Lu le 8 février 2008 sur le site de l’Assemblée Nationale :
Après cinq mois de travaux, près de trente auditions à Paris et deux déplacements en province, dans des régions aux caractéristiques sanitaires aussi différentes que la Bourgogne et la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, après avoir ainsi entendu près de 175 personnes représentant les principaux acteurs du système de santé et reçu plusieurs dizaines de contributions écrites d’autres acteurs, la mission observe un consensus sur l’état de notre système de santé et sur les causes de ses insuffisances, mais pas sur les remèdes à y apporter. Unanimement, la mission considère que l’organisation de notre système de santé « en tuyaux d’orgue » segmente artificiellement la prise en charge de la santé des Français en plusieurs secteurs, pourtant interdépendants – la prévention, la médecine de ville, l’hôpital, le secteur médico-social –, dont le pilotage est cloisonné, tant au niveau national qu’au niveau territorial. Il en résulte des ruptures dans la prise en charge des patients, un déséquilibre entre le volet préventif et le volet curatif de nos politiques de santé – au détriment du premier – et, surtout, des risques importants pour la viabilité financière de notre système de santé. En conséquence, la mission estime que la réforme du pilotage de notre système de santé doit poursuivre trois objectifs : – redonner de la lisibilité à ce pilotage ; – renforcer l’efficacité des politiques de santé ; – et, surtout, améliorer l’efficience de notre système de santé pour assurer sa viabilité financière.
Dans ce but, un consensus se dégage pour que les politiques de santé publiques, l’offre de soins ambulatoires et hospitaliers, ainsi que l’offre médico-sociale – pour les établissements et services qui ont des activités de soins justifiant leur financement total ou partiel par l’assurance maladie – soient planifiées conjointement, par des agences régionales de santé, et non plus de façon éclatée comme c’est le cas aujourd’hui.
La mission juge en effet qu’un pilotage conjoint est nécessaire, notamment pour remédier à l’hospitalo-centrisme qui marque notre système de santé au détriment des soins primaires, du secteur médico-social et de la prévention. Unanimement, les membres de la mission souhaitent également qu’à l’occasion de la réforme annoncée par le Gouvernement pour les mois à venir, la démocratie sanitaire soit renforcée.
Cela suppose à la fois de dynamiser les actuelles conférences régionales de santé et, surtout, de donner un rôle accru aux élus dans la gouvernance territoriale du système de santé, y compris au sein d’un « conseil de surveillance » des ARS, et en lien avec les collectivités territoriales.
De même, la mission juge insuffisants les outils actuels de pilotage du système de santé. En effet, il ne suffira pas de charger les ARS de mettre en cohérence les différents outils de planification existants pour qu’elles pilotent efficacement l’offre de soins, notamment ambulatoires.
Il leur faudra notamment des systèmes d’information exhaustifs et des outils d’orientation de la répartition géographique des professionnels de santé plus d’efficaces que les outils existants. La mission considère également que la création des ARS ne sera pas sans conséquence sur les équilibres qui sous-tendent l’organisation de la gouvernance du système de santé, et notamment la répartition des compétences entre l’État et l’assurance maladie.
Il ressort ainsi des travaux de la mission que le transfert aux ARS des compétences de l’assurance maladie en matière de « gestion du risque », c’est-à-dire de régulation des dépenses de santé, suppose, en corollaire, l’unification complète du pilotage du système de santé au niveau national.
En effet, si les différentes directions d’administrations centrales et caisses d’assurance maladie ne sont pas intégrées dans un opérateur national – une « Agence nationale de santé » (ANS) –, les ARS risqueront fort d’être handicapées par un pilotage en commande multiple, potentiellement contradictoire, comme c’est le cas aujourd’hui des missions régionales de santé (MRS). Dès lors, deux scénarios de réforme sont envisageables : – soit les ARS cumulent, d’une part, les fonctions d’organisation de la prévention et de l’offre de soins et, d’autre part, les fonctions de régulation des dépenses de santé, sous le contrôle d’une ANS ; – soit les fonctions d’organisation du système de santé et celles de régulation des dépenses sont séparées, confiées pour les premières aux ARS, sous la responsabilité du ministère de la santé, et pour les secondes à l’assurance maladie, dont le champ de compétences doit être recentré sur la gestion du risque, conformément d’ailleurs aux recommandations réitérées de la Cour des comptes.
Le premier schéma présente certainement l’avantage de la simplicité. Pour votre rapporteur, il comporte cependant plusieurs risques : – la création d’une ANS – effectivement indispensable – pourrait être perçue comme un pas décisif vers une « étatisation » de l’assurance maladie, qui irait à l’encontre des orientations prises en 2004 et des souhaits des partenaires sociaux ; – au sein des ARS, la direction chargée de la régulation des dépenses de santé risque de n’être pas assez autonome pour se faire entendre dans tous les dossiers, notamment lorsqu’il s’agit de restructurations difficiles.
C’est pourquoi votre rapporteur confirme une certaine préférence pour le second schéma, qui repose sur une distinction fonctionnelle claire, entre d’une part, le métier d’assureur – qui est celui de l’assurance maladie – et, d’autre part, le métier d’organisateur de l’offre de soins – qui serait celui de l’ARS, dotée à cet effet des moyens permettant de financer les charges de service public que la tarification à l’activité ou à l’acte ne prend pas en compte.
Les travaux de la mission n’ayant pas permis d’aboutir à un consensus en faveur d’un des deux scénarios, l’intérêt du présent rapport sera d’avoir présenté et détaillé les deux options mais aussi de permettre qu’un débat s’ouvre à partir des prises de positions exprimées et consignées à travers les différentes contributions des membres de la mission, parties intégrantes du présent rapport. *
Le présent rapport assorti des propositions du rapporteur et des contributions des membres de la mission a été adopté le 5 février 2008 par la mission.
SYNTHÈSE DES PROPOSITIONS DU RAPPORTEUR
1. Fixer à la réforme un triple objectif : – simplifier le pilotage de notre système de santé ; – rendre nos politiques de santé plus efficaces ; – renforcer l’efficience du système afin de garantir sa viabilité financière.
2. Confier les fonctions d’organisation de l’offre de soins de ville, de l’offre hospitalière, de l’offre médico-sociale et de la politique de santé publique à une seule et même autorité régionale : l’agence régionale de santé (ARS).
3. Confier les fonctions de régulation des dépenses de santé à une direction régionale de l’assurance maladie (DiRAM), constituant un partenaire à l’ARS.
4. Au niveau national, clarifier le partage des compétences entre l’État et l’assurance maladie, en recentrant les missions de celle-ci sur la gestion du risque, et non sur la seule liquidation des remboursements.
5. Doter les ARS d’outils nouveaux leur permettant de piloter efficacement l’offre de soins ambulatoires.
6. Refonder la démocratie sanitaire, par un renforcement des conférences régionales de santé et par une plus grande implication des élus dans la gouvernance régionale du système de santé.
7. Garantir par des mécanismes institutionnels et financiers que les ARS contribueront à réduire l’hospitalo-centrisme du système de santé au profit des politiques de prévention, des soins ambulatoires et du secteur médico-social.
8. Mener la réforme de façon concertée, en veillant aux intérêts des personnels de l’État et de l’assurance maladie.