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gérontechnologies (3e volet) (11 12 2009)

Les technologies pour l’autonomie : de nouvelles opportunités pour gérer la dépendance ? (publication en 4 volets sur ce blog du 9 au 12 décembre 2009)

 

Analyse de Mme Virginie Gimbert, Département Questions Sociales du Centre d’Analyse Stratégique publiée dans la Note de veille n° 158 de décembre 2009 et lue le 7 décembre 2009 sur le site du Centre d’Analyse Stratégique (cliquer ici pour accéder au site du CAS)

http://www.strategie.gouv.fr/IMG/pdf/NoteVeille158.pdf

 

( Introduction

( L’équation complexe de la dépendance

( Des technologies nombreuses pouvant couvrir une large étendue de besoins

 

( Apports des technologies pour la prise en charge à domicile et en établissement

( Un marché prometteur

( Principaux freins au développement des technologies pour l’autonomie

 

( Le marché des technologies en France : un problème d’offre et de demande

( Des seniors peu enclins à accepter les nouvelles technologies ?

( Les professionnels, entre résistances et soutien à ces technologies innovantes

 

( Pour un usage raisonné et intégré des technologies pour l’autonomie : Structurer la filière en développant le marché et en soutenant la demande

( Intégrer les technologies dans l’organisation du travail et requalifier les emplois

( Pour une approche « design for all » des enjeux du vieillissement

( Conclusion

 

…/…

Le marché des technologies en France : un problème d’offre et de demande

 

Du point de vue de l’offre des technologies innovantes pour maintenir l’autonomie, la France accuse un certain retard par rapport à des pays comparables. Ainsi, le Japon fait figure de leader dans le domaine du design for all et des applications robotiques, ce qui s’explique par la conduite d’une politique transversale mue par la prise de conscience de l’enjeu représenté par le vieillissement de la population. Le dynamisme du secteur des gérontechnologies aux États-Unis et au Canada s’appuie sur l’implication de l’ensemble des acteurs concernés (acteurs publics, entreprises, associations, etc.). En Europe, la Grande-Bretagne, l’Allemagne et le Danemark sont les pays les plus en avance : dans ces trois pays, les entreprises nationales, soutenues financièrement par les pouvoirs publics, sont impliquées dans des pôles d’excellence régionaux et dans la construction de projets européens.

 

La France quant à elle se trouve dans une situation paradoxale : les offres opérationnelles sur le marché restent rares alors que les projets et les expérimentations foisonnent. Un des atouts majeurs tient, en effet, à la qualité de la recherche académique dans ce domaine. Cependant, ces travaux manquent de visibilité au niveau européen (faible participation à des projets européens) et international. De plus, les équipes de recherches sont souvent trop peu multidisciplinaires. Ainsi, certains prototypes sont techniquement parfaits mais peu utiles en pratique ou mal adaptés aux utilisateurs. À cela s’ajoute la faiblesse du tissu industriel français dans le domaine des gérontechnologies qui relève de plusieurs sous-secteurs industriels (mécanique, électronique, domotique, télécommunications, pharmaceutique, chimie). Ce sont essentiellement des très petites entreprises, parfois des petites et moyennes entreprises, qui produisent ces technologies, ce qui contribue à limiter leur commercialisation, surtout lorsqu’elles sont nouvelles. Les travaux de recherche académique ont alors de sérieuses difficultés à trouver des débouchés industriels viables.

 

