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Épidémiologie des AVC en 2022 en France (07 03 2025)

Nous vous proposons aujourd’hui des extraits d’une très intéressante note publiée le 4 mars 2025 dans le Bulletin Epidémiologique Hebdomadaire du ministère chargé de la santé (cliquer ici pour accéder au site du Bulletin Epidémiologique Hebdomadaire du ministère chargé de la santé)

https://beh.santepubliquefrance.fr/beh/2025/HS/2025_HS_3.html

Épidémiologie des accidents vasculaires cérébraux en 2022 en France

Introduction

Près de 10 ans après le premier Plan national ”accidents vasculaires cérébraux (AVC) 2010-2014”, cette étude fait le point sur l’épidémiologie des AVC identifiés par le Système national des données de santé (SNDS), leur prise en charge et leur devenir.

Méthodes

 

Les patients âgés de plus de 18 ans hospitalisés pour un AVC en 2022 ont été identifiés à partir des données médico-administratives et les analyses stratifiées sur le type d’AVC. La prévalence de l’AVC au 1er janvier 2023 a été définie par le nombre de personnes vivantes à cette date avec un antécédent d’hospitalisation pour AVC ou une affection longue durée pour cette pathologie (2012-2022). Les taux d’incidence et de prévalence pour 100 000 habitants ont été calculés en utilisant les données de population des statistiques nationales françaises. Les patients ont été suivis jusqu’à un an après l’hospitalisation pour AVC afin de relever entre autres le statut vital, les taux d’admission en soins médicaux et de réadaptation (SMR), de consultation post-AVC chez un neurologue, et de traitements médicamenteux.

 

Résultats

En 2022, 122 422 adultes ont été hospitalisés au moins une fois pour un AVC, et la prévalence de l’AVC estimée à 1 086 795 cas. Les départements et régions d’outre-mer (DROM), les départements des Côtes-d’Armor, du Nord, du Pas-de-Calais, de Seine-Saint-Denis, plusieurs départements du Sud-Ouest, ainsi que les personnes résidant dans les communes les plus défavorisées de métropole présentaient des taux beaucoup plus élevés par rapport au taux national. Une admission en unité de soins intensifs neurovasculaires était retrouvée chez 46,8% des patients, avec des variations importantes selon le département, l’âge et le sexe. Parmi les survivants à 6 mois, le suivi mettait en évidence un taux d’admission en SMR de 34,3% pour les AVC ischémiques et 41,7% pour les hémorragiques, et seuls 28,8% et 18,8% des AVC ischémiques et hémorragiques respectivement avaient eu une consultation chez un neurologue, et 19,5% des AVC ischémiques ont été vus par un cardiologue dans les 6 mois. La létalité à un an était de 20,8% des patients hospitalisés pour un AVC ischémique et 37,9% de ceux hospitalisés pour un AVC hémorragique.

 

Conclusion

Des variations importantes de la survenue et de la prise en charge des AVC ont été observées dans l’espace et aussi dans le temps depuis le plan AVC 2010-2014 en France. Une très faible partie des patients bénéficient aujourd’hui d’une thrombectomie mécanique pour les AVC ischémiques. Ces résultats montrent la nécessité d’une prévention plus efficace de l’AVC dans certains territoires et populations, de la régularité des campagnes d’information sur les signes et symptômes de l’AVC et de la conduite à tenir le cas échéant, et d’améliorer l’offre et l’accessibilité des patients aux unités neurovasculaires (UNV) et de leur suivi.

 

Introduction

L’accident vasculaire cérébral (AVC) est défini cliniquement par la survenue brutale d’un déficit neurologique lié à une lésion focale vasculaire cérébrale. Plusieurs types d’AVC sont caractérisés par des mécanismes physiopathologiques sous-jacents très différents, malgré des symptômes souvent similaires : les AVC ischémiques, dus à l’obstruction d’un vaisseau cérébral d’origines diverses (athérosclérose, cardiopathie, maladies des petits vaisseaux, autres vasculopathies, troubles de la coagulation, perturbations hématologiques, etc.), et les AVC hémorragiques hors causes traumatiques, identifiés par la présence de saignements dans le parenchyme pour les hémorragies intracérébrales (HIC), et dans l’espace entre la pie-mère et la membrane arachnoïde pour les hémorragies sous-arachnoïdiennes (HSA). De la même façon, plusieurs mécanismes peuvent être à l’origine d’une HIC, principalement la rupture d’un petit vaisseau associée à une hypertension, mais aussi une microangiopathie, une angiopathie amyloïde, un anévrysme congénital, une malformation artérioveineuse, et d’une HSA, le plus souvent due à une rupture d’anévrysme associée à une malformation artérioveineuse.

