Avenir du livret A
Question orale sans débat n° 0553S de Mme Anne-Marie Escoffier (sénatrice RDSE de l’Aveyron)
La crise actuelle et surtout les affaires politico-économiques que connaissent les banques entraînent une méfiance croissante des citoyens français à l'égard des établissements financiers en général et des banques en particulier.
Aussi, malgré la loi du 4 août 2008 de modernisation de l'économie, qui a notamment réformé l'ouverture et la détention du livret A, il semble absolument urgent de rassurer les Français quant au devenir de leurs économies.
J'ai relevé chez nos concitoyens deux préoccupations majeures.
Tout d'abord, s'agissant de l'application au 1er janvier 2009 des dispositions de la loi garantissant la liberté du choix de souscription du livret A et du principe de libre concurrence, toute personne peut ouvrir un livret A si elle n'en détient pas encore ou, si elle possède déjà un, en organiser le transfert dans l'établissement bancaire de son choix.
Or, tandis que l'article 146 de la loi LME et l'arrêté ministériel du 4 décembre 2008 encadrent strictement les conditions de ce transfert, avec un double objectif – d'une part, alléger les formalités qui incombent désormais à la banque de destination, et, d'autre part, réglementer les délais de traitement afin de limiter l'indisponibilité de l'épargne –, la plupart des établissements bancaires, nouveaux venus sur le marché du livret A, soulignent l'énergie avec laquelle les anciens privilégiés mettent en œuvre un véritable arsenal défensif, avec des déplacements imposés contraires à la réglementation, des motifs erronés de rejet, des délais légaux non respectés, des facturations indues, entre autres…
Ces manœuvres dilatoires sont d'autant plus choquantes que l'objectif visé par le livret A, à savoir financer le logement social et la politique de la ville, devrait conduire les établissements à s'affranchir de mauvaises querelles intestines.
La deuxième préoccupation des épargnants porte sur le taux d'intérêt du livret A, qui, depuis le 1er mai dernier, est passé de 2,50 % à 1,75 %, net d'impôt sur les revenus.
Dans ce contexte, monsieur le secrétaire d'État, je souhaiterais connaître, d'une part, les dispositions que vous entendez prendre pour sanctionner les établissements bancaires qui ne satisferaient pas aux nouvelles obligations légales, notamment en matière de transfert de livret A, et, d'autre part, les conditions dans lesquelles le Gouvernement peut aujourd'hui garantir aux Français la pérennité de leur épargne.
Réponse du Secrétariat d'État chargé de l'industrie et de la consommation publiée dans le JO Sénat du 10/06/2009 - page 5840
M. Luc Chatel, secrétaire d'État chargé de l'industrie et de la consommation. Madame le sénateur, je voudrais tout d'abord vous prier de bien vouloir excuser Christine Lagarde, qui est chargée de ce dossier et qui m'a demandé de la représenter ce matin au Sénat.
Comme vous l'avez indiqué, le livret A connaît un succès incontestable auprès des épargnants français. Depuis le 1er janvier dernier, ce sont plus de six millions de livrets A qui ont été ouverts et quelque 22 milliards d'euros supplémentaires qui ont été collectés.
Le Gouvernement doit largement ce succès à la réforme portée par la loi de modernisation de l'économie, qui permet aujourd'hui à tout établissement bancaire de proposer un livret A à ses clients. Cette liberté nouvelle nous impose d'être vigilants, pour éviter les détentions multiples de livrets A et nous assurer qu'il existe une possibilité effective de transfert d'un tel placement d'une banque à une autre.
C'est pourquoi les services de Bercy ont élaboré, en concertation avec les banques, une procédure destinée à faciliter les transferts de livrets A et fondée sur un formulaire type. Un arrêté en date du 4 décembre 2008 a complété ce dispositif.
Ainsi, lorsqu'un épargnant souhaite ouvrir un livret A dans une banque et qu'il en détient déjà un dans une autre, la banque d'accueil se charge de transmettre la demande de transfert auprès de l'ancien établissement pour effectuer le mouvement des fonds.
Malheureusement, madame le sénateur, les retours du terrain indiquent que cette procédure a été peu utilisée à ce jour et qu'elle a pu soulever, parfois, certaines difficultés pratiques.
Le Gouvernement tient beaucoup à ce que cette procédure de transfert fonctionne de manière plus fluide et plus efficace. En liaison avec Éric Woerth, Christine Lagarde a donc rappelé aux banques, dans une lettre du 20 mai dernier, leurs obligations réglementaires en matière de transfert de livrets A.
Elle a insisté pour que les difficultés opérationnelles qui ont été constatées et que vous avez évoquées soient levées sans délai. Elle a également clairement rappelé les sanctions fiscales encourues par les épargnants en situation de multidétention, ainsi que les amendes qui sont applicables aux établissements de crédits aux termes du code général des impôts.
Une réunion s'est tenue au ministère de l'économie, de l'industrie et de l'emploi le 6 mai dernier, en présence des représentants des principales banques, afin de rappeler la réglementation applicable et les termes de l'accord conclu entre les établissements bancaires.
Cette rencontre a permis de restaurer un climat de dialogue entre les représentants des différents réseaux. Ceux-ci sont convenus de reprendre le fil de leurs réunions dans le cadre du Comité français d'organisation et de normalisation bancaires, en vue de résoudre rapidement les différents problèmes qui se posent lors des transferts.
Vous le voyez, madame la sénatrice, le Gouvernement est pleinement mobilisé sur ce sujet. Enfin, en ce qui concerne de la rémunération du livret A, celle-ci, vous le savez, est indexée sur l'évolution de certaines variables ; en particulier, elle est liée directement à l'inflation.
Mme Anne-Marie Escoffier. Monsieur le secrétaire d'État, je vous remercie de la réponse que vous avez bien voulu m'apporter, au nom de Mme la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi. Je reste néanmoins préoccupée, car nos concitoyens m'interpellent souvent sur ces questions, en soulignant que certains banquent tentent « d'intimider » – c'est le terme qu'ils emploient – les autres organismes financiers pour empêcher ces transferts de livrets A, de façon tout à fait irrégulière bien sûr.