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Montagne et changement climatique (20 11 2023)

Nous vous proposons aujourd’hui cette note publiée le 7 novembre 2023 sur le site Vie-publique (cliquer ici pour accéder au site Vie-publique)

https://www.vie-publique.fr/eclairage/291256-la-montagne-face-au-changement-climatique-quelles-voies-dadaptation.html

La montagne face au changement climatique : quelles voies d'adaptation ?

Publié le 7 novembre 2023

La hausse des températures a atteint des records en montagne pendant l'été 2023. Canicule, fortes pluies, baisse de l'enneigement, érosion, éboulements... Les territoires de montagne sont les premiers à subir les effets du réchauffement climatique. L'impact sur la nature et les activités humaines s'accélère. Comment les protéger ?

SOMMAIRE

  1. Les territoires de montagne face au changement climatique
  2. Quelle politique pour la montagne ?

Les massifs montagneux représentent 30% du territoire de l'hexagone. La montagne comprend des territoires divers avec de fortes particularités dues à l'altitude, au relief et au climat essentiellement. Environ 10 millions d’habitants (15% de la population française) vivent dans les espaces montagnards, qui connaissent une faible densité de population.

Au-delà des images des sommets enneigés, la montagne recouvre :

  • 8 785 communes réparties dans 42 départements et 10 régions ;
  • des sites protégés : forêts protégées, espaces naturels, (5 parcs nationaux, près de 50 parcs naturels régionaux), réserves naturelles, réseau Natura 2000, notamment ;
  • une biodiversité très riche et variée ;
  • des sites touristiques (dont 350 stations de ski) ;
  • 60 000 exploitations agricoles (18% des élevages de France) ;
  • des industries. Certaines zones (bassins de Thiers, d’Oyonnax ou la vallée de l’Arve) ont plus d’un tiers des salariés employés par un établissement industriel (Insee 2017).

Aujourd'hui, ces territoires font face au changement climatique.

Les territoires de montagne face au changement climatique

"Les montagnes se réchauffent deux fois plus vite que les autres écosystèmes : dans les Alpes et les Pyrénées françaises, la température a augmenté de plus deux degrés au cours du XXe siècle, contre 1,4 degré dans le reste de la France", constate Météo France. Le Mont-Blanc a perdu plus de deux mètres depuis 2021 a relevé l'ordre des géomètres-experts de Haute-Savoie. Les conséquences du changement climatique prennent de l'ampleur. 

Le changement climatique a des conséquences majeures sur l’enneigement en montagne. En baisse depuis les années 1970, il est aujourd'hui "moins important et plus variable". Sa durée "se réduira d'environ un mois par degré de réchauffement", selon les études de ClimSnow. Les estimations prévoient un enneigement "réduit à une présence éphémère" en moyenne montagne et "amoindri" à plus haute altitude. "En haute montagne, l’épaisseur moyenne de neige en hiver à basse altitude diminuera probablement de 10 à 40% en 2031‑2050 par rapport à 1986‑2005, quel que soit le scénario d’émissions", précise le GIEC.

Une économie dépendante du ski

L'activité du ski aujourd'hui en France représente :

  • 82% du chiffre d’affaires de la montagne ("l'or blanc") ;
  • 19% de la clientèle touristique française ;
  • 27 % des nuitées internationales ;
  • plus de 120 000 emplois (pluriactivité et la saisonnalité) ;
  • le plus grand nombre de remontées mécaniques au monde (3346).

98% des 2 234 stations de ski européennes devraient connaître "un risque très élevé d'approvisionnement en neige en cas de réchauffement climatique à 4 degrés", selon une récente étude publiée en août 2023 dans la revue Nature Climate Change. Risque porté à 71% des stations en cas d'utilisation de neige artificielle sur la moitié des surfaces. Toutefois, le recours à la neige de culture et au damage suppose des fenêtres de froid. Selon les études du Centre national de recherches météorologiques (CNRM, Météo-France/CNRS) et d’IRSTEA-Grenoble, jusqu’en 2050, "quel que soit le scénario climatique, une couverture de l’ensemble des domaines skiables à 45% par la neige de culture permettra de maintenir les conditions d'enneigement comparables à la situation de référence sans neige de culture (1986-2005)." Après cette date, si le réchauffement dépasse 3°C, la neige de culture ne suffira plus.

