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Algues Vertes en Bretagne (19 07 2021)

Nous vous proposons aujourd’hui ce rapport publiée le 26 mai 2021 sur le site Vie-publique (cliquer ici pour accéder au site Vie-publique)

https://www.vie-publique.fr/rapport/280313-rapport-sur-le-financement-de-la-lutte-contre-les-algues-vertes#xtor=EPR-526.html

cliquer ci-dessous pour accéder au texte pdf du rapport :

http://www.senat.fr/rap/r20-633/r20-633-syn.pdf 

ALGUES VERTES EN BRETAGNE : DE LA NÉCESSITÉ D’UNE AMBITION PLUS FORTE

Rapport d’information sur le financement de la lutte contre les algues vertes par Bernard Delcros, rapporteur spécial de la Commission des Finances du Sénat

 

Les résultats obtenus au terme de près de vingt ans de politique de lutte contre les marées vertes en Bretagne, dont dix ans de "plans de lutte contre les algues vertes" (PLAV) cofinancés par l’État, sont réels mais ne sont pas à la hauteur des enjeux.

Des avancées ont certes permis de diminuer la teneur en nitrates des eaux littorales bretonnes. Par ailleurs, les effets des actions menées sont limités par l’inertie des milieux, dans la mesure où la résorption des quantités d’azote épandues sur les terrains agricoles bretons depuis plus d’une cinquantaine d’années est un phénomène lent et soumis aux aléas climatiques.

 

Cependant, l’efficacité de la politique de lutte contre les algues vertes est avant tout limitée par la difficulté à réorienter suffisamment les pratiques agricoles vers des usages plus vertueux, dans le contexte de production agricole intensive développé en Bretagne à partir des années 1960. Les nitrates d’origine agricole utilisés en tant que fertilisants et l’usage intensif d’intrants sont en effet les principales causes du développement des algues vertes.

 

  1. LE RÔLE DU MODÈLE AGRICOLE BRETON DANS LES MARÉES VERTES

 

  1. UNE ORIGINE AGRICOLE DES NITRATES DÉSORMAIS RECONNUE

 

Les taux de nitrates élevés dans les eaux bretonnes découlent essentiellement de pollutions «diffuses», liées à l’exploitation intensive des sols par des épandages excessifs d’effluents d’élevage et d’un usage massif d’intrants, tous deux caractéristiques du modèle agricole breton développé à partir des années 1960. Le centre d’étude et de valorisation des algues (CEVA) a établi que 95 à 98 % des nitrates dans l’eau des bassins versants bretons sont d’origine agricole.

 

Le principal enjeu est donc de mettre en œuvre une gestion des effluents limitant les fuites de nitrates, ce qui ne peut passer que par une évolution des pratiques agricoles, associée à un accompagnement des agriculteurs.

 

  1. LES AMÉLIORATIONS ACTUELLEMENT CONSTATÉES SONT LE RÉSULTAT D’ACTIONS ENGAGÉES LORS DE LA DÉCENNIE PRÉCÉDENTE DU FAIT DU TEMPS LONG DE RÉPONSE DES MILIEUX

 

Au-delà de la seule qualité de l’eau, la prolifération des algues vertes dans les baies bretonnes découle aussi de facteurs environnementaux et climatiques. Il est donc difficile de mesurer le degré de corrélation directe entre les volumes d’algues échoués annuellement sur les côtes bretonnes et les évolutions des taux de nitrates.

 

Ces facteurs environnementaux rendent complexe l’évaluation des plans de lutte contre les algues vertes, d’autant plus que l’évolution des concentrations doit s’apprécier à moyen terme. En effet, étant donné que les flux de nitrates transitent par les sols, puis les nappes d’eau souterraines, avant de rejoindre les cours d’eau, le temps de réponse des milieux est d’environ 10 ans en moyenne. Ainsi, les teneurs en nitrates enregistrées aujourd’hui sont, pour l’essentiel, le résultat d’actions menées lors de la décennie précédente.

