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Mayotte : spécificités de l'archipel (10 01 2025)

Nous vous proposons aujourd’hui cette note longue mais utile publiée le 3 janvier 2025 sur le site Vie-publique (cliquer ici pour accéder au site Vie-publique)

https://www.vie-publique.fr/questions-reponses/289198-mayotte-les-specificites-de-larchipel-en-8-questions.html

Mayotte : les spécificités de l'archipel en 8 questions

Dernière modification : 3 janvier 2025

L'archipel de Mayotte est le 101e département français. Quand est-il devenu français ? Comment s'est déroulée la départementalisation de cette collectivité ? Quelle est la situation locale ? Après le cyclone Chido, quelles sont les mesures prises par l'État ? Vie publique fait le point en huit questions.

 

1 Où se trouve Mayotte ?

2 Quel est le statut juridique de Mayotte ?

3 Quand Mayotte est-elle devenue un territoire français ?

4 Comment s'est déroulée la départementalisation de Mayotte ?

5 Quel est le droit en vigueur à Mayotte ?

6 Quelles sont les spécificités de la situation économique et sociale locale ?

7 Quelles mesures ont été prises par l'État face au risque climatique à Mayotte ?

8 En quoi consiste le plan "Mayotte debout" présenté le 30 décembre 2024 par le Premier ministre ?

 

carte comores mayotte.jpg

1 Où se trouve Mayotte ?

Mayotte est un archipel volcanique de 376 km² située dans l'hémisphère sud, entre Madagascar et l'Afrique. Il fait partie de l'archipel des Comores. Mayotte est composé de deux îles principales, Grande-Terre et Petite-Terre, ainsi que d'une trentaine de petits îlots. Le chef-lieu administratif est situé à Dzaoudzi et l'activité économique est concentrée autour de Mamoudzou, en Grande-Terre.

2 Quel est le statut juridique de Mayotte ?

Mayotte, département d'outre-mer (le 101e) défini par l'article 73 de la Constitution.  10Collectivité territoriale unique (à la fois département et région), Mayotte est administré par le conseil départemental. Il détient les mêmes compétences que celles d’un conseil départemental d’outre-mer et d’un conseil régional d’outre-mer (article LO 3511-1 du CGCT).

Mayotte est aussi une région ultra-périphérique (RUP) de l'UE depuis 2014 (décision 2012/419/UE), ce qui lui a permis de bénéficier des fonds européens en faveur du développement socio-économique et environnemental.

3 Quand Mayotte est-elle devenue un territoire français ?

Mayotte est devenu une colonie française, placée sous protectorat, le 25 avril 1841. En 1886, la France place sous protectorat les 3 autres îles des Comores. L'ensemble devient territoire d’outre-mer (TOM), y compris Mayotte, en 1946.

En 1972, l'archipel des Comores est inscrit sur la liste des pays à décoloniser et le 22 décembre 1974, un référendum sur l’accession à l’indépendance est organisé. Les électeurs votent pour l’indépendance à plus de 90% sauf à Mayotte (plus de 63 % de votes contre).

Les Comores proclament leur indépendance en 1975. Un second référendum est organisé en 1976 : plus de 99% des Mahorais choisissent de rester français.

4 Comment s'est déroulée la départementalisation de Mayotte ?

Mayotte est devenu le 101e département français le 31 mars 2011. Sa départementalisation a eu lieu de façon progressive, suivant plusieurs étapes à partir de 1976 (rapport d'information du Sénat).

Entre 1976 et 2001, un statut provisoire est instauré : 

  • le 11 avril 1976, les Mahorais rejettent le statut de "territoire d'outre-mer" lors d'une consultation ; 
  • la loi du 24 décembre 1976 dote Mayotte d'un statut provisoire de collectivité territoriale (article 72 de la Constitution) ; 
  • l'accord du 27 janvier 2000 sur l'avenir de Mayotte fixe un calendrier de l'évolution vers le statut de "collectivité départementale" approuvé par référendum le 2 juillet ;
  • la loi du 11 juillet 2001 dote l'archipel du statut de "collectivité départementale", fixe les étapes de la départementalisation, maintient le principe de spécialité législative (avec dérogations).

La période 2003-2007 marque la consécration constitutionnelle de Mayotte :

De 2008 à 2011, aboutissement du processus avec :

  • le référendum du 29 mars 2009 : les Mahorais votent massivement pour le statut de département ;
  • la loi organique du 3 août 2009, qui pose le principe de la départementalisation de Mayotte : à partir de la 1e réunion suivant le renouvellement du conseil général en mars 2011, la collectivité départementale de Mayotte devient le département de Mayotte.

Le nouveau statut devient officiel le 31 mars 2011.