Le réchauffement climatique accélère également :

  • la fonte des glaciers et la hausse de température du permafrost (ou pergélisol). Ces deux phénomènes ont des conséquences sur la stabilité des versants mais aussi sur l'étendue des lacs glaciaires (possibilités de crues, de glissements de terrain et d'avalanches dans des secteurs jusque-là épargnés) ;
  • les atteintes à la biodiversité : hausse du risque d’extinction des espèces adaptées au froid et apparition d'espèces venant de climats plus chauds (GIEC). En haute montagne, 44 espèces animales et 186 espèces de flore sont menacées ;
  • la modification de la gestion de l'eau. Avec la diminution de l'enneigement (la neige stocke l'eau pendant l'hiver, l'eau est rendue disponible au printemps lors de la fonte), se pose la question de la disponibilité de la ressource en eau ;
  • la mortalité des forêts, avec un assèchement des arbres et des sols, une hausse des incendies, une augmentation des ravageurs et des champignons. 

Ces phénomènes bouleversent directement les activités humaines. 

Outre la modification des dates et des parcours de transhumance, le changement climatique, par la réduction de l’enneigement, conduit à un gel plus fréquent des alpages (ils ne sont plus protégés par une couche de neige). En conséquence, il y a un risque de diminution de la ressource en herbe ce qui remet en cause la pratique du pastoralisme.

Le changement climatique affecte aussi les infrastructures en montagne, notamment le réseau routier (mouvements de terrains, chutes de blocs, coulées de boues...).

Les activités humaines ont elles aussi des effets dommageables sur l'environnement. "La création de stations de sports d'hiver a engendré de gros bouleversements dans le paysage : aménagement de tunnels et de routes, construction d'hébergements et équipement de domaines skiables", souligne l'Office français de la biodiversité (OFB). Terrassements et damage des pistes détruisent la végétation naturelle et empêche l'infiltration des eaux de pluie. La pratique de certaines activités d'été (luge ou VTT) entraînent l'érosion des sols. 

Quelle politique pour la montagne ?

Le cadre juridique des territoires de la montagne est un droit protecteur. La loi du 9 janvier 1985  (dite loi Montagne ) a consacré la spécificité des territoires de montagne (création du zonage) et la nécessité d'une politique adaptée. Le texte a mis en place un cadre législatif prévoyant un équilibre entre développement et protection de la montagne. Les espaces montagnards définis par la loi recouvrent :

  • les zones de montagne : constituées de communes soumises à des limitations d’utilisation des sols en raison de l'altitude ; 
  • les massifs rassemblent les zones de montagne et les espaces contiguës (plaines, vallées, villes et piémonts). La France compte 6 massifs dans l'hexagone (Alpes, Pyrénées, Massif central, Jura, Vosges, Corse) et 3 outre-mer (Martinique, Guadeloupe et Réunion). 

La loi du 28 décembre 2016 de modernisation, de développement et de protection des territoires de montagne (loi Montagne II) introduit le changement climatique dans la politique de la montagne. Elle précise que l'État doit "prendre en compte et anticiper les effets du changement climatique en soutenant l’adaptation de l’ensemble des activités économiques à ses conséquences, notamment dans les domaines agricole, forestier et touristique" et "favoriser une politique d’usage partagé de la ressource en eau". L'article 71 de la loi prévoit en outre le démontage des remontées mécaniques obsolètes ainsi que la remise en état des sites.

Le "tout ski" ne peut plus être une stratégie de développement pour la montagne, estime un rapport parlementaire remis le 24 février 2022. Les députés préconisent "une stratégie d’adaptation différenciée suivant les stations, les massifs et leurs enjeux propres" et une diversification des activités touristiques tout au long de l’année. Les rapporteurs saluent l'apport positif du Plan Avenir Montagne lancé en 2021. Pour soutenir un tourisme "durable et résilient", le plan soutient :

  • le développement des équipements touristiques durables "2 ou 4 saisons" et la transition écologique des activités touristiques (écotourisme, tourisme de savoir-faire,  de terroir) ;
  • la protection de la biodiversité (réalisation, restauration de 1 000 km de sentiers, par ex)
  • le développement des mobilités du premier (ou du dernier) kilomètre ;
  • la rénovation du mobilier de loisirs.

La transition écologique en montagne doit également passer par une meilleure conciliation des usages de l'eau et par une adaptation du pastoralisme. Le dispositif "Alpages Sentinelles" vise à évaluer la vulnérabilité climatique d'un alpage pour envisager des voies d'adaptation.

Les collectivités locales se sont déjà saisies des questions environnementales et prennent des initiatives sur leur territoire. Accompagner l'adaptation des forêts dans le Haut-Jura (diagnostic, formation...), outil de projections climatiques des conditions d’enneigement en Isère, dialogue et coopération au sein des Alpages sentinelles (créé dans Parc national des Écrins en 2008) dans le Lubéron... Les actions mises en place pour adapter la montagne au réchauffement sont nombreuses (nombreux exemples à consulter dans la Projetothèque-Centre de ressources pour l'adaptation au changement climatique). https://www.adaptation-changementclimatique.gouv.fr/s-inspirer/projetotheque?f[0]=c%3A13

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