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Gaspillage alimentaire (03 08 2015)

Question de sénateur et réponse ministérielle publiées le 27 mai 2015 sur le site du Sénat (cliquer ici pour accéder au site du Sénat)

http://www.senat.fr/questions/base/2015/qSEQ15031077S.html

Question orale sans débat n° 1077S de M. Alain Fouché (sénateur de la Vienne)

 

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, ma question porte sur le gaspillage alimentaire et le vote d'une loi demandant aux supermarchés de redistribuer leurs invendus alimentaires, un sujet au centre de l'actualité lors de ces derniers jours, voire de ces derniers mois.

 

Je tiens ici à saluer le député Frédéric Lefebvre qui, le premier, a soulevé ce problème à l'Assemblée nationale, avant que ne soit mise en ligne sur internet une pétition, dont le nombre de signataires a dépassé les 200 000 ces derniers jours.

 

En avril dernier, j'ai moi-même déposé, dans le cadre du projet de loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques, défendu par M. Emmanuel Macron, un amendement autorisant les supermarchés à distribuer les invendus alimentaires à des associations ; je l'ai ensuite retiré au profit d'un amendement similaire- que j'ai d'ailleurs cosigné - de ma collègue Nathalie Goulet, qui a finalement été voté. Le député Guillaume Garot a également rendu un rapport au Gouvernement dans lequel il préconise différentes mesures complémentaires. Enfin, trois amendements ont été votés à l'unanimité jeudi soir, à l'Assemblée nationale, dans le cadre du texte de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte.

 

Je me réjouis de constater que des députés centristes, socialistes, du groupe UMP, des Verts et du Front de gauche, se sont alliés et rassemblés en faveur d'une mesure de bon sens, qui impose à des moyennes et grandes surfaces de plus de 400 mètres carrés de conclure une convention avec une association caritative, et ce afin de faciliter les dons alimentaires.

 

Il y a véritablement urgence ! En effet, selon une enquête de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, un Français jette en moyenne vingt kilos de nourriture chaque année, dont sept kilos de produits non déballés, ce qui représente une perte totale de 1,2 million de tonnes de nourriture. Alors que 3,3 millions de personnes ont dû avoir recours à une aide alimentaire en 2014, un tel gaspillage soulève différents problèmes. Il constitue notamment une perte de pouvoir d'achat pour les ménages.

 

Au début du mois de juillet, le Sénat sera appelé à examiner en nouvelle lecture le projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte. Madame la secrétaire d'État, il est aujourd'hui indispensable d'agir très rapidement !

Pour quelle raison devrait-on d'ailleurs limiter la mesure contre le gaspillage alimentaire aux surfaces de plus de 400 mètres carrés ? En effet, des surfaces commerciales moins grandes reçoivent également une clientèle importante.

Madame la secrétaire d'État, quand envisagez-vous d'inscrire définitivement ce texte dans notre législation ? Quel est le calendrier exact du Gouvernement, notamment en ce qui concerne l'application de cette mesure ? Comment comptez-vous enfin travailler avec les associations qui attendent, certes, cette disposition, mais ne sont pas favorables à ce qu'elle revête un caractère obligatoire ? La demande est très forte autour d'une mesure attendue par une partie importante de la population, et notamment par les personnes les plus démunies.

 

Réponse du Secrétariat d'État, auprès du ministère de l'économie, de l'industrie et du numérique, chargé du numérique publiée dans le JO Sénat du 27/05/2015 p. 5249

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique, chargée du numérique. Monsieur le sénateur Alain Fouché, vos intentions sont légitimes et partagées de tous.

 

Tout d'abord, j'apporterai quelques précisions afin de montrer que tous les produits alimentaires ne sont pas identiques et qu'ils ne peuvent pas tous être recyclés.

 

Le règlement européen concernant l'information des consommateurs sur les denrées alimentaires prévoit que, parmi les mentions obligatoires, la date de durabilité minimale ou DDM, anciennement appelée « date limite d'utilisation optimale »,la date limite de consommation ou DLC, ainsi que les conditions particulières de conservation du produit alimentaire doivent figurer sur l'étiquetage d'un produit alimentaire préemballé. La DDM s'est substituée à la précédente mention pour que le consommateur soit informé de manière précise et qu'il puisse distinguer clairement les produits portant une date limite de consommation, généralement conservés au réfrigérateur, de ceux portant une date de durabilité minimale.

