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Vigilance des Intrants agricoles (05 06 2025)

Nous vous proposons aujourd’hui cette note publiée dans le n° 25 de mai 2025 de la revue Vigil’Anses, sur le site de l’agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (cliquer ici pour accéder au site de l’Anses)

https://vigilanses.anses.fr/fr/issues

Pour accéder au texte pdf de l’article cliquer sur le lien ci-dessous :

chrome-extension://efaidnbmnnnibpcajpcglclefindmkaj/https://vigilanses.anses.fr/sites/default/files/VigilAnses_N25_PPPinterdits.pdf

VIGILANCE DES INTRANTS DU VÉGÉTAL n°25 • Mai 2025

En France, des produits phytopharmaceutiques non autorisés circulent toujours

 

L’Anses a analysé les expositions et intoxications causées par des produits phytopharmaceutiques enregistrées par les Centres antipoison de 2017 à 2022, en ciblant sur les substances actives non approuvées dans l’Union européenne.

 

 

Malgré des retraits du marché datant parfois de plus de vingt ans, certains de ces produits restent régulièrement source d’intoxications. En cause : la persistance d’anciens stocks de produits autrefois autorisés en France ou bien l’importation de produits interdits mais autorisés dans d’autres pays, parfois détournés de leur usage.

 

En France, les Centres antipoison (CAP) enregistrent régulièrement des expositions dues à des produits phytopharmaceutiques contenant des substances actives non approuvées, qui ont pu ou non être autorisés en France par le passé. De plus, dans le cadre de mésusages de produits non phytopharmaceutiques en Europe, obtenus frauduleusement, des expositions ont pu être mortelles, de même que dans des mésusages de suicides.

 

Une étude de ces expositions sur la période 2012-2016 suggérait que, si leur nombre diminuait avec les retraits d'autorisation de mise sur le marché dans l’Hexagone, c’était moins le cas dans les territoires ultramarins.

 

LA SITUATION S’AMÉLIORE-T-ELLE ?

Pour suivre les évolutions de la situation, l’Anses s’est penchée sur les expositions à des produits contenant au moins une substance active non approuvée en date du 31 décembre 2013, en se focalisant sur les cas enregistrés par les CAP entre de 2017 à 2022.

 

L’année 2013 a été choisie comme date butoir afin que la 1e année de la période d’étude (2017) se situe à distance suffisante du retrait des produits du marché. En effet, une durée de 4 ans laisse le temps de prendre connaissance de l’interdiction et de mettre en œuvre les mesures qu’elle implique : ne plus détenir ni utiliser ces produits. Les professionnels peuvent les déposer dans des lieux de collecte recensés sur le site ADIVALOR3. Les particuliers peuvent les apporter en déchetterie, jardineries ou magasins de bricolage, certaines de ces deux dernières entités récupérant gratuitement ce type de déchets.

 

Le dichlorvos, substance active la plus fréquemment incriminée

 

Sur la période étudiée, les CAP avaient enregistré 599 dossiers en lien avec 64 substances actives non approuvées, présentes dans 150 produits phytopharmaceutiques différents. Les principaux produits en cause étaient des insecticides (60 %), des herbicides (19 %) et des taupicides (5 %).

 

Le dichlorvos (organophosphoré insecticide et acaricide) était la substance active la plus fréquemment citée (34 %), suivie de l’aldicarbe (carbamate insecticide, acaricide et nématocide) (10 %), de la strychnine (taupicide) (7 %) et du paraquat (herbicide) (5 %).

 

Concernant les expositions au dichlorvos (n=204), les résultats mettent en évidence un détournement d’usage du produit SNIPER 1000 EC DDVP®. Près de 82 % des expositions au dichlorvos concernaient en effet ce produit vendu notamment en Afrique pour un usage phytopharmaceutique en agriculture, mais importé illégalement pour un usage détourné comme biocide contre les punaises de lits et les cafards. Ce produit a fait l’objet d’une alerte spécifique en 2023.

 

Des particularités régionales

Les Outre-mer (limités ici à Guadeloupe, Martinique, Guyane, La Réunion et Saint-Pierre-et-Miquelon), l’Île-de-France, les Hauts-de-France et la Normandie étaient les régions les plus concernées par ces expositions/intoxications.

 

Plusieurs spécificités régionales ressortent de cette étude :

  • Le dichlorvos est en cause dans quatre cas sur cinq en Île-de-France, la moitié des cas de Provence-Alpes-Côte d’Azur et un tiers en Grand-Est.
  • L’aldicarbe est en cause surtout dans les Hauts-de-France (58 % des expositions), la strychnine en Auvergne-Rhône-Alpes (30 %) et le paraquat (59 %) et l’aldicarbe (25 %) dans les Outre-mer.
  • La Guyane est la région la plus concernée par les intoxications au paraquat. Cette collectivité ultramarine possède des frontières terrestres avec des pays d’Amérique du Sud tels que le Suriname où le paraquat est toujours disponible sans restriction légale et où les Guyanais peuvent s’approvisionner. Ainsi, lorsque le pays d’importation était précisé, le paraquat venait du Suriname.

