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Corpulence déclarée et mesurée (05 07 2021)

Nous vous proposons aujourd’hui des extraits (résumé, introduction, conclusion) d’une étude publiée le 1er juin 2021 dans le n° 10 du 29 juin 2021 du Bulletin Epidémiologique Hebdomadaire de la Santé Publique  (cliquer ici pour accéder au site du BEH)

http://beh.santepubliquefrance.fr/beh/2021/10/2021_10_1.html

Écarts entre corpulence déclarée et corpulence mesurée dans les études de surveillance en population en France

Etude de Marianna Gorokhova, Benoit Salanave, Valérie Deschamps, Charlotte Verdot (charlotte.verdot@santepubliquefrance.fr) Santé publique France, Équipe de surveillance et d’épidémiologie nutritionnelle (Esen), Université Sorbonne Paris Nord, Centre de recherche en épidémiologie et statistiques (CRESS), Bobigny

Résumé

Le surpoids et l’obésité sont des facteurs de risque majeurs des maladies non transmissibles. Leur prévalence doit être régulièrement évaluée, afin d’adapter au mieux les politiques de santé publique et les programmes de prévention. Les études de surveillance épidémiologiques s’appuient pour ce faire sur des données mesurées (gold standard) ou déclarées. L’objectif de cette étude était d’estimer les écarts entre les données anthropométriques déclarées et celles mesurées dans la population générale française, d’élucider les facteurs associés à ces écarts et de mesurer leurs éventuelles évolutions au cours du temps.

 

Les analyses ont été effectuées sur un échantillon de 2 429 adultes âgés de 18 à 74 ans, inclus dans l’étude de santé sur l’environnement, la biosurveillance, l’activité physique et la nutrition (Esteban 2014-2016), et disposant de données anthropométriques déclarées et mesurées. Des régressions linéaires simples et multivariées ont été réalisées, afin de déterminer les associations entre l’écart d’indice de masse corporelle (IMC) et différentes variables sociodémographiques. Les résultats ont été comparés à ceux obtenus précédemment dans l’Étude nationale nutrition santé (ENNS 2006-2007).

 

De manière générale, en 2016, les hommes et les femmes sous-déclaraient leur poids et sur-déclaraient leur taille, ce qui conduisait à une sous-estimation de l’IMC de l’ordre de -0,41 chez les hommes et de -0,79 chez les femmes. Comme en 2006, l’écart de l’IMC entre données déclarées et mesurées était significativement associé à l’IMC mesuré, les écarts étant plus importants chez les personnes en surpoids ou obèses. En 2016, les écarts variaient également avec la situation matrimoniale des individus ce qui n’était pas le cas auparavant.

 

Les résultats mettent en évidence l’existence d’une sous-estimation de la prévalence de l’obésité dans le cadre de l’utilisation de données de poids et taille déclarées. Les écarts entre données déclarées et mesurées et les facteurs associés varient au cours du temps ce qui justifie la réalisation de mesures anthropométriques effectives et régulières dans les enquêtes de surveillance épidémiologique.

Introduction

Le surpoids et l’obésité sont un fléau mondial qui ne cesse de prendre de l’ampleur. L’obésité peut engendrer plusieurs complications au niveau de la santé, notamment le diabète de type 2, l’hypertension artérielle, les cancers, ou encore des maladies articulaires. En 2016, ce ne sont pas moins de 1,9 milliards d’adultes dans le monde qui étaient en surpoids, dont plus de 650millions étaient obèses (ce qui représente 13% de la population mondiale). En France, depuis 2006, la prévalence de l’obésité s’est stabilisée à 17% chez les adultes. Il est important d’évaluer régulièrement la prévalence du surpoids et de l’obésité dans la population au regard de son enjeu majeur en matière de santé. La surveillance de la corpulence constitue par ailleurs un outil de monitoring des politiques publiques mises en place, et l’étude régulière des facteurs associés aux différents niveaux de corpulence permet de cibler les programmes de prévention.

