SOLIDARITE NATIONALE
ET DEPENDANCE DES PERSONNES AGEES
Par Raymond DECHELOTTE
Pau, le 14 mars 2007
On prépare sa retraite avant de la prendre et on cherche à rester autonome ensuite. Mais qui peut prétendre être épargné par la dépendance et la maladie, même si on est bien conscient de l’utilité de leur prévention ?
En 2007, on compte plus d’un million de Personnes âgées dépendantes dont 660 000 sont affectées par une forte perte d’autonomie. Et en 2040, leur nombre ne pourra qu’augmenter, compte tenu du triplement des plus de 75 ans et du quadruplement des plus de 85 ans. Le tiers des personnes qui fêtent aujourd’hui leurs 70 ans seront dépendantes en 2020.
Appréhender l’épreuve de la dépendance devient une nécessité, c’est tenir compte de la santé, de l’environnement et de l’accès à des informations fiables pour des mesures socio sanitaires disponibles et adaptées à chaque situation.
Bien que le problème humain de la dépendance se double presque toujours d’un problème financier, ce qui est en jeu, c’est l’organisation de la solidarité, la répartition des financements entre les collectivités, la Sécurité sociale, l’Etat, les personnes et leurs familles.
Depuis 1997 la dépendance est définie et modélisée
Le législateur s’est vu obligé de définir la dépendance, la catégoriser et l’évaluer pour assurer les nouvelles prestations sociales.
Jusqu’en 1997, l’Etat gérait les états chroniques handicapants selon la nature et les conséquences fonctionnelles des déficiences retenues médicalement quel que soit l’âge de l’handicapé. Pour l’instant, l’âge charnière de 60 ans distingue l’adulte handicapé de la personne dépendante, mais la récente convergence entre les CLICS et la Maison Départementale du Handicap devrait, à terme, faire disparaître cette catégorisation par l’âge.
La dépendance est définie comme « l’état de la personne qui -nonobstant les soins médicaux qu’elle est susceptible de recevoir- a besoin d’aides pour les actes essentiels de la vie ou requiert une surveillance constante ».
La dépendance est gérée par les Départements qui doivent :
- partager des compétences avec la branche vieillesse de la Sécurité sociale pour l’auxiliaire de vie, avec la branche maladie pour les soins, avec l’Etat par l’intermédiaire d’avantages fiscaux tout en gérant eux-mêmes les besoins d’aides.
- Tout en gardant une certaine autonomie dans l’organisation administrative du secteur social, ce qui est source de disparités d’un département à l’autre.
La dépendance est évaluée au moyen d’une grille appelée AGGIR. Les Personnes âgées sont alors classées par degré de dépendance de 1, les plus lourds, à 6, les plus légers.
au domicile, l’équipe médicosociale chargée de cette évaluation (trop souvent réduite à un travailleur social) établit ensuite un plan d’aide individuel. Selon le degré, 1 à 4, de dépendance et le niveau des revenus, une prestation sociale (APA) est versée chaque mois au bénéficiaire pour participer quasi exclusivement aux frais dus à la tierce personne.
o A titre d’exemple, pour une dépendance totale et des revenus modestes, l’APA atteint au maximum 1 168 € en 2006, ce qui ne couvre que très partiellement le temps d’aide jugé nécessaire par la Grille AGGIR (50 % environ) .
En EHPAD, dont la mission essentielle est de répondre aux besoins d’aides quel que soit le niveau, et aux besoins de soins évalués « non médico techniques importants ».
L’intervention de l’hospitalisation à domicile vient d’être rendue possible pour des soins intermédiaires.
La gestion des EHPAD comporte, dès lors, trois forfaits : « hébergement » réglé par la personne (aidée si besoin par l’aide sociale), « soins » relevant de l’Assurance Maladie, « dépendance » aidée en fonction du revenu de chacun par l’APA relevant du Conseil général.
Besoins de Soins et Besoins d’Aides sont souvent associés
Une Personne dépendante est fréquemment atteinte de plusieurs pathologies :
- Les unes sont susceptibles d’être traitées dans le lieu habituel de vie, d’autres en établissements de santé, tout en conservant la liberté du choix du Médecin traitant.
