https://www.insee.fr/fr/statistiques/6005756?sommaire=6005764.html
Note de conjoncture
- Vue d'ensemble
- Synthèse France
- Synthèse internationale
Vue d’ensemble
La reprise économique mondiale se poursuit, mais les points de vigilance deviennent plus saillants, qu’il s’agisse des tensions inflationnistes ou du retour de l’incertitude sanitaire. Ainsi, l’économie américaine a rebondi plus vite que celle de la zone euro, à la faveur de soutiens budgétaires encore plus massifs, mais elle connaît maintenant le revers de sa médaille avec une inflation plus élevée. La reprise chinoise est freinée, à l’inverse des États-Unis, par une demande intérieure atone et une stratégie sanitaire plus restrictive. Au Royaume-Uni, la hausse des difficultés de recrutement – que connaissent la plupart des pays occidentaux – est accentuée par le Brexit, et les échanges extérieurs demeurent très dégradés.
Dans les principales économies de la zone euro, la reprise a été nette pendant l’été. La France a retrouvé globalement son niveau d’activité d’avant-crise (4ème trimestre 2019) dès le 3ème trimestre 2021, tandis que les PIB allemand et italien s’en rapprochaient, à environ 1 point. L’économie espagnole est restée davantage pénalisée, à plus de 6 points sous son niveau d’avant-crise. Les dernières enquêtes de conjoncture demeurent globalement favorables en Europe, mais elles ont pour partie été collectées avant la résurgence des inquiétudes sanitaires.
En fin d’année, la croissance se tasserait dans la plupart des pays. Le potentiel de rattrapage apparaît en effet désormais de moindre ampleur (sauf en Espagne) et les difficultés d’approvisionnement, très fréquemment signalées dans les enquêtes, continuent de peser sur l’industrie. Par ailleurs, l’incertitude sanitaire est susceptible de différer la poursuite de la reprise dans certains services, comme le suggèrent les données issues des requêtes sur les moteurs de recherche.
Cette Note de conjoncture présente des prévisions pour la France jusqu’au 2ème trimestre 2022, en faisant l’hypothèse qu’à cet horizon, les restrictions sanitaires ne se durciraient pas davantage, ne pesant qu’à la marge sur le dynamisme de la reprise au niveau macroéconomique, et que les difficultés d’approvisionnement persisteraient en partie, ne se dissipant que lentement.
Dans ce contexte, le rebond de l’économie française se poursuivrait, au rythme de + 0,5 % au quatrième trimestre 2021, + 0,4 % au 1er trimestre 2022 et + 0,5 % au 2ème. Au printemps 2022, le PIB français se situerait alors à 1,4 % au-dessus de son niveau d’avant-crise. L’acquis de croissance à mi-année (c’est-à-dire le taux de croissance annuel que l’on obtiendrait pour 2022 si l’activité économique restait figée aux 3ème et 4ème trimestres à son niveau prévu pour le 2ème) s’élèverait à + 3,0 % (après une croissance du PIB de + 6,7 % en moyenne annuelle en 2021).
La croissance française serait surtout portée par les services marchands, et dans une moindre mesure par l’industrie. Le rebond de certains services très affectés en 2020-2021 par les mesures d’endiguement de l’épidémie, comme le tourisme international, resterait néanmoins hésitant, du fait du contexte sanitaire. La consommation des ménages retrouverait au premier semestre 2022 son niveau d’avant-crise, tandis que l’investissement des entreprises, qui dépasse déjà le sien, ralentirait après sa très vive progression en 2021. Les exportations demeureraient certes en retrait par rapport à leur niveau d’avant-crise, mais progresseraient nettement au 4ème trimestre 2021 puis au 2ème trimestre 2022 à la faveur d’importantes livraisons navales.
Après son très vif rebond, l’emploi continuerait de progresser mais en ralentissant, à l’image de l’activité économique. L’emploi salarié augmenterait ainsi d’un peu plus de 150 000 au 2e semestre 2021, puis de 80 000 au 1er semestre 2022. La population active se stabiliserait à l’horizon de la prévision, après sa forte hausse cet été où le taux d’activité a atteint un niveau inédit. Le taux de chômage baisserait à 7,8 % de la population active au 4ème trimestre 2021, et diminuerait progressivement au 1er semestre 2022 jusqu’à 7,6 %.
