Nous vous proposons aujourd’hui cette note publiée le 30 septembre 2025 sur le site de l’INSEE (cliquer ici pour accéder au site de l’INSEE)
https://www.insee.fr/fr/statistiques/8648157
Moins de déménagements en dix ans, mais l’Ouest et le périurbain toujours attractifs
Insee Première n° 2073 Paru le : 30/09/2025
par Adem Khamallah, Étienne Lenzi, Thomas Morin (Insee)
Entre 2013 et 2023, le nombre de déménagements à l’intérieur du territoire a diminué. Ils concernent 8,8 % de la population en 2023, contre 10,8 % dix ans plus tôt. Le nombre de mobilités résidentielles à longue distance recule moins fortement. La crise sanitaire n’a pas modifié cette tendance, bien qu’elle ait accru la distance des déménagements.
L’attractivité résidentielle des régions de la façade atlantique et de l’Occitanie est forte. Elle augmente très nettement pour la Bretagne. Le solde des mobilités résidentielles s’améliore en Bourgogne‑Franche‑Comté et en Normandie, où il est devenu positif. En revanche, il est très négatif et se creuse en Île-de-France.
Les arrivées dans les grandes villes diminuent et les espaces périurbains gagnent des habitants du fait des mobilités résidentielles. La périurbanisation s’accentue, avec davantage de déménagements vers des zones de moindre densité.
La baisse de la mobilité entre 2013 et 2023 concerne tous les types de ménages et tous les âges, à l’exception des jeunes à la fin du lycée. Elle est moins prononcée pour les couples sans enfants. Le vieillissement de la population et la part grandissante des plus âgés, moins mobiles, sont responsables de 14 % de la baisse globale de la mobilité sur dix ans.
Sommaire
Les mobilités résidentielles baissent entre 2013 et 2023
L’ouest de la France toujours attractif
L’attractivité des grands pôles urbains se dégrade
La périurbanisation s’est poursuivie entre 2013 et 2023
La baisse du taux de mobilité concerne presque tous les âges
Les chômeurs et les personnes sans enfants sont plus mobiles
Les mobilités résidentielles baissent entre 2013 et 2023
Au cours de l’année 2023, 5,9 millions de personnes ont emménagé dans une nouvelle résidence principale en France hors Mayotte, d’après l’enquête annuelle de recensement 2024. En dix ans, le nombre de déménagements à l’intérieur du territoire national, ou mobilités résidentielles, et leur fréquence dans la population ont diminué, notamment pendant les cinq dernières années : le taux de mobilité résidentielle est passé de 10,8 % en 2013 à 10,5 % en 2018 et 8,8 % en 2023.
Ce sont les déménagements de proximité qui diminuent le plus. Parmi les personnes ayant changé de résidence en 2023, 2,0 millions ont emménagé dans la même commune (-20,9 % par rapport à 2013), 2,2 millions ont déménagé vers une autre commune du même département (-13,3 %) et 1,7 million vers un autre département (-9,3 %). Le taux de mobilité résidentielle infra‑communale baisse de 3,9 % à 2,9 % de 2013 à 2023, celui entre communes d’un même département baisse de 4,0 % à 3,3 %, et celui entre départements différents diminue de 2,9 % à 2,5 %.
La crise sanitaire et le développement du télétravail n’ont pas entraîné de rupture dans la tendance à la baisse du taux de mobilité infra-communale (observée depuis 2015) et du taux de mobilité vers une autre commune du même département (observée depuis 2017). Cependant, la distance parcourue pour les déménagements vers une autre commune augmente entre 2019 et 2021, quel que soit le profil considéré (actifs, chômeurs, retraités, autres inactifs). La distance médiane entre les communes de départ et d’arrivée oscille autour de 17 km avant 2019, puis s’élève à 18,6 km en 2021. Elle atteint 18,8 km en 2023. Cette hausse est plus forte pour le 3e quartile : un quart des personnes qui changent de commune parcourent plus de 105 km en 2021, contre plus de 88 km en 2019.
L’ouest de la France toujours attractif
L’attractivité des régions de l’ouest de la France est très nette entre 2013 et 2023, tandis que le solde des mobilités résidentielles en Île-de-France, déjà négatif en 2013, se dégrade en dix ans. L’analyse de l’impact des mobilités résidentielles sur la population montre qu’au cours de ces dix années, les régions Bretagne, Occitanie et Nouvelle-Aquitaine sont celles dont la population s’accroît le plus du fait des déménagements, avec en moyenne par an une augmentation de plus de 5 habitants pour 1 000 résidents. Depuis 2013, elles n’ont jamais perdu de population du fait des mobilités résidentielles, avec un nombre d’arrivées supérieur tous les ans au nombre de départs, sans que cette attractivité ne s’érode. Le solde entrées-sorties est même en nette hausse en Bretagne sur la période. La région Pays de la Loire a également un solde entrées-sorties positif sur dix ans, mais il diminue depuis la crise sanitaire.
