Nous vous proposons aujourd’hui des extraits (résumé, introduction, données, analyses statistiques, résultats) d’une étude publiée dans le Bulletin Epidémiologique Hebdomadaire n°15 du 19 septembre 2024 sur le site Santé publique France (cliquer ici pour accéder au site Santé publique France)
https://beh.santepubliquefrance.fr/beh/2024/15/2024_15_1.html
Évolution de la corpulence déclarée dans les baromètres de Santé publique France de 1996 à 2017
Benoît Salanave1, Charlotte Verdot1 (charlotte.verdot@santepubliquefrance.fr), Hélène Escalon2, Arnaud Gautier2, Valérie Deschamps1
1 Équipe de surveillance et d’épidémiologie nutritionnelle (Esen), Santé publique France, Université Paris 13, Bobigny
2 Santé publique France, Saint-Maurice
Soumis le 22.02.2024
Résumé
Dans le contexte de l’augmentation de la corpulence qui est observée depuis plusieurs années en population générale en France, les données de poids et de taille déclarées, malgré leur biais de déclaration, permettent de suivre les évolutions du surpoids et de l’obésité sur de longues périodes. La compilation des baromètres de Santé publique France de 1996 à 2017 a permis de disposer d’une série temporelle sur la corpulence déclarée des adultes sur une période de plus de 20 ans.
Chez les hommes, la proportion de personnes se déclarant en surpoids (y compris l’obésité) a augmenté entre 1996 et 2008, passant respectivement de 40% à 48%, et semble depuis s’être stabilisée autour de 48-50%. L’obésité concernait 7% des hommes en 1996 et a augmenté pour dépasser les 14% en 2016, avant d’enregistrer une baisse significative et revenir à 13% en 2017.
Chez les femmes, la corpulence a augmenté de façon régulière. Le surpoids (y compris l’obésité) déclaré chez les femmes était inférieur à 25% en 1996 et a atteint 39% en 2017. L’obésité déclarée chez les femmes, qui était inférieure à 6% des femmes en 1996, a atteint 14% en 2017.
Ces données anthropométriques déclarées issues des baromètres de Santé publique France nous renseignent sur l’évolution du surpoids et de l’obésité au cours du temps. Ces tendances devront néanmoins être confirmées par le recueil de données anthropométriques mesurées. Toutefois, quelles que soient ces tendances, les niveaux de surpoids et d’obésité des adultes en France restent très élevés et nécessitent l’intensification des politiques de prévention en la matière.
Introduction
Le surpoids et l’obésité sont des facteurs de risque majeurs des maladies non transmissibles, telles que les maladies cardiovasculaires, le diabète, certains cancers ou le risque de décès prématurés, ainsi que de certaines maladies infectieuses comme cela a pu être mis en évidence lors de la crise Covid-19. La prévention du surpoids et de l’obésité est donc un enjeu majeur de santé publique, qui nécessite une évaluation précise de la situation et un suivi de son évolution au cours du temps. La surveillance des prévalences du surpoids et de l’obésité constitue ainsi un outil de pilotage et de suivi des politiques publiques mises en place dans la lutte contre l’obésité (feuille de route 2019-2022 sur la « prise en charge de l’obésité », Programme national nutrition santé – PNNS). Cette surveillance épidémiologique s’appuie en France sur des enquêtes nationales représentatives dans lesquelles les participants sont pesés et mesurés par des professionnels de santé selon des procédures et du matériel standards. Ces procédures de mesures standardisées représentent le gold standard des méthodes de recueil des données anthropométriques nécessaires au calcul des prévalences de surpoids et d’obésité. Néanmoins, elles nécessitent du matériel, du personnel formé pour réaliser ces mesures et sont de fait coûteuses et moins fréquemment réalisées. D’autres enquêtes, telles que les baromètres de Santé publique France, ont permis de recueillir de façon beaucoup plus rapprochée et sur de longues périodes des données anthropométriques déclarées directement par les individus enquêtés. Ces données sont certes sujettes à certains biais de déclaration qui tendent à sous-estimer le niveau de la corpulence ainsi évalué, toutefois, la répétition fréquente de ces enquêtes permet un suivi longitudinal de la corpulence déclarée sur de longues périodes.
Les baromètres de Santé publique France ont permis depuis plus de 20 ans de recueillir ces données anthropométriques de manière plus ou moins régulière, dans la population des adultes résidant en France métropolitaine. Cet article présente, à partir des données des neuf éditions du Baromètre santé réalisées entre 1996 et 2017, l’évolution de la corpulence déclarée, du surpoids (y compris l’obésité) et de l’obésité en France.
