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Avenir du Télétravail : 8 questions (11 11 2021)

Nous vous proposons aujourd’hui cette synthèse d’un rapport de la délégation à la prospective du Sénat publiée le 22 octobre 2021 sur le site Vie publique (cliquer ici pour accéder au site Vie publique)

https://www.vie-publique.fr/rapport/282160-8-questions-sur-l-avenir-du-teletravail-table-ronde-organisee-au-senat#xtor=EPR-526.html

 

cliquer ci-dessous pour accéder au texte (pdf) de la synthèse du rapport :

http://www.senat.fr/rap/r21-089/r21-089-syn.pdf

 

8 QUESTIONS SUR L’AVENIR DU TÉLÉTRAVAIL - VERS UNE RÉVOLUTION DU TRAVAIL À DISTANCE ?

Synthèse du rapport d'information "8 questions sur l'avenir du télétravail, vers une révolution du travail à distance ?" de Céline Boulay-Esperonnier, Cécile Cukierman, Stéphane Sautarel, au nom de la Délégation à la prospective du Sénat (22 10 2021)

 

Avec la crise sanitaire du printemps 2020, imposant d’abord le confinement puis des restrictions d’accès aux locaux professionnels dans le but d’éviter au maximum la contagion du Covid-19, le télétravail s’est imposé pour beaucoup comme la seule solution permettant d’assurer une continuité d’activité. Alors qu’il ne concernait en France qu’environ 7 % des actifs avant la crise, il est devenu familier pour un grand nombre d’entre eux. En mars 2021, environ un quart des salariés étaient en télétravail complet. Dix-huit mois plus tard, le télétravail s’est consolidé, organisé, et s’installe dans le paysage.

 

Avec la sortie de crise, se pose la question du devenir du télétravail en rythme de croisière. Qui est concerné ? Est-ce positif pour l’économie ? Les télétravailleurs sont-ils plus épanouis et mieux protégés ? Vont-ils profiter de la nouvelle situation pour quitter les villes et s’installer à la campagne ? Les directions d’entreprises vont-elles devoir adapter leurs modes de management ? S’appuyant sur une table ronde réunissant plusieurs experts au Sénat en avril 2021, la délégation à la prospective s’est penchée sur le sujet afin d’y voir plus clair, en tentant de répondre à huit questions sur l’avenir du télétravail.

 

  1. TOUS TÉLÉTRAVAILLEURS EN 2050 ?

 

  • En France, avant la crise du Covid-19 :

Ø 3 % de télétravailleurs réguliers

Ø 4 % de télétravailleurs occasionnels

Ø le télétravail concerne essentiellement les cadres

  • En retenant une définition large du télétravail, on dénombrait en Europe environ 15 % de télétravailleurs en 2018, avec d’importantes disparités, les pays à l’économie fortement tertiarisée et à revenus élevés comptant presque 30 % de télétravailleurs.

 

Avec la crise du Covid-19, le télétravail a été massivement expérimenté par de nouveaux télétravailleurs : en France, on considérait qu’environ un quart des salariés étaient en télétravail au printemps 2020.

 

Quelles perspectives :

- Le télétravail ne concernera pas tous les actifs mais au mieux 30 à 50 % d’entre eux, même si l’approche par tâches plus que par métiers élargit le potentiel de télétravail.

- Le télétravail peut prendre des formes très diverses (du télétravail limité à un jour par semaine au télétravail quasi-complet).

Avantages et inconvénients du télétravail

  • Pour les salariés : - Économie des temps et coûts de transport - Meilleure autonomie au travail et meilleure conciliation entre vie personnelle et vie professionnelle
  • Pour les employeurs : - Réduction des coûts immobiliers - Baisse de l’absentéisme

Plus de 80 % des salariés en télétravail durant la crise veulent continuer à télétravailler après la crise mais ils redoutent l’isolement et le manque d’interactions sociales.

Du côté des employeurs, le télétravail pose la question du contrôle du travail des collaborateurs et remet en question l’organisation du travail.

 

  1. PLUS DE CROISSANCE ÉCONOMIQUE GRÂCE AU TÉLÉTRAVAIL ?

Le télétravail a permis d’éviter des pertes de production durant la crise sanitaire (plus de 200 milliards d’euros selon l’Institut Sapiens).