 

Des produits importés illégalement ou gardés en stock

 

L’information sur la provenance des produits n’était renseignée que pour 19,6 % des cas. Pour environ la moitié, il s’agissait de dichlorvos acheté en France auprès de vendeurs à la sauvette sur des marchés, dans des commerces ou sur Internet.

 

Pour un tiers de ces cas, le produit avait été acheté au moment où il était encore autorisé en France puis gardé en stock, en particulier les produits à base de strychnine ou d’aldicarbe. Enfin, pour les cas restants, le produit avait été donné par une tierce personne sans que l’on ne sache comment elle se l’était procurée.

 

Des circonstances d’exposition variant selon la substance active

 

L’exposition accidentelle représentait trois quarts des cas : accident de la vie courante, de bricolage ou encore défaut de perception du risque chez des jeunes enfants ou des adultes présentant des troubles mentaux.

 

Les circonstances restantes relevaient de conduites suicidaires, soit 1/4 des cas, principalement pour l’aldicarbe, la strychnine, la paraquat ou le carbofuran.

 

Les intoxications volontaires étaient plus sévères que les intoxications accidentelles. En effet, près de la moitié (59 sur 119) des intoxications volontaires étaient de gravité moyenne ou forte contre 3 % (14 sur 437) des intoxications accidentelles. Les 15 décès étaient tous des suicides. Les substances actives les plus impliquées dans les 55 intoxications les plus graves, à savoir celles occasionnant des symptômes sévères, mettant en jeu le pronostic vital ou provoquant le décès, étaient l’aldicarbe, la strychnine et le paraquat.

 

Des résultats stables par rapport à l’étude précédente

L’étude des cas rapportés du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2016 avait identifié 408 expositions humaines, symptomatiques ou non, à des produits phytopharmaceutiques à base de substances actives non approuvées en Europe, avec en moyenne 82 cas par an. Les substances actives visées par cette première étude étaient celles figurant dans l’avis du ministère de l’Agriculture et de la Pêche paru au JO du 28 mars 2008, soit 21 substances actives.

 

Dans la seconde étude, malgré trois fois plus de substances actives retenues (64 contre 21), le nombre de cas n’a été multiplié que par 1,5 : 599 cas contre 408. Toutefois, dans les deux études, les substances actives les plus incriminées étaient le dichlorvos, le paraquat, l’aldicarbe.

 

Le nombre d’exposition aux 14 substances communes aux 2 études était stable à l’exception du dichlorvos et du paraquat. Les expositions au dichlorvos signalées aux CAP ont beaucoup augmenté du fait du détournement pour un usage biocide du produit SNIPER 1000 EC DDVP®. Au contraire, les expositions au paraquat, non approuvé depuis 2007, ont diminué de 68 % entre les 2 périodes.

 

L’aldicarbe, non approuvé dans l’UE depuis plus de 16 ans, reste en cause dans 10 appels aux CAP par an (surtout Hauts-de-France). Dans cette région marquée par la culture de la pomme de terre et de la betterave sucrière, les produits à base d’aldicarbe étaient beaucoup utilisés et des stocks peuvent persister. L’usage détourné de l’aldicarbe comme rodenticide dans les cultures bananières aux Antilles a pu se poursuivre au moins jusqu’en 2004. Les cas rapportés en Guadeloupe et Martinique laissent supposer la persistance de stocks.

 

Dans la majorité des cas, pour les deux périodes, les symptômes sévères mettant en jeu le pronostic vital et les décès étaient liés à des expositions au paraquat, à l’aldicarbe ou au carbofuran.

 

L’étude de 2012-2016 pointait l’existence d’importations illégales ( dichlorvos en France hexagonale) (paraquat en Guyane) et avait également relevé la poursuite de l’utilisation de certains fongicides (anthraquinone) dans le secteur agricole professionnel, substance active également retrouvée dans la nouvelle étude. 

 

CONCLUSION

Malgré le non renouvellement d’approbation de substances actives au niveau européen datant de plus de 20 ans pour certaines d’entre elles, celles-ci restent présentes sur le territoire français, notamment en raison d’importations illégales de produits phytopharmaceutiques, qui ne peuvent plus être commercialisés dans l’UE mais qui sont vendus sur le territoire français et qui y sont détournés de leur usage. Pour rappel, la Loi Labbé interdit depuis 2019 l’utilisation de produits phytopharmaceutiques pour les jardiniers amateurs, à l’exception de produits de biocontrôle, des produits à faible risque et des produits autorisés en agriculture biologique portant la mention EAJ = emploi autorisé dans les jardins.

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