Du point de vue de la demande, se pose le problème de sa solvabilisation : le coût d’accès à certaines de ces technologies reste en effet particulièrement élevé pour les particuliers. Les aides publiques pour leur financement existent, mais demeurent partielles et peu lisibles pour le citoyen. De multiples organismes sont susceptibles d’intervenir pour prendre en charge financièrement tout ou partie du coût : sécurité sociale, prestation de compensation du handicap (PCH) pour les personnes de moins de 60 ans, allocation personnalisée d’autonomie (APA) pour les autres, éventuellement fonds départemental de compensation, etc. La Sécurité sociale rembourse les technologies qui font l’objet d’une prescription médicale, qui sont assimilées à des dispositifs médicaux et qui figurent sur la liste des produits et prestations emboursées. Concrètement, très peu de technologies pour l’autonomie figurent sur cette liste : en effet, leur statut à la croisée du social et du médical explique que ces outils se prêtent mal à l’évaluation des services médicaux rendus alors qu’ils peuvent apporter de précieuses aides pour maintenir l’autonomie de la personne. Au final, même si les organismes financeurs sont nombreux, le financement reste très partiel et le reste à charge des individus peut être très important, ce qui entraîne de fortes inégalités d’accès, au moins dans une phase de décollage. C’est ainsi que le maintien à domicile, s’il nécessite une adaptation importante du logement, demeure inaccessible aux individus ayant les revenus les plus faibles.

 

Des seniors peu enclins à accepter les nouvelles technologies ?

 

Concernant la réticence supposée des seniors vis-à-vis des technologies innovantes, des travaux montrent que, au-delà d’un effet d’âge, jouerait surtout un effet de génération. Surtout, les technologies sont mieux accueillies à partir du moment où leur utilité est démontrée. Un outil technique peut ainsi être utilisé dans des orientations opposées : certaines technologies de communication (comme la visioconférence) peuvent par exemple permettre de resocialiser la personne en perte d’autonomie, mais aussi contribuer à l’isoler davantage, notamment si ces outils techniques se substituent à du personnel soignant. La médiation d’un membre de la famille (enfants, petits-enfants) ou d’amis renforce les chances d’acceptation d’un nouvel outil technologique par les seniors. Enfin, la complexité de certaines technologies rend leur accès difficile (design, aspect pratique souvent mal adaptés, etc.).

 

Dans une telle perspective, il est probable que certaines réticences attribuées aux seniors s’amoindrissent dans les années qui viennent. En effet, les générations qui connaîtront des pertes

d’autonomie à l’horizon 2020 ne sont pas celles d’aujourd’hui : elles auront eu une plus grande familiarité avec les nouvelles technologies de l’information et seront probablement moins réfractaires aux outils technologiques comparables. Il est de plus raisonnable de penser que l’acceptabilité de ces innovations s’accroîtra avec les progrès de la connaissance des techniques disponibles, des avantages qu’elles peuvent procurer et de leur capacité à s’adapter aux besoins de ce public spécifique.

 

Les professionnels, entre résistances et soutien à ces technologies innovantes

 

De nombreuses craintes sont exprimées par certains professionnels à l’égard de ces technologies. Relayant les critiques portées par le grand public, ils mettent en avant les problèmes éthiques posés par ces outils, par exemple par les dispositifs de géolocalisation ou de vidéosurveillance (risques d’hypersurveillance, menaces sur la liberté individuelle, etc.). Ainsi, les grands principes retenus par le Comité consultatif national d’éthique doivent s’appliquer à ces technologies : ne pas nuire, assurer la confidentialité des données personnelles, respecter le consentement individuel et la vie privée, garantir la sécurité et la fiabilité des outils, leur accessibilité pratique et économique, etc. Une fois rappelés ces principes, il demeure utile de mettre en avant les avantages concrets apportés par ces technologies : n’est-il pas préférable d’opter pour le bracelet électronique qui permet à la personne de conserver sa liberté de mouvements plutôt que d’entraver cette liberté pour éviter une errance ?

 

Les critiques portent également sur le risque d’une substitution progressive du personnel soignant par des robots relativement performants et visant à accomplir des tâches humaines (encadré 3). Ces développements sont en général perçus comme une menace pour l’emploi des professionnels de santé mais aussi pour l’identité professionnelle des soignants fondée essentiellement sur la relation de soins qui est d’abord une relation humaine de face à face. L’arrivée de tels robots dans les établissements témoignerait ainsi d’une tendance à la déshumanisation des rapports entre soignants et malades. Cela entrerait alors en contradiction avec les principes actuellement jugés centraux par ces professionnels : qualité des soins, respect du malade, etc. Toutefois, la pratique est parfois bien éloignée de ces principes – notamment à cause d’un manque de moyens humains –, ce qui permet de relativiser en partie ces résistances.