 

  1. LES "PLANS DE LUTTE CONTRE LES ALGUES VERTES" (PLAV), OUTILS DE LA PARTICIPATION DE L’ÉTAT DONT LES RÉSULTATS SONT LIMITÉS PAR LA LENTE ÉVOLUTION DES PRATIQUES AGRICOLES

 

  1. LA POLITIQUE DE LUTTE CONTRE LES MARÉES VERTES, CENTRÉE SUR HUIT BAIES BRETONNES, EST PARTIELLE CAR BASÉE SUR LE VOLONTARIAT DES ACTEURS

 

  1. Les plans de lutte contre les algues vertes, 2010-2015 et 2017-2021, des outils dont la mise en œuvre a été longue et qui atteint ses limites sous sa forme actuelle.

 

Le plan de lutte contre les algues vertes est centré sur les bassins versants. Il est décliné sur 8 projets de territoire, correspondant à huit baies prioritaires bretonnes, regroupant 10 % des exploitations de la région et 240 000 habitants : baies de la Fresnaye, Saint-Brieuc, la Lieue de Grève, le Douron, l’Horn-Guillec, Quillimadec, Douarnenez et enfin la baie de la Forêt.

 

Les PLAV sont déclinés en trois axes : un volet préventif visant à réduire les flux d’azote vers les baies, qui concentre l’essentiel des financements via des aides aux agriculteurs ; un volet curatif de ramassage systématique des algues vertes échouées sur les plages ; un volet scientifique afin d’encourager la recherche sur la prolifération et la valorisation des algues vertes.

 

Les plans de lutte fonctionnent sur la base du volontariat : les agriculteurs des baies concernées s’engagent contractuellement sur un plan d’actions visant à améliorer leurs pratiques agricoles. Ils bénéficient à ce titre des actions de conseil et des aides apportées dans le cadre des chantiers collectifs financées par le PLAV. La signature du contrat conditionne aussi les aides directes de droit commun versées au titre du PLAV.

 

Les acteurs entendus par le rapporteur spécial soulignent que la dynamique de volontariat sur laquelle se fonde le PLAV semble avoir atteint ses limites, de même que la courbe de réduction des teneurs en nitrates dans les baies bretonnes. Tous les agriculteurs susceptibles d’adhérer aux mesures contractuelles se sont engagés au cours des dernières années.

 

  1. Près de la moitié des actions de lutte contre les algues vertes sont financées par l’État par le biais du programme d’interventions territoriales de l’État (PITE)

 

  1. a) Un financement des PLAV réduit et réparti entre plusieurs partenaires

 

Les montants accordés à la signature du PLAV 1 s’élevaient à 95 M € pour la période 2010-2015, dont seuls 60 % ont été consommés. Tenant compte de cette sous-consommation, le PLAV 2 (2017-2021) s’élève à 60 M €, également sur cinq ans. Son financement est réparti entre l’État, le conseil régional de Bretagne, l’agence de l’eau Loire-Bretagne, les conseils départementaux du Finistère et des Côtes d’Armor, les communes et intercommunalités.

 

L’État contribue aux 3 volets, préventif, curatif et scientifique, finance intégralement l’ensemble des aides dites "innovantes", principal avantage du PLAV, dans la mesure où les financements apportés par le Conseil régional et par l’Agence de l’eau sont des aides de droit commun.

 

  1. b) Le PITE, un outil budgétaire souple permettant de s’adapter aux besoins du terrain

 

L’intégralité du financement de l’État en faveur de la lutte contre les algues vertes est inscrite au PITE, programme porté par la mission "Cohésion des territoires". Aux 5 M € annuels versés dans le cadre du PLAV s’ajoutent environ 2 M € par an pour diverses actions auprès des agriculteurs et des collectivités. Le PITE est l’outil le mieux adapté pour financer la lutte contre les algues vertes. En gérant des crédits provenant de plusieurs ministères, il permet de prendre en compte les spécificités des actions locales et de garantir la cohérence de l’action de l’État grâce à un pilotage plus réactif qui laisse au préfet une marge de manœuvre bienvenue.

