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rapport Attali (a) (27 janvier 2008)

Le rapport Attali veut accélérer la mutation de la France

 

Article de Mme Claire Guélaud lu sur le site du Monde le 19 janvier 2008

 

 

Moins de cinq mois après son installation, le 30 août 2007, la commission pour la "libération de la croissance française", présidée par Jacques Attali, doit remettre, mercredi 23 janvier, à Nicolas Sarkozy le résultat de ses travaux : plus de 300 propositions de réforme constituant "un plan global" d'inspiration libérale, que ses concepteurs veulent "non partisan", pour assurer le retour en France d'une croissance forte et mettre en place dans le pays "une véritable économie de la connaissance".

 

 

Le rapport, révélé par le site Internet des Echos, se décline en huit "ambitions", vingt "décisions fondamentales" et 314 "décisions". Six des vingt propositions "fondamentales" portent sur la nécessité de préparer, très tôt, la jeunesse à l'économie du savoir et de transformer la France en un "champion de la nouvelle croissance". "De notre capacité à innover dépendront notre croissance et notre place dans la compétition mondiale. Formation, transmission des savoirs et qualification permanente sont donc les conditions premières de notre réussite", insistent les experts, que la stratégie européenne adoptée à Lisbonne en 2000 et le modèle finlandais de recherche et d'innovation semblent avoir inspirés.

 

 

 

Aussi préconisent-ils, entre autres, de créer dix grands pôles d'enseignement supérieur de taille mondiale – "la part du financement privé pouvant atteindre 80%" – et de redonner à la France tous les moyens, dont ceux de la recherche, pour "prendre une place de premier plan dans les secteurs d'avenir" : numérique, santé, écologie, biotechnologies, nanotechnologies, neurosciences, etc.

 

M. Attali pose le diagnostic en ces termes : "Le monde avance, la France doit croître" et "changer de vitesse", car dans un monde évoluant "à très grande vitesse", un pays trop lent "s'appauvrit", "se désole et recule". Il n'y a nul déclinisme dans ce constat, mais plutôt la conviction partagée et étayée que, malgré ses nombreux atouts, la France a pris du retard et "reste très largement une société de connivence et de privilèges". "Les conséquences de ce conservatisme général sont catastrophiques, en particulier pour les jeunes", écrit M. Attali, dont le constat rejoint sur ce point celui dressé par le socialiste Jacques Delors.

 

Faire revenir "pour tous" une croissance économique forte suppose des réformes rapides et massives, estime l'ancien conseiller du président Mitterrand. Donnant implicitement acte à Nicolas Sarkozy de sa volonté de faire bouger la France, M. Attali appelle clairement à l'abandon d'"un modèle hérité de l'après-guerre, alors efficace mais devenu inadapté".

 

Dans un domaine très exploré depuis trente ans, depuis le classique ouvrage de Malinvaud-Carré-Dubois sur La Croissance française (1972) jusqu'au rapport Camdessus de 2004, la commission Attali n'innove pas toujours, loin s'en faut. Réduire le coût du travail, ouvrir les professions réglementées, fiscaliser une partie du financement de la protection sociale, diminuer la dépense publique en faisant maigrir l'Etat et les collectivités publiques sont autant de recommandations de facture classique, qui sonnent, souvent, comme des redites. Mais ce faisant elles n'en apparaissent que plus "incontournables".

 

Pour réaliser ce travail sur la croissance, auquel le chef de l'Etat avait assigné le même objectif fondateur que celui fixé par le général de Gaulle au rapport Rueff-Armand (1960), l'ancien sherpa de François Mitterrand s'était entouré de quarante-deux personnes : des présidents de grandes entreprises comme Anne Lauvergeon (Areva), des Européens de premier plan comme l'Espagnole Ana Palacio, vice-présidente de la Banque mondiale, ou l'Italien Mario Monti, aujourd'hui président de l'université Bocconi de Milan, des acteurs de la lutte contre les discriminations, des patrons de PME, des économistes comme Philippe Aghion, professeur à Harvard, mais aussi le Britannique Theodore Zeldin, auteur d'une célèbre Histoire des passions françaises, et le neuropsychiatre Boris Cyrulnik, des journalistes dont Eric Le Boucher, du Monde.

 

Ces personnalités d'horizons et de sensibilités politiques divers se sont progressivement forgé un jugement consensuel sur l'état de la France, avant d'élaborer ces propositions qui les engagent toutes.

 

"CONSERVATISME ACTUEL"

 

Globalement libérales, les propositions de la commission ne le sont pas toutes. Plusieurs sont empruntées aux social-démocraties scandinaves, comme la mise en place des agences pour les principaux services au public à la manière de la Suède ou celle de rémunérer les périodes de recherche d'emploi dans le cadre d'un "contrat d'évolution" des demandeurs d'emploi sur le modèle danois.

 

"La réforme peut faire peur, notamment aux plus démunis, alors que ce sont ceux qui ont le plus besoin de croissance", reconnaît M. Attali. Il avoue "une obsession""que tous soient gagnants, et en priorité les exclus d'aujourd'hui" – et propose, dans son "mode d'emploi" du changement, de respecter trois principes d'équité "cardinaux" : que la réforme concerne "toutes les catégories sociales et professionnelles", que les acteurs "les plus fragilisés" par la mobilité soient "les mieux accompagnés" et que les effets des réformes soient évalués dans la durée "et d'abord du point de vue des victimes du conservatisme actuel : en premier lieu les jeunes, les chômeurs, les plus pauvres et les exclus du marché du travail, et plus généralement les classes moyennes qui ne vivent que du revenu de leur travail".

 

Reste à l'exécutif à décider la suite qu'il entend donner à ces travaux. Ils ne constituent ni "un inventaire dans lequel un gouvernement pourrait picorer à sa guise ni un concours d'idées originales condamnées à rester marginales", mais, avertit M. Attali, "un ensemble cohérent, dont chaque pièce est articulée avec les autres, dont chaque élément constitue la clé de la réussite du tout".

 

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