Le télétravail peut avoir un impact positif sur la productivité à long terme (de 5 à 30 %) mais tout dépend de la manière dont il est mis en application. Adopté brutalement et sans préparation, le télétravail peut surtout conduire à désorganiser les entreprises et peser négativement sur leur compétitivité.

L’impact du télétravail est certainement plus positif pour les tâches créatives que pour les tâches routinières. Il est également plus positif quand les salariés sont volontaires que quand ils subissent le télétravail.

Le télétravail s’analyse donc comme une opportunité à saisir pour améliorer le potentiel de croissance de l’économie, tout en assurant un meilleur bien-être au travail, dans une logique gagnant-gagnant.

 

  1. UN RISQUE DE NOUVELLE DÉLOCALISATION DES EMPLOIS ?

Une question nouvelle : dès lors qu’il n’est plus nécessaire que le salarié soit à son bureau, ne peut-on pas envisager que le travail soit effectué loin, éventuellement à l’étranger ? Après l’usine et les emplois de production, on pourrait délocaliser les fonctions support et les emplois de service.

Une question sensible : les emplois de service représentent 76 % de l’emploi en France et la "télémigration" pourrait concerner en priorité les travailleurs qualifiés et les tâches à haute valeur ajoutée.

La crainte d’un effet massif du télétravail sur la délocalisation de nouvelles catégories d’emplois doit être tempérée :

Ø La délocalisation d’emplois de service existe déjà, dans la finance, la comptabilité, l’informatique, indépendamment du développement du télétravail, et elle n’a pas fait disparaître les emplois nationaux dans les mêmes domaines.

Ø Il existe une pénurie mondiale de travail qualifié, qui complique la délocalisation par le télétravail.

Ø Les économies réalisées à travers le télétravail « offshore » pourraient être limitées, de l’ordre de 7 % selon la Coface, si 1 emploi sur 4 était délocalisé.

Finalement, le vrai risque est plutôt une délocalisation des télétravailleurs nationaux. En ayant la possibilité d’exercer leur métier depuis n’importe quel lieu dans le monde, ils seraient conduits à mettre en concurrence les systèmes sociaux et fiscaux. Pour éviter ce risque, une politique d’attractivité résidentielle de la France est nécessaire.

 

  1. LE TÉLÉTRAVAIL, AVANCÉE OU RÉGRESSION SOCIALE ?

Un cadre légal et réglementaire souple Article L.1222-9 du code du travail : « Le télétravail désigne toute forme d'organisation du travail dans laquelle un travail qui aurait également pu être exécuté dans les locaux de l'employeur est effectué par un salarié hors de ces locaux de façon volontaire en utilisant les technologies de l'information et de la communication ».

Le télétravail est mis en place dans le cadre d’un accord collectif, ou à défaut dans le cadre d’une charte élaborée par l’employeur, ou à défaut, par un accord direct entre employeur et salarié établi par tout moyen.

 

Le télétravail peut être source de nouveaux risques sociaux :

- Il crée une nouvelle inégalité entre ceux qui peuvent télétravailler et ceux qui ne le peuvent pas, les « premiers de corvée » dans des emplois non télétravaillables.

- Il pénalise les télétravailleurs qui ne bénéficient pas d’un environnement de télétravail confortable (espaces dédiés au sein du domicile, enfants venant perturber le travail à distance).

- Il encourage la sédentarité, nuisible à la santé, et fait courir de nouveaux risques psychosociaux aux télétravailleurs : isolement, déficit de communication, perte de motivation, stress accru.

- Il est susceptible d’augmenter la charge de travail et de brouiller la frontière entre vie personnelle et professionnelle, en maintenant les télétravailleurs en permanence connectés, malgré la proclamation par le code du travail d’un droit à la déconnexion.

 

Mais le télétravail peut aussi constituer une avancée sociale :

- En favorisant l’inclusion des travailleurs handicapés, affranchis de l’obligation de se déplacer.

- En facilitant le travail féminin, par le lissage des réductions d’activité qui accompagnent souvent l’arrivée d’enfants au sein du foyer, à condition que le télétravail ne se traduise pas par l’imposition aux femmes de nouvelles tâches domestiques.

- En promouvant l’autonomie des télétravailleurs, qui peuvent mieux maîtriser leur activité.