Dans le monde, on estimait à 12,2 millions le nombre de cas d’AVC incidents en 2019 et à près de 94 millions de cas leur prévalence. Les années de vies vécues avec incapacités associées aux AVC sont très élevées dans la mesure où la majorité des patients qui survivent de leur AVC présentent des séquelles. Dans l’étude du GBD, les cas d’AVC étaient principalement attribuables à l’hypertension artérielle, l’obésité et le surpoids, le diabète, le tabagisme, et plus spécifiquement du LDL-cholestérol élevé pour les AVC ischémiques, et de la consommation d’alcool pour les HIC. D’autre part, la fibrillation atriale est désormais considérée comme la principale cause des infarctus cérébraux, touchant près d’un tiers des patients.

L’épidémiologie des AVC évolue rapidement en France avec, d’une part, une augmentation attendue du nombre de cas incidents et prévalents due au vieillissement de la population française et à l’amélioration de la survie des AVC ischémiques. La mortalité par AVC a diminué depuis les années 1980, mais elle n’avait pas évolué entre 2008 et 2013 chez les femmes âgées entre 55 et 64 ans, ainsi que chez les hommes et les femmes de plus de 85 ans. De plus, une augmentation de l’incidence et des hospitalisations pour AVC ischémiques a été observée chez les adultes de moins de 65 ans depuis une quinzaine d’années en France. Ce signal épidémiologique rapporté initialement par le registre dijonnais des AVC a depuis été confirmé au niveau national par les données hospitalières. Ces tendances très défavorables font peser un lourd fardeau sur la société compte tenu du coût important associé à l’hospitalisation pour AVC et ces séquelles, notamment chez des adultes encore actifs professionnellement.

Suivi

L’ensemble des patients hospitalisés pour un AVC a été suivi jusqu’à un an après la fin de l’épisode de soin et les informations suivantes ont été enregistrées : le statut vital à 30 jours, à six mois et à un an, l’admission dans un service de soins médicaux et de réadaptation (SMR) dans les six mois, et plus spécifiquement dans une unité de SMR neurologique ou locomoteur, consultation avec un neurologue et un cardiologue dans les six mois (en ville ou à l’hôpital), présence d’actes de kinésithérapeutes/orthophonistes/orthoptistes dans les six mois, les ré-hospitalisations en MCO dans les six mois suivant la sortie, et la présence, à un an, d’un traitement antihypertenseur, hypolipémiant, antiplaquettaire, anticoagulant oral, antiarythmique, antidiabétique. Le traitement était considéré si a minima trois délivrances à des dates différentes étaient enregistrées, ou deux si l’une était en grand conditionnement (90 comprimés).

 

Indicateurs

Pour l’année 2022, le nombre de patients hospitalisés pour AVC et âgés de plus de 18 ans a été comptabilisé comme décrit ci-dessus. Le nombre de cas prévalents d’AVC adultes et vivants au 1er janvier 2023 a été calculé en prenant tous les patients hospitalisés pour AVC en 2022, mais également tous ceux avec un diagnostic hospitalier d’AVC (principal, relié ou associé) entre 2012 et 2022, et en ajoutant les personnes avec une affection longue durée (ALD) pour AVC sur cette période.

Les taux de patients hospitalisés pour 100 000 habitants correspondants et la prévalence en pourcentage ont été calculés en divisant le nombre de cas par la population française recensée en 2022 dans les statistiques de l’Institut national de la statistique, et des études économiques (Insee). Les taux de mortalité ont été calculés pour 100 000 décès à partir des causes médicales de décès récupérées indépendamment des patients hospitalisés et produites par le Centre d’épidémiologie sur les causes de décès. Les taux d’incidence, de prévalence et de mortalité ont été standardisés sur la structure d’âge de la population européenne de 2010 à des fins de comparaison. Les proportions de patients admis en SMR tous types confondus, admis en SMR neuro-locomoteur, bénéficiant d’une visite chez le neurologue, ré-hospitalisés, et la part des patients avec un traitement d’intérêt à un an ont été données en pourcentage parmi les patients vivants à six mois et un an respectivement.