Données
La présente étude s’intéresse aux données de poids et taille déclarées par les individus lors de l’interview téléphonique. Les variables sociodémographiques utilisées pour les ajustements ont été limitées aux variables communes à l’ensemble des baromètres et définies de façon cohérente et constante sur la période couverte. Il s’agissait du sexe, de l’âge, du revenu du ménage par unité de consommation en 3 terciles (faible, moyen, élevé et “Ne sait pas ou refus“), du diplôme (inférieur au baccalauréat, baccalauréat, supérieur au baccalauréat et ”Ne sait pas”) et de la situation professionnelle (emploi, études, chômage, retraite, inactivité) de l’individu interviewé.
Analyses statistiques
La corpulence a été estimée en calculant un indice de masse corporelle (IMC) déclaré en divisant le poids déclaré en kilogrammes par le carré de la taille déclarée en mètres. Le surpoids est défini par un IMC supérieur ou égal à 25 ; l’obésité par un IMC supérieur ou égal à 30. Les individus pour lesquels les données anthropométriques étaient manquantes ont été exclus des analyses. Les variables continues sont décrites par la moyenne et son erreur-type, les variables catégorielles par des pourcentages.
Résultats
Sur l’ensemble de la période, les pourcentages de données anthropométriques non disponibles étaient de 0,4% chez les hommes et de 1,3% chez les femmes. Les analyses ont donc porté sur 124 541 individus répartis de manière inégale sur les 9 années disponibles (55 356 hommes et 69 185 femmes).
L’ensemble des variables listées dans les tableaux fluctuait de manière significative sur la période. La baisse quasiment constante de la proportion de personnes avec un niveau de diplôme inférieur au baccalauréat est notable, aussi bien chez les hommes (de 62,9% en 1996 à 49,6% en 2017) que chez les femmes (de 59,3% à 47,5%) parmi les répondants au Baromètre. La situation professionnelle a également évolué de façon régulière, avec une augmentation de la proportion de personnes au chômage. Si chez les hommes cette augmentation du chômage (de 3,5% en 1996 à 9,4% en 2017) était compensée par une baisse de l’emploi (de 68,7% à 59,3%), chez les femmes cette hausse (de 6,3% en 1996 à 9,1% en 2017) s’accompagnait d’une augmentation concomitante de la proportion de femmes en situation d’emploi (de 46,9% à 52,4%), alors que la proportion de femmes sans profession (inactives) chutait sur la période de 20,1% à 10,3%.
Chez les hommes, la proportion du surpoids déclaré (y compris l’obésité) est passée de 40,2% en 1996 à 50,1% en 2017. Après une progression régulière entre 1996 et 2008, le niveau s’est maintenu autour de 48% jusqu’en 2014. Une tendance à l’augmentation (non significative, p=0,101) est observée entre 2014 et 2016, suivie d’une tendance à la baisse entre 2016 et 2017, (non significative, p=0,615). L’obésité déclarée concernait 7,4% des hommes en 1996. Elle a augmenté de manière continue au fil des années, atteignant 14,5% en 2016 (p de tendance <0,001), puis a fini par diminuer en 2017, pour ne concerner plus que 12,9% des hommes. Cette baisse relative de 11% entre ces deux dernières années était statistiquement significative.
Chez les femmes, les proportions de surpoids et d’obésité déclarés ont augmenté de manière continue au cours des années. Le surpoids déclaré (y compris l’obésité) concernait 25,3% des femmes en 1996 et 38,8% en 2017. Quant à l’obésité déclarée, elle est passée de 5,7% en 1996 à 14,1% en 2017.
Les deux figures présentent également les prévalences mesurées du surpoids et de l’obésité chez les hommes et les femmes obtenues dans deux études nationales en population générale, ENNS en 2006 et Esteban en 2015. Ces résultats montrent que les écarts entre les données mesurées et déclarées se réduisent de façon plus notable chez les hommes, tant pour le surpoids (écarts en 2006 de 11 points pour les hommes et 10 points pour les femmes ; et en 2015 de 5 points pour les hommes et 7 points pour les femmes), que pour l’obésité (écart en 2006 de 7 points pour les hommes et 8 points pour les femmes ; et en 2015 de 3 points pour les hommes et 5 points pour les femmes).
La standardisation réalisée en utilisant les pondérations calées sur l’année 2017 pour gommer l’évolution de la structure de la population au cours de la période par un ajustement sur les variables de redressement (résultats non présentés) montre des différences par année non significatives quant aux niveaux des corpulences déclarées, et aucune différence quant à la significativité des tendances constatées, par rapport aux résultats non standardisés.
Citer cet article
Salanave B, Verdot C, Escalon H, Gautier A, Deschamps V. Évolution de la corpulence déclarée dans les Baromètres de Santé publique France de 1996 à 2017. Bull Épidémiol Hebd. 2024;(15):306-12. http://beh.santepubliquefrance.fr/beh/2024/15/2024_15_1.html