- Des pathologies chroniques lourdes et instables, relevant de soins « médico techniques importants » évalués par l’outil Pathos comme tels, peuvent justifier l’admission en service hospitalier de Soins de Longue Durée, sous réserve de l’acceptation du Patient. L’état de dépendance, à lui seul, rappelons-le, quel qu’en soit le niveau, ne relève plus du maintien en milieu hospitalier.
- Les maladies neurodégénératives reconnues en tant qu’affections de longue durée sont susceptibles de bénéficier également de traitements non médicamenteux dispensés en centres de jour, en unités Alzheimer, en accueils temporaires, en établissements d’hébergement médicalisés ainsi qu’en hôpitaux de jour susceptibles de jouer un rôle référent. Les troubles graves et importants du comportement sont susceptibles de relever de l’hospitalisation traditionnelle.
Les coûts et les surcoûts liés à la dépendance sont de plus en plus élevés
Les dépenses entraînées par la dépendance en 2007, -que ce soit au domicile ou en institution où elles varient entre 1 500 et 3 500 € par mois (2 200 € en moyenne)-, sont inaccessibles pour la grande majorité des Retraités.
Outre la difficulté de trouver une place en EHPAD, les frais d’hébergement sont à la charge de la Personne dépendante et recouvrent les prestations hôtelières, de restauration, d’entretien, de gestion, d’animation… et incluent les frais d’amortissement des travaux exigés par la sécurité. Encore, ne faut-il pas mettre la part « dépendance » restant à la charge de la personne, déduction faite de l’APA versée à l’établissement par le Conseil général.
Dans les établissements privés du secteur commercial, ces frais sont majorés par d’autres critères dits « de confort », et si l’aide sociale est sollicitée, elle met en œuvre l’obligation alimentaire des proches.
Penser à anticiper les conséquences financières de la dépendance
La Solidarité connaissant ses limites, il devient nécessaire de rechercher des solutions pour avoir un complément de revenus permettant de faire face aux nouvelles dépenses dues à la dépendance dont les besoins sont immédiats.
Des solutions sont à trouver en fonction de son patrimoine, de sa capacité d’épargne, de ses revenus. Des spécialistes sont nécessaires pour détailler voire conseiller des solutions dont 3 sont parmi les plus fréquentes :
- l’Assurance-vie classique n’est intéressante que si elle est conséquente,
- l’Assurance-vie dépendance est un produit nouveau qui évite, pour certaines d’entre elles, de cotiser à fonds perdus et garantit partiellement l’épargne, mais les clauses des contrats restent à analyser avec une grande prudence, spécialement les critères retenus par l’évaluation, les délais de carence et de franchise après la souscription, et toutes les clauses annexes qui distinguent ce type d’assurance.
- le Prêt viager hypothécaire, par acte notarié, permet au propriétaire d’obtenir des financements gagés sur son logement, sans le vendre, mais ce sont les héritiers qui rembourseront l’établissement bancaire.
Au total, la dépendance devient un enjeu économique important
Les mesures prises en direction des Personnes dépendantes représentent une grande avancée de la Solidarité, mais leur cohérence passe par une coordination difficile à établir, à des moyens considérables à trouver et à une formation à parfaire.
Le soutien au domicile fait appel à des services où se développe une concurrence commerciale entre le mode « prestataire » et le mode « mandataire » et de «gré à gré ». Les associations et les confédérations des Retraités souhaitent -dans un double souci de cohérence et de prévention des dérives- que le montant de l’aide APA soit corrélé aux tarifs du mode prestataire.
L’hébergement médicalisé s’avère très difficile d’accès, trop onéreux, et les effectifs soignants sont insuffisants. On peut s’interroger sur une médicalisation choisie par des personnes lourdement dépendantes et malades, souvent en fin de vie. Cette population est proche, à bien des égards, de celle qui fréquente l’ultime service de la filière gériatrique.
La prise en charge de la dépendance pose les enjeux de la création d’un mécanisme de financement plus solidaire pour tenter de résoudre des difficultés liées à la séparation artificielle entre le soin et l’aide, le sanitaire et le médicosocial, le partage souvent conflictuel des compétences, la vision trop limitée à l’évaluation des déficiences, et à la coordination encore hypothétique des Professionnels.
ANHR - E-mail : raymond.dechelotte@wanadoo.fr
CIAPA - E-mail : ciapa@ciapa.com
Site : www.ciapa.com