Article de Mmes Anne Bauer et Julie Chauveau publié le 25 mars 2009 sur le site des Echos (cliquer ici pour accéder au site des Echos)
http://www.lesechos.fr/info/energie/4844517-les-plans-de-relance-s-ouvrent-a-l-environnement.htm?xtor=EPR-1001
Arnold Schwarzenegger a retrouvé ses rôles cinématographiques : dans un Etat en quasi-cessation de paiements, le gouverneur de la Californie est prêt à mener une guerre « verte » pour sauver ses citoyens. Le 17 mars, le capitaine « Schwarzy » a ainsi créé un « corps vert » (the California Green Corps), un bataillon de jeunes Américains en échec scolaire, âgés de 16 à 24 ans, qui seront entraînés pendant vingt mois pour lutter contre le gaspillage énergétique et les pollutions. Dans l'Etat le plus vorace en énergie de la planète, on ne jure plus aujourd'hui que par les « cleantech » pour sortir la patrie de la crise. Le gouverneur républicain ne viendra pas à Londres au G20 le 2 avril prochain, mais se range sans hésitation derrière le général Obama pour un « New Deal » écologique.
Dès le déclenchement de la crise, le secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon, avait réclamé ce « New Deal » vert, en demandant aux chefs d'Etat de consacrer au minimum un tiers de leurs dépenses de relance à la lutte contre le changement climatique, à la préservation des ressources naturelles et à la préparation de l'agriculture du futur. Il avait même chiffré l'effort nécessaire à 750 milliards de dollars, soit 1 % du PIB mondial.
Chargé de réunir les chefs d'Etat pour le G20 à Londres, le Premier ministre britannique, Gordon Brown, a déclaré partager la conviction de Barack Obama sur la nécessité de transformer la crise économique en une occasion unique de lutter contre la dépendance par rapport au pétrole et le changement climatique tout en favorisant la création d'emplois. La « stratégie industrielle à faible émission de carbone » défendue par Londres prévoit la création de 400.000 emplois, tandis que le plan américain en promet 2 millions grâce à ses mesures vertes. La déclaration finale du G20, actuellement en négociation, s'articule autour de trois objectifs : réguler le système financier, le renforcer pour le mettre au service de l'économie et créer une nouvelle croissance durable. A cet égard, la lutte pour « décarboner » l'économie sera donc réaffirmée.
Avec plus ou moins de force. Les associations dénoncent une crise de la « démesure », liée au surendettement des ménages et à la surconsommation, qui a gravement hypothéqué la planète, et préviennent que les crises dues à la pénurie de pétrole et aux bouleversements climatiques seront autrement plus coûteuses. Equivalentes à la somme des deux guerres mondiales et de la crise de 1929, avait estimé l'économiste sir Nicolas Stern en 2006. Or le constat s'aggrave : réunie en février dernier, la communauté scientifique a affirmé que les probabilités d'un réchauffement climatique important augmentent, tandis que l'Agence internationale de l'énergie maintient que l'ère du pétrole bon marché est bientôt terminée.
Des signes trompeurs
C'est d'ailleurs l'un des pièges de la crise. Alors qu'il faut redoubler d'efforts, jamais les signaux économiques n'ont été aussi mauvais : la chute du prix du pétrole réduit la compétitivité des énergies renouvelables et des carburants alternatifs, celle des matières premières diminue les incitations à recycler et, pire, le marché européen du CO2 s'effondre, passant sous la barre des 10 euros la tonne contre 30 l'été dernier ! Car la crise, c'est des usines qui tournent au ralenti, moins de consommation et donc moins d'émissions de CO2.
Devant ces signes de marché trompeurs, c'est aux Etats de montrer à Londres leur volonté d'« aller d'une économie fondée sur la finance et le shopping vers une économie de la transformation de l'environnement », comme le réclame Andrew Simms, directeur du « think tank » New Economics Foundation. Les 2,5 trillions de dollars annoncés par les divers plans de relance sont-ils bien orientés ? Pas assez, estime sir Nicholas Stern, qui a évalué à 13 % aux Etats-Unis et à 14 % en Union européenne les sommes consacrées à des investissements énergétiques et environnementaux.
Au moins, pour la première fois depuis le protocole de Kyoto, tout le monde tire dans le même sens. Grâce au spectaculaire revirement américain, le président Obama promettant de mettre en oeuvre un plan de 150 milliards de dollars pour l'énergie propre. La banque britannique HSBC, qui a étudié une vingtaine de plans de relance, attribue la palme verte à la Corée du Sud, dont 80 % de l'effort va à l'amélioration énergétique de l'habitat, aux transports en commun et à la gestion de l'eau. En valeur absolue, c'est la Chine qui met le plus d'argent sur la table, avec 221 milliards de dollars pour des grands travaux d'infrastructures et d'hydrauliques (1.000 stations d'épuration d'eau programmées). Parmi les plus mauvais élèves, HSBC pointe l'Italie et le Japon, dont moins de 3 % des investissements s'adressent à l'écologie.
L'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe), dont les équipes ont aussi étudié les plans de relance, souligne qu'ils utilisent plus ou moins les mêmes recettes. Grande nouveauté : l'accent mis sur la rénovation du patrimoine bâti pour en diminuer la facture énergétique. Les mesures en faveur des transports représentent le point commun le plus important des plans de relance. La Chine, la Corée, la France, l'Allemagne, l'Espagne et même les Etats-Unis annoncent d'importants projets ferroviaires. En bémol, l'Ademe déplore que les primes à la casse adoptées par de nombreux pays pour soutenir leur marché automobile ne soient pas assez contraignantes sur le respect de l'environnement. Enfin, elle constate que « les politiques en faveur des énergies renouvelables sont les parents pauvres des plans de relance » et se demande dans quelle mesure cela ne reflète pas la tentation d'utiliser la crise pour ajourner des programmes coûteux. Comme vient de le faire l'Angleterre, qui, en catimini, a mis fin à ses aides à l'installation de panneaux photovoltaïques dans les bâtiments publics, faute de moyens suffisants pour faire face à la demande.
Comment aller vers une autre croissance ? La part accordée aux préoccupations vertes dans les plans de relance est à quelques exceptions près indéniable, mais, comme le rappelle le célèbre mathématicien Stephen Hawking, « aujourd'hui, il faut mener une véritable guerre au changement climatique ». Le problème est de changer d'échelle, comme le réclameront les multiples ONG qui manifesteront le 28 mars prochain à Londres. Le directeur du Programme des Nations unies pour l'environnement a soulevé l'idée de taxer l'essence consommée dans les pays riches d'au moins 5 dollars par baril pour financer la lutte contre les changements climatiques. Les ONG réclament de taxer les profits des sociétés pétrolières, les Verts prônent un grand emprunt européen. Un débat qui va s'intensifier jusqu'à la réunion en décembre de Copenhague, où les Etats du monde doivent décider de l'avenir de la lutte contre le changement climatique.