 

En outre, l'article 24 du règlement précité prévoit que, dans le cas de denrées alimentaires microbiologiquement très périssables qui, de ce fait, sont susceptibles de présenter un danger immédiat pour la santé humaine après une courte période, la date de durabilité minimale est remplacée par la date limite de consommation. En vertu de la législation européenne, le choix entre DLC et DDM, ainsi que le choix de la durée indiquée sur le produit incombent à l'opérateur qui appose son nom sur le produit. Aucun État membre ne peut donc aujourd'hui modifier la réglementation européenne sur ce point.

 

Une denrée dont la date limite de consommation aurait expiré ne peut plus être commercialisée, car elle met en danger la santé du consommateur. Des sanctions sont d'ailleurs prévues en cas de manquement à cette obligation. Ces denrées doivent alors être retirées de la vente : elles peuvent soit être détruites par le magasin, soit être retournées au fournisseur. En revanche, elles ne peuvent en aucun cas être données à des associations caritatives en vue de leur consommation par des personnes défavorisées.

 

Il en va différemment pour les produits dont la date de durabilité minimale a expiré. Ils peuvent continuer à être vendus et consommés légalement, puisque aucun texte ne sanctionne leur commercialisation. En réalité, seules les qualités organoleptiques des produits déclinent. Ils ne constituent donc pas un danger pour la santé du consommateur.

 

C'est du reste pour lutter à la fois contre le gaspillage alimentaire et contre la crise économique que certains magasins se sont spécialisés dans l'écoulement des produits dont la date de durabilité minimale est dépassée. Cette distinction entre date de durabilité minimale et date limite de consommation me paraît primordiale dans la mesure où elle n'est pas toujours perçue par nos concitoyens.

Aujourd'hui, le don volontaire de produits alimentaires dont la DLC approche ou dont la DDM est dépassée est déjà largement pratiqué. En revanche, rendre obligatoire le don des invendus serait susceptible de soulever de nombreuses difficultés, en particulier d'ordre juridique. Le Gouvernement considère qu'obliger les opérateurs à donner ces produits est en effet de nature à porter atteinte au droit de propriété inscrit dans la Constitution. Par ailleurs, gérer les invendus, sous la houlette de l'État, revient à s'ingérer dans la liberté d'entreprendre, également inscrite dans la Constitution. Enfin, cette mesure aurait un coût non négligeable qui se répercuterait, à n'en pas douter, sur les fournisseurs et en définitive sur les consommateurs, ceux-là mêmes que nous cherchons à protéger.

 

Je comprends que cette réponse d'ordre purement juridique ne soit pas pleinement satisfaisante. C'est la raison pour laquelle, à la suite du rapport de M. Guillaume Garot sur la réduction du gaspillage alimentaire, qui préconise d'amplifier les efforts en favorisant le conventionnement entre magasins de la grande distribution, associations caritatives et banques alimentaires, le Gouvernement a soutenu un amendement déposé sur le projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte, amendement tendant à prévoir que les grandes surfaces auront l'obligation de valoriser leurs invendus alimentaires et devront proposer, au titre de l'aide alimentaire, une convention aux associations labellisées pour le don de ces denrées.

Le Gouvernement répond ainsi à des objectifs qui sont partagés dans cet hémicycle, mais d'une manière conforme à notre droit.

 

M. Alain Fouché. Madame la secrétaire d'État, je vous remercie de cette réponse très précise, qui nécessitera naturellement un travail important.

Je souhaite ajouter que le gaspillage alimentaire a des incidences sur la survie de l'espère animale. À ce sujet, je citerai trois extraits du livre Plaidoyer pour les animaux de Matthieu Ricard, moine bouddhiste spécialisé dans le domaine de la défense des animaux, qui est en lien avec la question que nous évoquons :

« Ce livre est aussi une invitation à une prise de conscience. En dépit de notre émerveillement devant le monde animal, nous perpétrons un massacre d'animaux à une échelle inégalée dans l'histoire de l'humanité. Tous les ans, 60 milliards d'animaux terrestres et 1000 milliards d'animaux marins sont tués pour notre consommation. »

« Qui plus est, ces tueries de masses et leur corollaire - la surconsommation de viande dans les pays riches - sont, nous le montrerons, une folie globale : elles entretiennent la faim dans le monde, accroissent les déséquilibres écologiques et sont nocives pour la santé humaine. »

J'en viens au troisième et dernier extrait :« au rythme actuel, 30 % de toutes les espèces animales auront disparu de la planète d'ici à 2050 ».

Il existe, par conséquent, un gaspillage énorme auquel il est important de remédier, à la fois pour les consommateurs et pour la survie de l'espèce animale.

 

Je vous remercie à nouveau, madame la secrétaire d'État, de toutes les précisions que vous nous avez apportées sur un dossier que nous continuerons à suivre.

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