À l’inverse, même si la population de l’Île-de-France augmente, cette région perd systématiquement des habitants du fait des mobilités internes au territoire national depuis 2013. Cette année-là, la région perdait 4 habitants pour 1 000 résidents (-4 ‰), une perte qui s’élève à 13 ‰ en 2021, au plus fort de la crise du Covid. Depuis ce creux, le solde est resté négatif, mais est revenu en 2023 à son niveau de 2019 (environ -8 ‰). La population des Hauts-de-France diminue également sur dix ans à cause des mobilités résidentielles, mais cet effet est moins prononcé que pour l’Île-de-France. C’est le cas aussi pour les régions d’outre-mer (hors Mayotte), notamment en Guyane où l’impact négatif des mobilités sur la population s’amplifie sur la période.
En Bourgogne-Franche-Comté, les mobilités résidentielles avaient un effet négatif sur la population en 2013 ; cet effet est désormais positif et s’accroît fortement en dix ans (de -1,0 ‰ à +3,5 ‰), en lien principalement avec une baisse des départs. L’attractivité de la Normandie augmente aussi nettement (avec un effet des mobilités qui passe de -1,4 ‰ en 2013 à +1,6 ‰ en 2023).
L’attractivité des grands pôles urbains se dégrade
Les pôles urbains denses perdent de la population du fait des mobilités résidentielles à l’intérieur du territoire national. En particulier, l’impact des mobilités sur la population du pôle de Paris se creuse, de -5,0 ‰ en 2013 à -10,2 ‰ en 2023. Le déficit est particulièrement prononcé en 2021 (-15,2 ‰), pendant la crise sanitaire, mais s’atténue en 2022 pour retrouver en 2023 un niveau comparable à celui des années 2016‑2019 (proche de -10 ‰). Les autres pôles urbains denses, comme ceux de Lyon, Lille ou Tours, suivent une évolution similaire, bien que moins forte : entre 2013 et 2023, les mobilités résidentielles contribuent de plus en plus à faire baisser la population (avec un impact qui passe de -2,3 ‰ à -4,7 ‰, avec un minimum en 2021 à -6,8 ‰). La plupart des mobilités au départ de communes urbaines denses se font vers des communes de même densité. Ces mobilités représentent près d’un quart de l’ensemble des mobilités entre communes. Cependant, ces communes denses perdent de la population au profit des espaces périurbains.
En 2013, les pôles intermédiaires de densité moindre, comme ceux d’Avignon, de Saint-Nazaire, et aussi de villes plus petites comme Cholet ou Lannion, étaient davantage déficitaires que les pôles urbains denses hors pôle de Paris (-6,3 ‰ contre -2,3 ‰). Depuis 2019, cette tendance s’est inversée : ces territoires moins densément peuplés affichent désormais des soldes migratoires plus élevés que les pôles les plus denses. L’impact des mobilités résidentielles sur la population de ces pôles de densité moindre est même devenu positif en 2022 (+1,4 ‰), avant de repasser en dessous de zéro en 2023 (-1,7 ‰).
À l’inverse, de 2013 à 2023, les mobilités résidentielles ont un effet positif sur la population des espaces périurbains, composés des couronnes urbaines et des communes rurales périurbaines. Ainsi, en 2023, ces mouvements de population font gagner 6,9 habitants pour 1 000 personnes à ces espaces, soit 2,9 habitants de plus qu’en 2013.
La périurbanisation s’est poursuivie entre 2013 et 2023
Dans l’ensemble, la décennie 2013‑2023 confirme ainsi le phénomène de périurbanisation observé depuis la fin des années 1960. La crise sanitaire a accentué ce phénomène sans en modifier la tendance. Dans un contexte de ralentissement des mobilités résidentielles, les équilibres entre ville et périphérie sont d’abord affectés par la diminution du nombre d’entrées dans les grands centres urbains. En 2023, 499 000 personnes déménagent vers un pôle urbain dense (dont Paris) alors qu’elles habitaient auparavant dans une commune rurale ou de densité intermédiaire, contre 618 000 en 2013, soit une baisse proche de 20 %. Les mobilités vers des communes moins denses diminuent aussi sur la période, mais dans une moindre mesure. Ainsi, 449 000 personnes quittent une commune urbaine pour habiter dans une commune rurale périurbaine en 2023 (soit seulement 1,5 % de moins qu’en 2013) et 276 000 quittent un pôle urbain dense pour habiter une couronne urbaine (-3,8 %).