- En poussant à la modernisation des pratiques managériales au sein des entreprises, les orientant vers un management par la confiance.

 

Il faut veiller à maîtriser les risques sociaux liés au télétravail. Pour encourager les pratiques vertueuses du télétravail, celui-ci pourrait être un critère d’appréciation de la responsabilité sociétale des entreprises (RSE).

 

  1. UNE OPPORTUNITÉ DE RELOCALISATION ET D’AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE ?

Depuis plusieurs mois, le télétravail est vu comme un accélérateur d’une nouvelle tendance à l’exode urbain. A la recherche d’un meilleur cadre de vie, les urbains devenus télétravailleurs quitteraient les villes pour les campagnes.

Il est aujourd’hui trop tôt pour disposer de chiffres et il reste difficile de pronostiquer un mouvement massif. La possibilité de travailler à distance offre de nouvelles opportunités à certains télétravailleurs, en particulier les familles avec enfants, désireuses de changer d’environnement.

Beaucoup dépend de la manière dont le télétravail est pratiqué : s’il l’est sur un jour par semaine, l’incitation pourrait être insuffisante.

Le télétravail a d’ores et déjà un effet sur les déplacements, en réduisant les heures de pointe, en atténuant l’utilisation des transports collectifs dans les grandes agglomérations.

Il pourrait à terme profiter surtout aux espaces périurbains ou aux villes moyennes dotées d’un bon niveau de services, éducatifs, de santé, culturels, et disposant d’infrastructures de transports bien connectées, comme une gare TGV.

Le télétravail pose la question de l’avenir des quartiers d’affaires, dont le modèle semble désormais obsolète.

Le télétravail constitue une opportunité pour les collectivités territoriales à encourager la relocalisation d’activités et d’habitants par une stratégie ciblée d’investissements dans la fibre optique, dans des tiers lieux, dans la relance de services de proximité, privés comme publics, ou dans la construction de nouveaux logements adaptés.

 

  1. LE TÉLÉTRAVAIL, UNE BONNE AFFAIRE POUR L’ENVIRONNEMENT ?

Lors du confinement, on a constaté une amélioration sensible de la qualité de l’air. La réduction des déplacements permise par le télétravail conduirait à une réduction des rejets de CO2 en France de l’ordre de 1 à 3 %.

L’ADEME estime que l’on peut aussi constater des « effets rebonds », avec un accroissement de certains déplacements pour d’autres besoins que le travail. Si le télétravail était combiné à la généralisation des bureaux partagés (flex office), les gains environnementaux pourraient-être importants, par réduction des besoins en construction, entretien et chauffage.

Il convient cependant de rester vigilant devant la hausse de l’empreinte numérique entraînée par le télétravail : davantage d’équipements, c’est aussi plus d’énergie pour les faire fonctionner, pour les fabriquer et, en fin de cycle, plus de déchets électroniques.

 

  1. DES TÉLÉTRAVAILLEURS SOUMIS À LA DICTATURE INFORMATIQUE ?

Si la crise sanitaire était intervenue il y a 20 ans, nous n’aurions sans doute pas pu autant télétravailler. Désormais, l’informatique d’entreprise est techniquement mûre pour le télétravail et la couverture du territoire en haut débit mieux assurée.

Le développement du télétravail fait cependant courir un double risque :

- Un risque accru de sécurité informatique, les systèmes devenant stratégiques et les télétravailleurs vulnérables aux cyberattaques.

- Un risque de dépendance à l’informatique d’entreprise, réduisant les possibilités d’initiatives et de créativité des télétravailleurs et les soumettant à une cybersurveillance étroite.

 

  1. DÉSHUMANISATION, TRANSFORMATION DU MANAGEMENT : LE TÉLÉTRAVAIL, UNE RÉVOLUTION CULTURELLE ?

Avec le télétravail se pose la question de la place des échanges directs dans le monde professionnel. La déshumanisation des rapports sociaux constitue une perspective redoutable, une rupture avec la nature profonde d’animal social de l’être humain. Trouver la « bonne place » du télétravail ne peut passer que par une appropriation culturelle négociée entre employeurs et salariés, accompagnée d’un changement de modèle managérial, afin de tirer profit de l’émergence de la noosphère (sphère de la pensée humaine).

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