Nul en décembre 2020, le glissement annuel des prix à la consommation a atteint 2,8 % en novembre 2021 en France, sous l’effet principalement des prix de l’énergie. Cette remontée de l’inflation affecte tous les pays occidentaux, au premier rang desquels les États-Unis. La demande mondiale de biens a en effet rebondi vivement alors que l’offre restait contrainte. En France, sous l’hypothèse conventionnelle de stabilisation des prix du pétrole et des matières premières, l’inflation resterait supérieure à 2,5 % au premier semestre 2022, mais sa composition évoluerait quelque peu : la contribution de l’énergie diminuerait, tandis que celle des produits manufacturés augmenterait, reflétant avec retard la très vive hausse des prix de production de l’industrie (+ 14 % sur un an en octobre 2021). Dans les enquêtes de conjoncture auprès des entreprises, les soldes d’opinion sur les prix prévus se situent d’ailleurs au plus haut dans plusieurs secteurs, dont l’industrie.
Dans ce contexte, les salaires nominaux seraient relativement dynamiques, mais leur progression en termes réels serait plus contenue. L’évolution du pouvoir d’achat du revenu disponible brut des ménages serait contrastée au trimestre le trimestre, sous l’effet tout à la fois de la hausse des prix de la consommation et du calendrier des mesures de soutien au revenu. Après une stabilité au 3ème trimestre 2021, le pouvoir d’achat par unité de consommation augmenterait au quatrième trimestre 2021, sous l’effet entre autres de l’"indemnité inflation", avant de reculer mécaniquement par contrecoup au trimestre suivant, puis de rebondir légèrement au deuxième trimestre 2022. Compte tenu de l’évolution prévue de la consommation, le taux d’épargne des ménages, très élevé pendant les confinements, redescendrait autour de 16 % à la mi-2022, un niveau toutefois encore un peu supérieur à celui d’avant-crise (15 %).
Ainsi, la situation conjoncturelle demeure singulière à bien des égards, et plusieurs aléas sont susceptibles d’affecter la prévision, à la hausse comme à la baisse. Même si l’activité économique résiste maintenant mieux aux résurgences de Covid-19, la 5ème vague et l’apparition d’un nouveau variant à la dangerosité encore mal connue renforcent l’incertitude. Les contraintes sur les approvisionnements sont quant à elles apparues très tôt dans la reprise : une éventuelle normalisation de la situation sanitaire notamment en Asie pourrait contribuer à les réduire. En parallèle, les tensions inflationnistes, en particulier aux États-Unis, posent la question du calendrier du resserrement des politiques monétaires. Enfin, la consommation pourrait éventuellement se révéler plus dynamique que prévue, si les ménages puisaient dans une partie de l’épargne accumulée pendant les confinements.
Synthèse France
Au 3ème trimestre 2021, la forte progression de l’activité (+ 3,0 %) a été principalement tirée par celle de la consommation (+ 4,9 %), après un 2ème trimestre en partie affecté par les restrictions sanitaires. La consommation publique a aussi été dynamique, avec le retour à la normale des services d’enseignement et la campagne de vaccination et de tests. Les échanges extérieurs ont également joué positivement sur la croissance : le retour, même partiel, du tourisme international a favorisé le dynamisme des exportations, tandis que les importations n’ont progressé que légèrement, notamment au regard de la demande intérieure. La demande, tant intérieure qu’extérieure, a ainsi augmenté plus vivement que les ressources (production intérieure et importations), impliquant un fort mouvement de déstockage.
Au 4ème trimestre 2021, la consommation des ménages ralentirait après son vif rattrapage au trimestre précédent. Elle serait de nouveau tirée par des secteurs auparavant affectés par les restrictions (hébergement-restauration, services de transport, services aux ménages…). Elle évoluerait plus tendanciellement dans les autres secteurs, voire se dégraderait (moindres surcroîts dans les biens d’équipement électroniques, baisse des achats de véhicules). La consommation publique serait quasi stable. De son côté, l’investissement augmenterait modérément, les difficultés d’approvisionnement bridant notamment l’investissement des entreprises non financières en produits manufacturés et celui des administrations publiques en construction. La contribution des échanges extérieurs resterait légèrement positive, avec des exportations plus allantes que les importations, notamment du fait de livraisons navales. Au total, le PIB augmenterait de 0,5 % au 4ème trimestre, se situant 0,4 % au-dessus de son niveau d’avant-crise (celui du 4ème trimestre 2019) ; soit une croissance annuelle de 6,7 % par rapport à 2020 (après – 8,0 %).
