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Investissements verts et reprise (03 08 2020)

Nous vous proposons aujourd’hui cette note extraite de Savoirs pour l’Action (juillet 2020) (cliquer ici pour accéder au texte de cette publication)

 

http://r.assets.developpement-durable.gouv.fr/mk/mr/XC8HivmgnkNnouKZdq9OiaeVaM7VaQFMhb_uw-QcAv17vVh_ZjO1oGXrlKf0Uojnt8bLZwKWWD2hfsiqElXpuBNUc0jYmFimM6zW-TQAxpJgrcJor0cnQgFFj3Sa1CEh.html

 

Investissements verts

 

Mettre l’investissement vert au cœur de la reprise ?

L’analyse économique met à la disposition des politiques publiques des outils permettant d’éclairer les choix les plus pertinents au service de la transition écologique et de nos ambitions environnementales, en aidant les décideurs à répondre aux interrogations les plus essentielles : comment procéder à cette transition à moindre coût, en priorisant les actions aux ″coûts d’abattement″ les plus faibles et en sélectionnant les actions vertes socialement efficaces à un moment donné ?

A quels projets donner la priorité ?

La nécessité d’une relance verte, basée sur les secteurs de la transition écologique, bénéficie d’une large approbation de la part des économistes, qu’ils soient institutionnels ou académiques, comme le révèle un rapport récent publié par la Smith School of Entreprise and the Environment (SSEE) de l’Université d’Oxford.

Ce rapport se base sur une enquête menée auprès de 231 d’entre eux, dans les pays du G20, dans les universités, les ministères des Finances ou les banques centrales, et portant sur 25 types de mesures de relance se déclinant selon 4 dimensions : rapidité de mise en œuvre, importance du multiplicateur budgétaire (c’est-à-dire la capacité d’une dépense publique à générer de la croissance économique), impact sur l’environnement et caractère plus ou moins souhaitable.

Cette étude permet de mettre au jour l’accord des économistes sur la nécessité d’appliquer des mesures favorables au climat pour sortir de la crise, y compris en recourant à certaines dont les effets ne pourront se faire sentir qu’à long terme. Mais elle montre surtout que la plupart des experts sont convaincus des performances économiques des mesures vertes, de leur capacité à relancer l’activité par un effet multiplicateur, permettant au final d’obtenir un double dividende, économique (à court terme) et environnemental (qui, lui, peut ne se faire sentir que plus tard).

En outre, l’étude de la SSEE a le mérite d’identifier les 5 secteurs où le retour sur investissement de la dépense publique est particulièrement fort : construction d’infrastructures peu émettrices, éducation, formation professionnelle, investissement dans le capital naturel, et recherche et développement verte. C’est donc vers ce type d’investissements que les plans de relance doivent être orientés pour jouer efficacement leur rôle

En France, plusieurs secteurs ont été identifiés, notamment par I4CE, comme prioritaires pour accélérer la transition écologique tout en créant de l’emploi. La priorité n’est pas d’élaborer de nouveaux projets, mais d’accélérer la réalisation de projets déjà existants, bien définis, comme ceux proposés dans la Stratégie nationale bas carbone (SNBC). Cela permettrait de rattraper notre retard sur la réalisation de nos objectifs environnementaux.

La forte augmentation des dépenses publiques, qui a été nécessaire ces derniers mois pour sauvegarder le tissu productif et préserver le revenu des ménages mis en danger par la crise, a pour conséquence que l’État verra dans l’avenir proche sa contrainte budgétaire se resserrer, et ses marges de manœuvre pour financer les dépenses de la transition écologique devenir plus étroites. C’est pourquoi, celles-ci doivent être choisies selon des critères bien définis : seuls les projets mûrs, capables de jouer un rôle immédiat de relance de l’activité et de création d’emplois, devraient être retenus et entrepris. À long terme, ces projets ne devraient pas non plus entraîner d’effets d’éviction au détriment d’autres projets plus performants, aux rendements économique et social plus forts.

Les conditions de l’efficacité de la dépense publique

Les dépenses publiques vertes doivent, pour être efficaces, n’intervenir que dans un cadre précis. Tout d’abord, il faut distinguer deux types d’actions : d’une part, celles qui relèvent de l’atténuation du changement climatique, visant à empêcher, conformément aux Accords de Paris, le dépassement des 2°C de la température moyenne du globe au cours de ce siècle, et d’autre part, celles qui facilitent l’adaptation aux risques causés par le changement climatique. En effet, les efforts d’adaptation ne sauraient être négligés ou considérés comme secondaires, la crise actuelle nous rappelant l’importance de la préparation aux événements extrêmes.