Ces prévalences s’obtiennent généralement chez les adultes par la mesure de l’indice de masse corporelle (IMC). Le gold standard d’une telle méthode dans des enquêtes en population repose sur le recueil de données de poids et taille mesurées, selon des procédures standardisées. Toutefois, de nombreuses études épidémiologiques utilisent des données anthropométriques déclarées, afin d’approcher cette prévalence. En effet, les études basées sur les données déclarées ont l’avantage d’être peu onéreuses et plus simples à mettre en œuvre, les données pouvant être collectées par simple entretien. Elles peuvent de ce fait être réitérées plus régulièrement que les études réalisant des mesures de corpulence effectives et standardisées. Il convient néanmoins de s’interroger sur la fiabilité des données déclarées par rapport aux données mesurées.

Bien que quelques études considèrent les données déclarées comme fidèles à la réalité et très peu différentes des données mesurées, la majorité d’entre elles ont toutefois mis en évidence des différences notables, malgré la présence d’une corrélation forte entre les données déclarées et mesurées. Ces considérations ne sont pas négligeables, puisque des déclarations anthropométriques erronées entraînent de fait une mauvaise estimation de l’IMC, d’où une mauvaise classification des individus dans les catégories d’IMC, faussant ainsi les prévalences de surpoids et d’obésité. Une récente revue de littérature a rapporté que les données déclarées étaient généralement sujettes à une sous-déclaration du poids et une sur-déclaration de la taille. Ces biais de déclaration seraient notamment plus importants chez les personnes en surpoids ou obèses. Les études analysant les écarts entre les données anthropométriques déclarées et mesurées ont également montré qu’il existait des différences selon le sexe ou encore l’âge des participants. Par ailleurs, la question de l’évolution de ces écarts et de ces biais de déclaration se pose. Certaines études ont montré que les biais de déclaration du poids et de la taille étaient restés stables durant les 20 dernières années, quand d’autres mettent en évidence des différences d’évolution du biais de déclaration du poids.

En France, une première analyse s’était déjà intéressée en 2010 aux biais de déclaration du poids et de la taille chez les adultes en population générale à partir des données de l’Étude nationale nutrition santé (ENNS, 2006-2007). Les résultats avaient mis en évidence une sous-déclaration du poids et une sur-déclaration de la taille, conduisant à une sous-estimation des prévalences de surpoids et d’obésité. Cette sous-estimation était associée à l’âge, ainsi qu’au poids et à la taille mesurés des sujets. L’étude de santé sur l’environnement, la biosurveillance, l’activité physique et la nutrition (Esteban, 2014-2016) a permis d’actualiser les données de corpulence de la population française, selon les mêmes procédures standardisées que dans ENNS. La production de données de poids et de taille mesurées et déclarées permet ainsi de s’intéresser aux biais de déclaration et à leurs effets sur l’estimation des prévalences de surpoids et d’obésité, 10 ans après les travaux réalisés dans ENNS. L’objectif de cet article est donc de réitérer ces analyses sur les données d’Esteban, afin d’étudier la nature et l’importance des biais de déclaration entre corpulence mesurée et déclarée, ainsi que l’évolution de ces biais au cours du temps.

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Conclusion

Lorsque l’estimation de l’IMC se base sur des données déclarées par les individus, l’IMC est généralement sous-estimé. Cette étude a mis en avant, d’une part, que cette sous-estimation de l’IMC conduisait à une sous-estimation conséquente de la prévalence de l’obésité au sein de la population adulte française. D’autre part, si le principal facteur associé à cette sous-estimation est l’IMC mesuré lui-même, il semble que d’autres facteurs aient également pu apparaitre entre les analyses réalisées sur l’étude ENNS (2006-2007) et celles sur Esteban (2014-2016). Si le recueil de données déclaratives peut être préféré pour sa facilité de réalisation et son moindre coût, la sous-estimation et la potentielle évolution des facteurs associés à cet écart de déclaration doivent être prises en compte dans l’interprétation de telles données.

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