 

  1. UNE GOUVERNANCE TRANSFORMÉE MAIS QUI RESTE COMPLEXE

 

La mise en place du PLAV 2 en 2017 s’est accompagnée d’une refonte de la gouvernance régionale vers davantage de co-construction avec les acteurs locaux, autour de trois structures : le comité de pilotage, le comité de programmation, le comité régional de suivi. Cette superposition des niveaux de décisions et d’information, si elle présente l’avantage d’associer l’ensemble des acteurs, complexifie néanmoins le processus d’arbitrage.

 

  1. DES FINANCEMENTS À MIEUX CIBLER POUR ACCÉLÉRER L’ÉVOLUTION DES PRATIQUES AGRICOLES

 

  1. DES ACTIONS INSUFFISAMMENT CIBLÉES VERS UN CHANGEMENT DES PRATIQUES AGRICOLES

 

En termes d’évolution des pratiques agricoles, les résultats du PLAV sont contrastés. Ainsi, entre 2014 et 2017, la quantité d’azote minéral épandue continuait de croître dans la moitié des baies algues vertes. Les filières agricole et agroalimentaire doivent davantage contribuer à une transition vers des pratiques plus vertueuses de gestion des effluents.

 

Le cadre règlementaire applicable dans les baies algues vertes est identique à l’ensemble de la Bretagne, sans prendre en compte la situation particulière de ces baies. Le rapporteur estime que, si les actions de volontariat ont permis d’enclencher une dynamique positive, une nouvelle réglementation adaptée aux baies algues vertes doit venir la compléter pour progressivement accompagner les agriculteurs non volontaires à modifier leurs pratiques, dans le cadre du PLAV.

 

Le rapporteur spécial, comme les acteurs locaux, considère également qu’il est crucial de renforcer les moyens des services de contrôle, qui ont été constamment érodés. Malgré une stratégie de ciblage sur les exploitations les plus à risques, les services de l’État ne sont pas à même de mener à bien un nombre suffisant de contrôles.

 

  1. MIEUX ARTICULER LES AIDES DU PLAN DE LUTTE CONTRE LES ALGUES VERTES ET LES FINANCEMENTS DE LA POLITIQUE AGRICOLE COMMUNE (PAC)

 

Les montants en jeu dans le cadre du PLAV sont sans commune mesure avec les financements apportés par la PAC, pour la plupart d’entre eux en l’absence de toute conditionnalité environnementale. Pour la seule année 2018, la région Bretagne a bénéficié de 434 M € d’aides de la PAC, soit 6,5 % de l’enveloppe nationale.

 

Le PLAV 1 mobilisait en grande partie des aides de droit commun dans le cadre des financements de la PAC, et en particulier les mesures agro-environnementales et climatiques (MAEC). La nécessité de développer davantage les "aides innovantes" en faveur des agriculteurs a été prise en compte lors de l’élaboration du PLAV 2. Celles-ci, financées exclusivement par l’État, sont un réel succès mais doivent impérativement être renforcées et étendues. Les aides de droit commun ne sont pas, selon le rapporteur, l’outil le mieux adapté à la lutte contre les algues vertes.

 

  1. UN CADRE BUDGÉTAIRE À CONSOLIDER ET À SIMPLIFIER

 

  1. UN MODE DE GESTION COMPLEXE ET PEU LISIBLE

 

Le PLAV est chaque année financé par un transfert de crédits en gestion décidé de plus en plus tard dans l’année. Ainsi, les 2/3 du financement apporté par l’État non inscrits au programme 162 lors du vote de la loi de finances, ne peuvent être anticipés lors de la programmation initiale. Il convient de normaliser cette situation, signalée depuis des années par le rapporteur spécial et les gestionnaires sur le terrain, en mettant fin à la pratique du transfert en gestion.

 

  1. LA NÉCESSAIRE CLARIFICATION DES RESPONSABILITÉS DES DIFFÉRENTS FINANCEURS

 

Le suivi financier du PLAV est peu lisible du fait de la pluralité des acteurs, malgré le décroisement des aides progressivement mis en place. L’élaboration d’instruments de suivi communs à l’ensemble des financeurs permettrait de fluidifier les échanges entre partenaires financiers et surtout d’identifier les responsabilités de chacun.

