Démographie pharmaceutique
http://www.senat.fr/questions/base/2012/qSEQ12070032S.html
Question orale sans débat n° 0032S de Mme Maryvonne Blondin (Finistère - SOC)
Ma question, adressée à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé, porte sur le désintérêt des jeunes diplômés en pharmacie à l'égard de la profession libérale de pharmacien en officine. Le constat est assez alarmant : les pharmaciens sont moins nombreux. Au 1er janvier 2012, 73 127 pharmaciens étaient inscrits à l'Ordre et leur moyenne d'âge s'élevait à 46,1 ans. L'effectif global ne cessant de diminuer, l'attractivité de la profession est donc mise en question et le maillage des territoires pourrait être menacé.
Le Conseil national de l'ordre des pharmaciens s'inquiète tout naturellement du fait que les jeunes pharmaciens soient de moins en moins attirés par l'exercice en officine et que ces jeunes diplômés s'orientent vers d'autres professions du secteur pharmaceutique. Le recensement effectué en 2012 montre en effet que 26 % d'entre eux ne s'inscrivent pas à l'ordre des pharmaciens à l'issue de leurs études et choisissent d'embrasser une autre carrière dans des domaines comme le marketing ou le contrôle de gestion.
La baisse du nombre d'inscriptions constatée en 2011 dans les sections A - pharmaciens titulaires d'officine - et G - pharmaciens biologistes libéraux - pose avec acuité la question de la moindre attractivité de l'exercice libéral.
La perspective de travailler en officine, comme assistant ou employé, n'est pas très stimulante pour les jeunes diplômés. En effet, dès leur troisième année d'études, les étudiants y travaillent et se rendent compte des difficultés d'exercice du métier. Beaucoup choisissent alors l'industrie, mais aussi la fonction hospitalière. À l'hôpital, les compétences des pharmaciens sont pleinement utilisées et ces derniers sont intégrés dans l'équipe médicale, reconnaissance très valorisante de leur rôle. Le secteur hospitalier connaît ainsi une hausse de 4,4 % de ses effectifs de pharmaciens, essentiellement des femmes.
Les pharmaciens en officine se sentent donc isolés. De plus, les responsabilités et les missions confiées aux jeunes diplômés en officine ne sont pas à la hauteur de leurs compétences. Enfin, l'activité n'est plus aussi rémunératrice qu'auparavant, sans parler du coût de l'installation.
Dans l'état actuel du droit, le code de la santé publique stipule que les regroupements et les transferts d'officines bénéficient d'un droit de priorité sur les créations. Si l'intention est louable, la réalité est préoccupante. D'un côté, les coûts de création sont démesurés et, de l'autre, les regroupements sont toujours moins nombreux, signe peut-être de la lourdeur et de la complexité de leur mise en œuvre, et donc du faible attrait pour les jeunes diplômés. Or l'officine de pharmacie constitue un premier centre de recours médical : le pharmacien assure un lien social indispensable dans les territoires déjà fragilisés par la désertification médicale.
Je vous remercie donc, madame la ministre, de bien vouloir nous apporter des précisions sur ce point.
Réponse du Ministère de la culture et de la communication publiée dans le JO Sénat du 26/09/2012 - page 3105
Le Gouvernement souscrit à votre constat, madame la sénatrice : il hérite du gouvernement précédent une situation très difficile en matière d'attractivité des professions de santé de proximité. Vous le savez - des questions sur ce sujet sont en effet régulièrement posées dans cet hémicycle -, la situation est très grave en ce qui concerne la présence des médecins généralistes dans nos territoires. Mais les chiffres que vous évoquez au sujet des pharmaciens, et notamment des pharmaciens d'officine, soulèvent de nombreuses questions.
En effet, les pharmaciens d'officine représentent un maillon indispensable de notre système de santé : ils sont très proches de nos concitoyens et cette relation de proximité avec ces derniers est déterminante.
Le maillage officinal est aujourd'hui un atout pour notre pays. Les règles assez strictes qui l'encadrent ont permis d'assurer une présence des pharmacies sur l'ensemble du territoire : il est donc indispensable de conserver cette densité qui fait la qualité du maillage.
Pour y parvenir, il convient en premier lieu de stopper le processus de désertification médicale. En effet, la principale menace qui pèse sur les pharmacies rurales est le départ de médecins eux-mêmes. Sur ce sujet, le Gouvernement est en train d'élaborer des dispositifs destinés à enrayer ce processus de désertification.
Mais, au-delà de la survie des pharmacies rurales, l'attrait du métier de pharmacien d'officine doit être renforcé. Les pharmaciens sont trop souvent perçus comme des distributeurs de médicaments sans grande valeur ajoutée, alors que la dispensation est un acte important pour la santé de nos concitoyens : elle permet de contrôler les risques liés à la prise de médicaments et de s'assurer que le patient comprend bien son traitement et sera en capacité de le suivre. Plus globalement, le pharmacien est un professionnel de santé de premier recours qui doit davantage être intégré dans les équipes de soins de proximité. Il doit notamment occuper toute sa place dans l'éducation thérapeutique et la prévention.
Le Gouvernement souhaite tout d'abord une meilleure valorisation de l'acte de dispensation. Actuellement, les pharmaciens sont rémunérés en fonction de la seule marge commerciale réalisée sur la vente des boîtes de médicaments. Il faut donc modifier ces critères de rémunération pour qu'une partie des revenus des pharmaciens soit fonction de l'acte de dispensation, des conseils et du travail qualitatif qui l'accompagnent, et non plus seulement des seuls enjeux commerciaux. C'est pourquoi le Gouvernement a demandé au directeur général de l'Union nationale des caisses d'assurance maladie, l'UNCAM, de négocier un avenant conventionnel avec les représentants des pharmaciens pour atteindre cet objectif.
Le Gouvernement souhaite aussi que les pharmaciens soient davantage intégrés aux équipes de soins de proximité. Des initiatives ont déjà été prises par les professionnels eux-mêmes. Il faut aller plus loin : dans la politique de généralisation des équipes de soins de proximité que Mme la ministre des affaires sociales et de la santé mènera, les pharmacies d'officine auront toute leur place.
Vous le voyez, madame la sénatrice, le Gouvernement reconnaît la nécessité de revaloriser le métier de pharmacien. C'est en mettant l'accent sur l'apport de ces professionnels dans la qualité des soins de proximité que nous y parviendrons.
Mme Maryvonne Blondin. Madame la ministre, je vous remercie de ces précisions qui, je l'espère, satisferont les pharmaciens, comme elles me satisfont moi-même. Ainsi que vous l'avez souligné, le rôle de premier secours et de conseil de ces derniers représente un rempart contre les risques pris par les patients lorsqu'ils recourent à l'automédication. La reconnaissance de ce rôle, que vous venez d'exprimer, est capitale, car une pharmacie disparaît tous les trois jours : en 2011, 141 officines ont ainsi fermé. Il me semble donc que le Gouvernement a bien pris conscience de l'importance de cette question