membres.
Cette mise en branle de ces divers organes entraîne des effets cardio-respiratoires (TA, rythme du cœur). Même la zone hypophyso-hypothalamique est sollicitée avec production hormonale, production de neurotransmetteurs et de neuromodulateurs tels que endorphines et enkephalines.
Le déroulement du rire se fait toujours dans un ordre précis. Le bruit du rire est lié à des contractions rythmiques du larynx ; les clonies des membres sont dues à des influx nerveux rythmés excitant les muscles. Durant toute l’évolution de l’accès du Rire, le sujet est pleinement conscient et peut, volontairement en moduler l’intensité, l’expansion, la durée.
- Les Variantes d’Expression du Rire
Différents paramètres jouent dans l’expression du Rire :
o la Soudaineté de survenue du rire : elle peut être surprenante dans sa brutalité. On dit alors que le sujet « s’esclaffe », mais habituellement le rire se révèle progressivement ;
o l’Intensité du Rire : parfois, le Rire peut être très bruyant voire détonant et étonnant, mais il peut aussi être discret ;
o la Tonalité du Rire : elle est variable. Soit il est grave, soit il est aigu, - strident, voire insupportable, comme il est des petits rires discrets ;
o la Durée du Rire : parfois bref, parfois aussi prolongé, très durable et difficile à calmer, c’est le cas du fou rire ;
o la Communicabilité du Rire : le rieur apprécie un auditoire réceptif. Parfois même, son rire est si communicable qu’il déclenche « l’Hilarité Générale ».
- L’expression du visage dans le Rire
Parfois, le rieur affiche un visage jovial, voire très jovial. Parfois, au contraire, le visage se modifie peu comme dans les cas du « rire moqueur » ou du « rire sarcastique ».
- Les effets du Rire sur le Rieur
Ils sont à la fois physiques et psychiques :
o Physiques : le rire augmente l’oxygénation des tissus organiques par le jeu des muscles respiratoires. Il agit sur la Tension Artérielle (TA), le rythme cardiaque. Il agit sur la sécrétion gastrique. Il augmente la production de dopamine et de catécholamines ainsi que des endorphines et de l’enképhaline. Le rire a une action parasympathicomimétique.
o Psychiques : le Rire a un lien étroit avec la personnalité du rieur. Il est de bons et de mauvais rieurs. On aime la compagnie des rieurs, des rigolos, des marrants, car avec eux, on rit, on se distrait des préoccupations de la vie. A l’opposé, les tristes, les pessimistes, les geignards désavouent souvent les rieurs qui les agacent ; ces gens-là n’ont pas de flexibilité mentale, mais on peut apprendre à rire.
- L’Humour : Freud a beaucoup insisté sur les liens du Rire et de l’Humour.
L’Humour –terme dérivé de l’humeur- créé au 17e siècle- désignant la faculté et la facilité de l’individu à être facétieux, parfois subversif voire même provocateur – à ridiculiser les autres avec le sourire ou le rire, à malmener les contraintes morales de la société. Le subconscient favoriserait l’éclosion du rire en libérant l’individu de ses divers refoulements.
Freud, dans son ouvrage sur l’humour, cite le cas d’un condamné à mort qui mené à la potence, un lundi matin, s’écrie au pied de celle-ci : « la semaine commence bien ! ». extravagante distorsion entre la gravité de la situation et la légèreté de la remarque ! Bel exemple de désinvolture comique qui veut ridiculiser la condamnation de la société.
L’Humour, selon des études neurophysiologiques et neuropsychologiques récentes, génèrerait une bénéfique économie « d’énergie mentale ».
Le Rire est présentement considéré comme un bon agent d’un rôle anti-Stress.