 

Ces craintes traduisent souvent une certaine méconnaissance des gérontechnologies et le relatif désintérêt d’une partie des acteurs en charge des problèmes liés à la perte d’autonomie. En témoigne la faible fréquence des prescriptions d’aides techniques innovantes proposées par les médecins. Plus généralement, les associations – professionnelles ou de soutien aux personnes dépendantes – se sont jusqu’ici relativement peu intéressées à ces technologies innovantes, contrairement à ce qui peut s’observer aux États-Unis par exemple, où les associations ont joué un rôle important dans leur développement.

 

À la décharge des professionnels, un choix opéré par les pouvoirs publics dès 1985 qui a visé à privilégier l’emploi en direct explique en partie à la fois ce relatif désintérêt et le fait que les aides techniques non médicales n’ont finalement bénéficié jusqu’ici d’aucun support professionnel pour leur promotion en France.

 

Depuis plusieurs années s’observe cependant une autre tendance : certains professionnels du secteur montrent un intérêt marqué pour ces technologies et tentent de s’organiser de manière à encourager leur développement. C’est ainsi que naît, en 2007, la Société française des technologies pour l’autonomie et de gérontologie (SFTAG). Des formations destinées aux professionnels émergent peu à peu sur le thème des aides technologiques pour la prise en charge de la dépendance.

 

Parallèlement se multiplient les occasions de rencontres entre les concepteurs, les industriels, les professionnels de santé en charge des personnes souffrant de perte d’autonomie. Cela est particulièrement notable au niveau des régions ou des départements, territoires clés à la fois pour l’intervention des pouvoirs publics et pour le développement industriel de ces innovations.

 

 

Encadré n°3 : Les robots, une menace pour l’emploi ? L’exemple du « robot infirmier » européen IWARD

Le robot IWARD est issu des programmes de recherche européens allemand et britannique : 3 robots devraient être produits pour 2010 et déambuler dans les hôpitaux. Ce robot serait capable de contrôler la température et de mesurer la pression artérielle. Au-delà, il assure surtout des tâches de ménage au sein d’un hôpital et peut également être amené à conduire un visiteur au chevet du patient demandé. En ce sens, ce robot propose une substitution partielle du travail du personnel de santé. Pour autant, son appellation abusive (robot dit « infirmier ») contribue à jeter le discrédit sur cette technologie. Elle illustre bien la méconnaissance du monde des professionnels de santé de la part des concepteurs.

 

 

Ces craintes traduisent souvent une certaine méconnaissance des gérontechnologies et le relatif désintérêt d’une partie des acteurs en charge des problèmes liés à la perte d’autonomie. En témoigne la faible fréquence des prescriptions d’aides techniques innovantes proposées par les médecins. Plus généralement, les associations – professionnelles ou de soutien aux personnes dépendantes – se sont jusqu’ici relativement peu intéressées à ces technologies innovantes, contrairement à ce qui peut s’observer aux États-Unis par exemple, où les associations ont joué un rôle important dans leur développement.

 

À la décharge des professionnels, un choix opéré par les pouvoirs publics dès 1985 qui a visé à privilégier l’emploi en direct explique en partie à la fois ce relatif désintérêt et le fait que les aides techniques non médicales n’ont finalement bénéficié jusqu’ici d’aucun support professionnel pour leur promotion en France.

 

Depuis plusieurs années s’observe cependant une autre tendance : certains professionnels du secteur montrent un intérêt marqué pour ces technologies et tentent de s’organiser de manière à encourager leur développement. C’est ainsi que naît, en 2007, la Société française des technologies pour l’autonomie et de gérontologie (SFTAG). Des formations destinées aux professionnels émergent peu à peu sur le thème des aides technologiques pour la prise en charge de la dépendance.

 

Parallèlement se multiplient les occasions de rencontres entre les concepteurs, les industriels, les professionnels de santé en charge des personnes souffrant de perte d’autonomie. Cela est particulièrement notable au niveau des régions ou des départements, territoires clés à la fois pour l’intervention des pouvoirs publics et pour le développement industriel de ces innovations.

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