Au 1er semestre 2022, l’ensemble des composantes de la demande intérieure accéléreraient légèrement. La consommation des ménages poursuivrait son rattrapage dans les secteurs encore en deçà de leur niveau d’avant-crise. La consommation publique augmenterait légèrement au 1er trimestre, portée par les tests et les vaccinations, et l’investissement augmenterait modérément, dans un contexte de difficultés d’approvisionnement ne se dissipant que lentement. La contribution des échanges extérieurs serait globalement nulle, les exportations bénéficiant au 2ème trimestre d’une nouvelle livraison majeure de matériels navals et les importations évoluant en ligne avec la demande intérieure. Au total, le PIB augmenterait de 0,4 % au 1er trimestre – un léger ralentissement dans un contexte rendu plus incertain par la résurgence de l’épidémie en Europe, susceptible de peser sur les comportements des agents économiques même en l’absence de nouvelles restrictions – puis de 0,5 % au 2ème trimestre. L’acquis de croissance pour 2022 – c’est-à-dire la croissance annuelle qui serait observée si le PIB était stable aux 3ème et 4ème trimestres – serait de 3,0 %.
Synthèse internationale
Au 3eme trimestre, malgré la persistance de l’épidémie, l’amplification de la vaccination et l’absence de restrictions de déplacement ou d’activité ont permis à l’Europe de poursuivre sa reprise économique, sous l’effet notamment d’une demande intérieure dynamique, sauf en Espagne. Au contraire, aux États-Unis où le taux de vaccination est plus faible, la vague épidémique de la fin de l’été, conjuguée aux tensions inflationnistes et à la fin des aides publiques aux ménages, a pesé sur la consommation, provoquant un ralentissement de l’activité. En Chine, l’apparition de foyers épidémiques, les pénuries d’électricité et de fortes inondations ont conduit à des fermetures de moyens de production : en conséquence, le PIB y a reculé pour la première fois depuis le premier trimestre 2020.
À l’exception de l’Espagne, les principales économies de la zone euro, mais aussi le Royaume-Uni et plus encore les États-Unis et la Chine, sont revenues autour de leur niveau d’avant-crise, ou l’ont déjà dépassé. Cependant, elles demeurent toutes en dessous de leur tendance d’avant-crise, y compris les économies chinoise et américaine. En effet, l’écart à la tendance d’avant-crise en Chine et aux États-Unis, autour de 3 %, est relativement similaire à celui de la France et de l’Italie, tandis que l’Allemagne se situe légèrement plus en retrait (4 % environ). Le Royaume-Uni (5 %), et plus encore l’Espagne (10 %), apparaissent plus loin de leur tendance d’avant-crise.
Au quatrième trimestre 2021, deux facteurs, en partie liés, pèsent sur la croissance mondiale à côté des incertitudes sanitaires : les pénuries d’intrants perturbant la production et les tensions inflationnistes qui peuvent affecter à la fois les coûts des entreprises et la consommation des ménages. L’industrie mondiale demeure en effet affectée par des goulets d’étranglement dans le commerce mondial, dans un contexte de fort dynamisme de la demande, en particulier aux États-Unis où la consommation de biens a été extrêmement soutenue. À titre d’exemple, les délais de livraisons d’intrants auxquels font face les entreprises se maintiennent, selon leurs déclarations, à leur niveau record atteint cet été. La hausse de l’inflation dans toutes les économies occidentales et en particulier aux États-Unis, résultant du renchérissement des matières premières et en partie de ces difficultés de production (éclairage), pourrait quant à elle peser sur le pouvoir d’achat des ménages. Pour lutter contre cette inflation, les banques centrales pourraient progressivement opérer un resserrement de la politique monétaire, et notamment une hausse des taux d’intérêt apparaît envisageable en 2022 aux États-Unis. Ce resserrement monétaire pourrait peser sur la reprise.
À ces problèmes économiques s’ajoutent les craintes liées à une dégradation de la situation sanitaire, suscitées à la fois par l’intensité de la 5ème vague en Europe du Nord et de l’Est et par l’apparition du variant Omicron : outre la mise en place éventuelle de nouvelles mesures de restrictions, elles pourraient engendrer des comportements de consommation plus prudents et une reprise plus lente du tourisme international. L’indicateur à "haute fréquence" du nombre de recherches de "restaurant" sur Google montre par exemple un recul particulièrement prononcé de ces requêtes en Allemagne au mois de novembre.
Le PIB ralentirait donc au 4ème trimestre 2021 en Europe. En 2022, sous l’hypothèse d’une lente résorption des difficultés d’approvisionnement, l’effet de rattrapage des secteurs les plus affectés par la pandémie continuerait de porter une partie de la croissance des économies européennes, en particulier espagnole et allemande. Après le trou d’air du 3ème trimestre, l’activité rebondirait aux États-Unis et en Chine au 4ème trimestre puis début 2022, mais sans retrouver les variations particulièrement élevées de 2021 dues au rattrapage de 2020.