 

5 Quel est le droit en vigueur à Mayotte ?

Les lois et règlements s'appliquent de plein droit dans les départements et régions d'outre-mer et collectivité territoriales uniques. Des aménagements sont toutefois possibles. Les lois et règlements peuvent :

  • autoriser l'adaptation des règles nationales aux caractéristiques et contraintes locales
  • habiliter ces collectivités à adopter les règles applicables sur leur territoire dans un nombre limité de matières.

C'est le principe d’assimilation ou d’identité législative, prévu à l'article 73 de la Constitution. Le droit local inspiré du droit musulman et des coutumes africaines et malgaches s'applique aux Mahorais ayant conservé leur statut personnel (art 75 de la Constitution).

6 Quelles sont les spécificités de la situation économique et sociale locale ?

L'Insee (L'essentiel sur Mayotte) recense 300 000 habitants (les Mahorais). La croissance démographique est forte dans l'archipel, qui est le département :

  • le plus jeune : l’âge moyen est de 23 ans contre 41 ans en métropole ;
  • et le plus pauvre de France : le niveau de vie médian des Mahorais est 7 fois plus faible qu’au niveau national et 77% des habitants vivent sous le seuil de pauvreté national.

Le taux de chômage atteint 30% de la population active.

Un rapport de la Cour des comptes publié en 2022 dresse un tableau sombre de la situation locale dans de nombreux domaines (extraits) :

  • Démographie. De nombreux indices suggèrent que la population serait en fait très sous-estimée. Cette incertitude affecte la mesure fiable des caractéristiques socio-économiques de l’archipel ainsi qu’au bon dimensionnement des politiques publiques. Le principal déterminant de la croissance démographique est l’évolution des flux migratoires. Dans l’hypothèse la plus élevée, à l'horizon 2050, la densité de population serait portée à plus de 2 000 habitants par km² (contre 774 aujourd’hui), soit la plus forte densité en France, après Paris et les départements de 1ère couronne.
  • Sécurité. La délinquance a atteint à Mayotte un niveau hors norme. L’amélioration de la situation en matière d’ordre public est aujourd’hui une condition essentielle de tout progrès de la situation mahoraise. La hausse de l’insécurité et de la violence, première préoccupation des habitants, a considérablement dégradé la qualité de vie et compromet les possibilités de développement économique ou touristique. L’immigration clandestine, par son effet sur la démographie, accroît les effets du retard d’équipement de l’archipel, jusqu’à susciter un sentiment d’éviction de la part des Mahorais, et entraîne le développement incontrôlé de bidonvilles.
  • Éducation. Le niveau d’équipement scolaire du territoire et la progression démographique justifient des constructions dans des proportions massives. Le niveau scolaire reste faible dans un archipel où la moitié de la population ne parle pas français.
  • Administration. Les services de l’État sont fragilisés par des effectifs taillés au plus juste, en méconnaissance de difficultés sans commune mesure avec celles rencontrées en métropole. Les services de la préfecture, notamment, sont trop mobilisés par les urgences successives pour assurer l’impulsion et la coordination nécessaires au développement de l’archipel.
  • Foncier. Le désordre foncier, cause d’incertitude sur les propriétés qui avait été mise en évidence lors de la transition vers le droit commun, handicape fortement l’action publique. Son règlement n’a guère progressé, en dépit de la création en 2017 de l’établissement public foncier et d’aménagement de Mayotte.
  • Logement. L’extension de l’habitat informel ou insalubre n’a pu être jugulée. La part de logement précaire, d’environ 40%, n’a pas évolué de 1997 à 2017 et l’augmentation de la production annuelle de logements sociaux ces dernières années est sans commune mesure avec les besoins.

7 Quelles mesures ont été prises par l'État face au risque climatique à Mayotte ?

Le 14 décembre 2024, le cyclone Chido a frappé Mayotte. Les dégâts matériels sont immenses, les pertes humaines pas encore évaluées avec certitude.

Le volume sur la prévention des catastrophe naturelles liées au climat en outre-mer du  rapport public annuel 2024 de la Cour des comptes présente les spécificités de Mayotte :

  • une augmentation de la part des cyclones et tempêtes, mais un volume de précipitations en baisse (augmentation des épisodes de sécheresse), ce scénario étant accentué en raison du décalage progressif du couloir cyclonique vers le sud de l'océan Indien ;
  • un habitat précaire et anarchique, ayant des répercussions importantes sur l'exposition au risque des populations.

Un rapport de l'Assemblée nationale de mai 2024 sur la gestion des risques naturels majeurs dans les territoires d'outre-mer souligne que depuis 1976 douze cyclones tropicaux ont été enregistrés à moins de 300 kilomètres de Mayotte (Chido étant le treizième). L'archipel connaît aussi des épisodes d'orages et de fortes pluies pouvant provoquer des glissements de terrain. Dans le contexte du changement climatique, des phénomènes de submersion marine en période de grandes marées et des épisodes de sécheresses sont apparus.