En 2013 comme en 2023, plus de la moitié des mobilités résidentielles entre communes se font entre communes présentant un degré de densité équivalent (dense, intermédiaire ou rural). Dans un contexte de baisse du nombre total de mobilités internes au territoire national, la part des mobilités vers une commune présentant un degré de densité inférieur a augmenté légèrement entre 2013 et 2019 (+0,5 point) et s’accroît encore à partir du début de la crise sanitaire, pour atteindre 27,2 % en 2023 (+1,6 point par rapport à 2013).
La baisse du taux de mobilité concerne presque tous les âges
En 2013 comme en 2023, les jeunes atteignant 19 ans au cours de l’année sont nombreux à déménager vers une commune différente (16,9 % d’entre eux en 2023) . L’année du baccalauréat et de l’entrée dans l’enseignement supérieur marque en effet un pic de départs du domicile parental, notamment dans les zones moins denses. Les jeunes déménagent ensuite souvent autour de 25 ans, probablement en lien avec la fin des études supérieures et l’insertion sur le marché du travail. Cette mobilité peut être contrainte par la nécessité de trouver un emploi éloigné du lieu des études et facilitée par l’augmentation du niveau de vie à l’entrée dans la vie active, d’autant plus forte lorsque les études sont plus longues.
Le taux de mobilité résidentielle (entre communes ou au sein de la même commune) atteint son maximum autour de 25 ans et décroît ensuite continuellement jusqu’à l’âge de la retraite, où il enregistre un léger rebond : le départ en retraite s’accompagne souvent d’un déménagement vers une autre commune. Ce léger rebond des mobilités supra-communales s’opère plus tardivement en 2023 qu’en 2013, en lien avec l’augmentation de l’âge moyen de départ à la retraite sur la période.
Le vieillissement de la population et la part grandissante des plus âgés (avec un taux de mobilité inférieur à 3 % pour les 65 ans ou plus) expliquent d’ailleurs 14 % de la baisse globale des mobilités entre 2013 et 2023. Sur cette période, le taux de mobilité résidentielle diminue pour tous les âges, à l’exception notable des jeunes atteignant 19 ans au cours de l’année de mobilité.
Les chômeurs et les personnes sans enfants sont plus mobiles
La baisse du taux de mobilité résidentielle entre 2013 et 2023 est relativement faible pour les actifs en emploi, alors qu’elle est plus prononcée pour les chômeurs. Ces derniers sont toutefois nettement plus mobiles que les actifs en emploi. D’un côté, la perte d’emploi peut être provoquée par la mobilité, notamment dans le cas de suivi de conjoint. De l’autre, la perte d’emploi peut être antérieure et la mobilité un facteur d’amélioration de la situation professionnelle : en moyenne, les chômeurs qui ont déménagé occupent plus souvent un emploi quelques années plus tard que leurs homologues sédentaires
Le type de ménage et sa composition jouent fortement sur les mobilités. Les personnes vivant seules sont les plus mobiles : 11,2 % d’entre elles changent de résidence en 2023 si elles n’ont pas d’enfant, 8,9 % lorsqu’elles en ont. Le taux de mobilité résidentielle des adultes en couple sans enfants est supérieur à celui des adultes en couples avec enfants (8,1 % contre 6,9 %). La naissance d’un enfant est néanmoins déterminante dans les mobilités : 17,3 % des adultes vivant dans un ménage avec un enfant né après le 1er janvier 2023 ont changé de résidence au cours de cette année.
De 2013 à 2023, la baisse des taux de mobilité résidentielle concerne tous les types de ménages. Toutefois, la mobilité des couples sans enfants baisse peu sur dix ans, soutenue en particulier par les mobilités lors de la pandémie, qui ont nettement augmenté entre 2019 et 2021, avant de revenir à un niveau proche de la période précédant la crise sanitaire, alors que la fréquence des déménagements après la naissance d’un enfant a fortement diminué, surtout depuis 2018, perdant 3,5 points.
Si la baisse de la natalité et le vieillissement de la population contribuent en partie à la diminution globale du taux de mobilité résidentielle jusqu’en 2023, les contraintes financières des ménages et le coût des logements constituent d’autres pistes pour comprendre cette évolution. Elles peuvent expliquer notamment la baisse plus forte pour les chômeurs, les plus jeunes et les parents de famille monoparentale.