Le besoin de financement pour les investissements verts n’est qu’en partie du ressort de l’action publique, l’investissement privé réalisant la plus grande part de l’effort. Néanmoins, l’État a un rôle essentiel à jouer, car en choisissant de façon stratégique ses projets, il a la capacité de maximiser l’investissement privé découlant d’1 € d’argent public investi. L’investissement public doit être réalisé soit quand il est une condition indispensable à la réalisation d’investissements privés (par exemple, en construisant des pistes cyclables ou des bornes de recharge pour les voitures électriques), soit quand l’objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre relève strictement de la gestion publique (comme pour les transports en commun, par exemple).

 

La valeur tutélaire du carbone, élément-clé de l’analyse coûts-avantages ?

L’analyse économique développée dans le rapport Quinet II offre un instrument très performant, la valeur tutélaire du carbone, ou valeur de l’action pour le climat, pour orienter et répartir de manière efficace les efforts à fournir afin d’atteindre l’objectif de décarbonation de notre économie. Son utilisation est la suivante : lorsqu’un projet d’investissement permet d’éviter d’émettre une tonne de carbone supplémentaire pour un coût inférieur à la valeur tutélaire, il doit être entrepris. S’il ne le permet pas, c’est qu’il est encore trop coûteux socialement et doit donc être abandonné, ou du moins remis à plus tard.

La trajectoire de la valeur tutélaire du carbone proposée par le rapport Quinet II est croissante entre aujourd’hui et 2050 : elle est de 250€ en 2030, de 500€ en 2040 et atteint 775€ en 2050. Cela signifie que son utilisation permettra d’optimiser la convergence de notre société vers la neutralité carbone, en établissant, à tout moment, une priorité parmi les investissements qui doivent être effectués. Un projet de décarbonation permettant, par exemple, de réduire les émissions de CO2 pour 400€ la tonne ne sera pas entrepris en 2030, mais pourra l’être en 2040.

La valeur tutélaire du carbone pourrait devenir ainsi l’élément central de l’évaluation socio-économique des investissements publics. En effet, elle permet de mettre en lumière la rentabilité des projets verts, pour la société et pour l’économie, et de prouver que les investissements verts peuvent être réalisés sans faire fi de la question de leur rentabilité, mais au contraire en raison même de leur efficacité économique

L’investissement vert : des multiplicateurs budgétaires importants

Il est désormais établi que certains investissements verts sont à même d’offrir un effet multiplicateur important sur le PIB, même en comparaison des mesures de relance ″grises″ traditionnelles. C’est ce que montrent les revues de littérature effectuées dans deux rapports, celui de la SSEE cité plus haut ainsi qu’un autre, de l’OCDE.

Des études ont ainsi mis en évidence les bénéfices économiques propres aux secteurs de la transition écologique. Les énergies renouvelables sont, par exemple, particulièrement intensives en emplois à court terme. À long terme, leur développement réduit également les coûts associés à l’utilisation de l’énergie, ce qui a un effet positif sur le PIB. Certains investissements verts, comme la construction d’éoliennes ou l’isolation thermique des bâtiments, permettent également d’éviter la fuite de la dépense publique à l’étranger via les importations, qui se produit lorsque le surcroît de demande publique profite davantage au reste du monde qu’à l’économie nationale, réduisant en conséquence l’effet multiplicateur de l’investissement.

L’évaluation chiffrée a posteriori des programmes de relances vertes mis en place aux États-Unis, en Europe et en Corée du Sud après la crise financière de 2008 donne une estimation positive de l’efficacité économique des mesures qui ont été déployées. Les énergies renouvelables ont permis de créer aux États-Unis plus de 26000 emplois de qualité dont le salaire annuel moyen était de 44000 $ (38000 $ en moyenne dans le reste de l’économie). Dans le même contexte, la France a procédé à de nombreux investissements dans l’efficacité thermique des bâtiments, les infrastructures électriques, le transport, l’énergie solaire, etc., dont les effets économiques sont aussi considérés comme positifs. De nombreux autres exemples peuvent être cités.

Pour l’Europe, la leçon la plus importante qu’on puisse tirer des investissements verts réalisés après 2008 est que les mesures coordonnées au niveau européen ont eu un multiplicateur budgétaire plus important que celles prises au niveau national uniquement : les estimations montrent ainsi que les multiplicateurs des dépenses vertes auraient été compris entre 0,6 et 1,1 aux niveaux nationaux, contre 1,5 pour les politiques de relance européennes. D’où l’importance aujourd’hui des investissements verts qui se font au niveau communautaire, en plus des contributions nationales des différents pays, et de la mise en application du Pacte Vert.

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