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pièger le gaz carbonique ? (01 06 2008)

Des sols enrichis en calcium pour piéger le gaz carbonique

Article de M. Hervé Kempf, lu le 27 mai 2008 sur le site du Monde (cliquer pour accéder à l’article original sur le site du Monde)

http://www.lemonde.fr/sciences-et-environnement/article/2008/05/26/des-sols-enrichis-en-calcium-pour-pieger-le-gaz-carbonique_1049701_3244.html#ens_id=628865

 

Barrasford (Royaume-Uni), envoyé spécial Trois renflements du sol, couverts d'herbes folles, dans un coin abandonné de carrière. Rien de plus banal, apparemment. Sauf pour David Manning, professeur de géologie à l'université de Newcastle (Royaume-Uni), pour qui ils ont été la source d'une très grande surprise.

Ces tumulus concrétisent une expérience que le scientifique mène depuis 2002 dans cette carrière de matériaux pour travaux routiers David Manning y testait un mélange de compost et de poussières de carrière, afin d'évaluer s'il ferait une bonne couverture après la fermeture de la carrière. En 2007, revenant sur le site, il a constaté que s'étaient formés des cristaux de carbonate de calcium, c'est-à-dire de craie, dans des proportions tout à fait inattendues. Une analyse ultérieure a montré que les carbonates provenaient des plantes, et non de la roche.

Cette observation a conduit le géologue à penser qu'il y avait là un moyen totalement nouveau d'absorber du gaz carbonique : la stimulation du processus naturel de fixation de carbone par les plantes. Les plantes absorbent le CO2 par photosynthèse, on le sait. Mais elles en exsudent une partie sous forme d'acide organique. Pourquoi ? "C'est le résultat d'un stress, explique David Manning. Quand elles manquent de nourriture, elles relâchent un acide qui va dissoudre la roche sous-jacente et libérer des éléments nutritifs, comme le phosphore."

Dans la plupart des sols, ce carbone retourne dans l'atmosphère. Mais dans ceux qui sont riches en calcium, l'acide, qui contient le carbone, réagit avec le calcium en formant des carbonates de calcium qui se déposent sous les racines. Des analyses isotopiques ont montré que ce piégeage de carbone est conséquent : il pourrait ainsi atteindre 150 kg par an et par hectare dans un champ de blé. Les carbonates du sol restent stables pendant de très longues périodes et constituent donc un puits géologique quasi permanent de carbone. "On pourrait les utiliser, de manière passive, de la même manière qu'on utilise les roselières, dans le lagunage, pour capter les métaux lourds des eaux polluées", affirme David Manning.

En enrichissant les sols en calcium, on pourrait en effet stimuler ce processus. Ce calcium pourrait provenir des carrières de roches volcaniques, qui en produisent de grandes quantités à travers les poussières qu'elles génèrent. Les chantiers de démolition seraient susceptibles de constituer une autre source de calcium, tout comme la sidérurgie. UN MODÈLE INFORMATIQUE Selon David Manning, les 2,5 millions d'hectares de blé cultivés en Angleterre pourraient ainsi absorber 14 millions de tonnes de CO2, soit près de 3 % des émissions du pays. Mais on pourrait aussi fixer le carbone dans les terrains de restauration végétale des carrières ou des chantiers.

Reste à faire vérifier la validité de la méthode par un réseau de laboratoires. Les chercheurs vont constituer des sols artificiels, fortement enrichis en calcium, et y faire pousser du blé, du lupin et du sedum (une plante grasse), afin de mesurer les quantités de carbone fixées. Cela permettra d'élaborer un modèle informatique définissant la vitesse et l'importance de la formation de carbonate de calcium dans des sols de différentes compositions. " Cette méthode de lutte contre le changement climatique pourrait être très peu onéreuse", estime David Manning.

Cette expérimentation montre bien le nouvel intérêt que suscitent les sols, dont les climatologues découvrent qu'ils sont un acteur majeur du cycle du carbone. Les sols de la planète contiennent plus de gaz carbonique que l'atmosphère et la végétation terrestre : 1 500 milliards de tonnes pour les sols organiques et 720 pour les sols carbonatés, contre 500 dans toute la végétation.

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