 

23 RECOMMANDATIONS DÉCLINÉES EN QUATRE AXES :

 

Axe 1 : Améliorer le pilotage du plan de lutte contre les algues vertes

- Officialiser dès que possible la prolongation du PLAV 2 jusqu’en 2023.

- Préparer un troisième plan de lutte contre les algues vertes 2023-2027, tenant compte des différentes évaluations du PLAV 2 menées jusqu’à présent.

- S’assurer de la continuité des financements et des actions afin d’éviter les effets de rupture entre PLAV 2 et PLAV 3, comme ce fut le cas pour les PLAV précédents.

- Simplifier la gouvernance et conforter le rôle des comités techniques à l’échelon départemental.

- Renforcer la place des porteurs de projets dans le processus décisionnaire tout en maintenant le cadre actuel de gouvernance.

- Maintenir les moyens humains de la mission régionale et interdépartementale sur l’eau (MIRE) et les renforcer à l’échelle départementale.

 

Axe 2 : Rendre plus lisible l’architecture du financement et l’articulation entre les différents financeurs

- Conserver le programme d’interventions territoriales de l’État (PITE) comme outil de financement d’initiatives interministérielles, notamment afin de financer le plan de lutte contre les algues vertes.

- Cesser la pratique du financement du PLAV par un transfert en gestion ou à défaut anticiper plus largement le transfert qui ne doit pas avoir lieu après le printemps.

- Mettre en place un portail numérique à destination des porteurs de projets, centralisant les demandes pour l’ensemble des initiatives financées par le PLAV.

- Créer un tableau de suivi budgétaire commun à tous les financeurs, régulièrement mis à jour et publié sur le site du PLAV, afin de clarifier les domaines d’intervention de chacun.

 

Axe 3 : Mieux cibler les projets financés dans le cadre du plan de lutte contre les algues vertes vers la transformation des pratiques agricoles

- Engager dès maintenant une concertation avec l’ensemble des acteurs afin de déterminer le niveau de crédits nécessaire à la mise en place d’un plan de 3e génération plus ambitieux, doté de moyens humains et financiers suffisants.

- Renforcer la part des "aides innovantes" financées par le PLAV.

- Mettre en œuvre une réglementation spécifique aux baies algues vertes, nécessaire pour les exploitants non engagés dans une démarche volontaire de réduction des fuites de nitrates, allant de pair avec un accompagnement des agriculteurs dans le cadre du PLAV.

- Organiser un schéma de transmission du foncier axé sur le respect de priorités environnementales, réunissant la société d’aménagement foncier et d’établissement rural (Safer) et l’ensemble des partenaires du PLAV.

- Conditionner dans les territoires concernés les aides à l’installation des jeunes agriculteurs à des engagements en faveur de pratiques vertueuses, notamment concernant l’épandage.

- Financer par le biais du PITE des actions de formation dans les lycées agricoles de la région afin de sensibiliser les futurs exploitants à la gestion des flux de nitrates. - Renforcer les moyens des services de contrôle, DDTM et DDPP, dans les préfectures des départements concernés par le PLAV.

- Accroître les contrôles sur pièces dans les baies algues vertes en utilisant l’ensemble des données disponibles.

 

Axe 4 : Développer les outils d’évaluation et de suivi

- Renforcer les outils de coordination régionale en établissant un tableau de suivi régulièrement mis à jour sur la base d’indicateurs communs à chaque baie.

 - Établir des indicateurs réalistes consolidés pour l’ensemble des baies permettant de suivre annuellement les pratiques agricoles et l’origine des fuites de nitrates.

- Compléter l’indicateur figurant dans les documents budgétaires par un suivi annuel de la pression azotée, afin d’améliorer l’information des parlementaires et du grand public.

- Effectuer dès que possible un suivi de l’expérimentation en cours des paiements pour services environnementaux (PSE).

- Au-delà des 8 baies concernées, identifier les territoires et les actions menées sur l’ensemble des secteurs littoraux concernés par les marées vertes afin de mettre en place suffisamment tôt des programmes d’actions adaptés.

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