Résultats

Patients hospitalisés

En 2022, on dénombrait 122 422 adultes hospitalisés pour un AVC en France, dont 78% pour un AVC ischémique. Parmi les 22,4% de patients avec un AVC hémorragique, 59,8% (13,4% du total des AVC) présentaient une HIC, 20,9% (5,2% du total) une HSA, et 19,3% (4,8% du total) une hémorragie autre ou non précisée. Le taux pour 100 000 habitants correspondant était de 255,8 chez les hommes et 205,1 chez les femmes, et augmentait fortement avec l’âge allant de 25,8 pour 100000 chez les 18-44 ans à 1 363,7 pour 100 000 après 85 ans. Les femmes représentaient 46,8% des cas (n=57 354). L’âge moyen au moment de l’hospitalisation s’élevait à 73,2 ans, et demeurait plus élevé chez les femmes (76,3 ans) que chez les hommes (70,5 ans). La moitié des patients avaient plus de 75 ans au moment de l’AVC. La proportion de patients âgés de moins de 65 ans s’élevait à 25,4%. La différence de taux entre les hommes et les femmes variait fortement avec l’âge, atteignant un sex-ratio supérieur à 2 parmi les patients de 45-64 ans.

De fortes disparités départementales des taux de patients hospitalisés standardisés sur l’âge étaient observées, sans gradient géographique clair. Les départements et régions d’outre-mer (DROM) présentaient des taux beaucoup plus élevés (jusqu’à 322,1/100 000 à La Réunion et 386,9/100 000 à Mayotte) par rapport au taux national. En métropole, les taux variaient entre 159,9/100 000 en Haute-Corse à 241,7/100 000 dans les Côtes-d’Armor, soit un rapport de 1,5 entre les départements extrêmes de métropole, et allant jusqu’à 2,4 si l’on considère la métropole et les DROM. Les départements du Nord (232,5/100 000), du Pas-de-Calais (232,1/100 000), de Seine-Saint-Denis (220,2/100 000), et plusieurs départements du Sud-Ouest tels que le Lot-et-Garonne (229,2/100 000) et les Landes (217,6/ 100 000) présentaient également des taux standardisés relativement élevés par rapport au taux national (197,4/100 000 après exclusion des cas d’AVC avec une donnée manquante pour le département de résidence).

Prévalence

La prévalence de l’AVC en 2022 était estimée à 2,0% de la population adulte, soit 1 086 795 cas prévalents, et atteignait 12,0% parmi les personnes âgées de plus de 85 ans.

Mortalité par accident vasculaire cérébral

Au total, 30 682 décès associés à un AVC ont été comptabilisés correspondant à un taux de 50,6/100 000 habitants. L’âge moyen au décès était de 79 ans chez les hommes et 85,5 ans chez les femmes. La majorité des décès survenait à l’hôpital (64,0%), 21,1% survenaient en établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) et maison de retraite, et 14,0% à domicile.

Caractéristiques des patients hospitalisés

Étaient retrouvées une proportion plus importante de patients appartenant au quintile de population résidant dans les communes les plus défavorisées (22,0% appartenant au Q5, le quintile le plus défavorisé vs 17,3% appartenant au Q1), correspondant à un rapport de taux de patients hospitalisés de 1,3 entre le Q5 et Q1, et une part élevée de patients bénéficiaires de l’allocation adulte handicapé (AAH) (8,4%). Parmi les personnes de moins de 60 ans, 18,6% étaient des bénéficiaires de la complémentaire santé solidaire (C2S), avec une proportion supérieure chez les femmes (20,0%) par rapport aux hommes (17,7%). L’âge moyen des bénéficiaires de l’AAH était de 50,4 ans .

On dénombrait 8,1% des patients avec un antécédent d’hospitalisation pour AVC dans les 5 ans précédents, avec une proportion plus importante parmi les HIC (9,5%) par rapport aux AVC ischémiques (7,9%). Au total, 35,3% des AVC avaient un trouble de la conduction ou du rythme cardiaque, et en particulier une fibrillation atriale (26,0%), et 16,8% avaient un cancer actif ou un antécédent de cancer. La part de fibrillation atriale s’élevait à 27,4% parmi les AVC ischémiques contre 21,2% parmi les AVC hémorragiques. De plus, 15,7% des patients avec un AVC ischémique et 20,3% de ceux avec un AVC hémorragique étaient traités par anticoagulants oraux dans l’année précédant l’AVC. Enfin, dans l’année précédant l’hospitalisation index pour AVC, 64,9% des patients avec un AVC ischémique et 57,2% de ceux avec un AVC hémorragique étaient traités par antihypertenseurs, et 33,4% et 30,5% par hypolipémiants respectivement.

La part de paralysies (hémiplégie ou autre) s’élevait à 52,6% des AVC ischémiques et 37,3% des AVC hémorragiques. De plus, la proportion de patients avec un trouble majeur de la conscience pouvant aller jusqu’au coma atteignait 38,8% des patients.

Caractéristiques du séjour

L’hospitalisation index pour AVC était caractérisée par une durée moyenne de séjour de 12,5 jours, avec une médiane de 8 jours. Une admission en USINV était retrouvée chez 46,8% des patients (53,1% pour les AVC ischémiques et 25,1% pour les AVC hémorragiques). Le taux d’admission en USINV variait selon le département, allant de <30% des AVC ischémiques pour la Guyane, la Haute-Corse, le Cantal, la Nièvre, l’Indre, l’Yonne, les Hautes-Alpes, et la Mayenne à >70% dans le Pas-de-Calais, le Tarn-et-Garonne, l’Aude, et les Landes. Il variait également selon le sexe et l’âge, avec une proportion moins élevée parmi les femmes et les personnes âgées de plus de 85 ans.

L’admission en réanimation était plus fréquente pour les AVC hémorragiques (24,1%) que pour les AVC ischémiques (3,9%). L’hospitalisation se soldait par un décès dans 10,0% des cas d’AVC ischémiques et 28,9% des cas d’AVC hémorragiques. L’admission directement en SMR après la phase aiguë concernait respectivement 22,7% et 20,8% des patients.

Suivi des patients après l’hospitalisation

À 6 mois, le suivi mettait en évidence un taux d’admission en SMR de 34,3% pour les AVC ischémiques et 41,7% pour les hémorragiques parmi les vivants, et en SMR neurologique ou locomoteur pour 19,4% et 25,6% des patients respectivement. Seuls 28,8% des patients hospitalisés pour un AVC ischémique (28,1% parmi ceux non admis en SMR) et 18,8% de ceux pris en charge pour un AVC hémorragiques (18,0% parmi ceux non admis en SMR) avaient eu une consultation chez un neurologue. Plus de 30% des patients ont bénéficié d’un kinésithérapeute sous 6 mois suivant la sortie et n’étaient plus que 15% à 1 an.

La létalité à 30 jours était presque trois fois plus élevée parmi les AVC hémorragiques (28,1%) que parmi les AVC ischémiques (10,4%). Néanmoins, le taux de létalité augmentait plus fortement parmi ces derniers, avec un doublement à 1 an(20,8%). En comparaison, le taux de létalité à 1 an parmi les AVC hémorragiques était de 37,9%.

Parmi les patients qui avaient été hospitalisés pour un AVC ischémique et vivants à 1 an, la proportion de ceux traités par antihypertenseurs a augmenté par rapport à avant l’AVC, de même pour les traitements hypolipémiants, antiplaquettaires, et anticoagulants oraux. Pour les AVC hémorragiques, les proportions de patients traités par antiplaquettaires, anticoagulants oraux et antiarythmiques diminuaient sensiblement après l’AVC par rapport à avant.

Conclusion

Ce travail souligne l’impact très important de l’AVC au sein de la population dans des proportions très inégales selon les territoires et le contexte socio-économique. Une faible partie des patients bénéficie d’un traitement de revascularisation endovasculaire pour les AVC ischémiques ou de thérapeutiques efficaces pour les AVC hémorragiques aujourd’hui, expliquant une mortalité plafond un an après l’AVC malgré l’amélioration des stratégies thérapeutiques des 20 dernières années. Malheureusement, aucun traitement n’a été démontré efficace sur notre période d’étude pour diminuer la mortalité des AVC hémorragiques. Aussi les résultats appellent à une prévention plus efficace de l’AVC en population, à la régularité des campagnes d’information sur les signes et symptômes de l’AVC et de la conduite à tenir le cas échéant. Enfin, il reste une marge de progression importante avec la nécessité de renforcer l’offre de soins en lits neurovasculaires en fonction des besoins de la population, et d’améliorer l’accessibilité des patients aux soins neurovasculaires tant en phase aiguë que chronique. Ces évolutions ne pourront se faire sans la disposition de professionnels formés.

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