Le rapport de l'Assemblée nationale rappelle que Mayotte et la Guyane sont les départements les plus faiblement couverts par un plan de prévention des risques naturels (PPRN). Sur 17 communes à Mayotte, seules sept sont couvertes par un PPRN. Dans le même temps, l'archipel bénéficie proportionnellement très peu du fonds de prévention des risques naturels majeurs (FPRNM, dit "fonds Barnier"). Selon le rapport, les critères d'éligibilité au fonds, notamment la couverture par un plan de prévention des risques, et le défaut de titres fonciers, sont des freins majeurs à sa mobilisation. Une grande part de logements sans droit ni titre et précaires sont localisés dans des zones exposées à des risques naturels majeurs et "nécessitent des interventions urgentes".

Le principe de l'installation pour Mayotte d'un radar météorologique, d'un coût de 4,5 millions d'euros, est acté. 

Afin de prévenir les risques cycloniques, les services de l'État ont engagé des travaux début 2021 pour apporter une réponse structurelle, consistant à inscrire dans la réglementation des exigences pour la prévention para-cyclonique.

À la suite du cyclone Chido, le gouvernement a publié le 19 décembre 2024 un décret destiné à bloquer les prix des produits de grande consommation, des eaux minérales naturelles et des matériaux de construction à Mayotte.

Pour la première fois depuis la création de ce dispositif spécifique aux territoires ultramarins, le gouvernement a activé par décret, le 18 décembre, l'état de calamité naturelle exceptionnelle. L'état de calamité naturelle exceptionnelle peut être déclaré dans une collectivité d'outre-mer lorsqu'un aléa naturel d'une ampleur exceptionnelle a des conséquences de nature à gravement compromettre le fonctionnement des institutions, et présentant un danger grave et imminent pour l'ordre public, la sécurité des populations, l'approvisionnement en biens de première nécessité ou la santé publique. Un arrêté de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle a également été publié au Journal officiel du 19 décembre 2024. Les communes faisant l'objet d'une constatation de l'état de catastrophe naturelle sont recensées en annexe de l'arrêté.

Le président de la République, Emmanuel Macron, a, par ailleurs, déclaré une journée de deuil national, qui s'est tenue le lundi 23 décembre 2024 (Décret Journal officiel du 19 12 2024).

8 En quoi consiste le plan "Mayotte debout" présenté le 30 décembre 2024 par le Premier ministre ?

Le Premier ministre s’est rendu à Mayotte le 30 décembre 2024, quelques jours après la visite du président de la République. Accompagné de plusieurs ministres, François Bayrou a présenté le plan de reconstruction de l’île. Ce plan, dénommé "Mayotte debout" contient des mesures d’urgence mais aussi le déploiement de mesures à plus long terme, telles que la construction d'infrastructures dans le domaine de l'eau et des télécommunications. 

Un projet de loi d’urgence pour Mayotte sera par ailleurs présenté en Conseil des ministres le 8 janvier 2025 puis sera soumis au Parlement. 

Un projet de loi de refondation de Mayotte sera également élaboré dans les 3 prochains mois, en concertation avec les élus, pour redéfinir l’avenir de l’archipel.

Les mesures de reconstruction concernent de nombreux domaines

Infrastructures. Le gouvernement prévoit le rétablissement de l'électricité dans tous les foyers pour la fin janvier 2025. Parmi les autres mesures :

  • Électricité de Mayotte (EDM) recevra un renfort d'agents et de techniciens d’EDF ;
  • 200 groupes électrogènes fournis par EDF seront installés, en priorité sur les sites liés à la production ainsi qu’au circuit de l’eau ;
  • dès que possible, un rétablissement des structures existantes de production d’eau potable. Le développement d’autres structures comme la construction d'une autre usine de dessalement ou une nouvelle retenue collinaire sont aussi prévus ;
  • 200 dispositifs d’urgence Starlink viseront à rétablir les communications, avec des infrastructures permettant la réception de la 5G pour fin juin 2025. Un réseau de fibre optique sera déployé dans les 2 ans ;
  • une tour de contrôle mobile fournie par l’armée a été installée sur l’aéroport, permettant la reprise des vols civils au 1er janvier 2025.

Logement et urbanisme. Pour le chantier de reconstruction, le  gouvernement prévoit la création d’un établissement public de refondation de Mayotte dans le projet de loi de refondation de Mayotte, sur le modèle de celui utilisé pour restaurer la cathédrale Notre-Dame de Paris. Cet établissement intégrera l’actuel établissement foncier, donnera une place centrale aux élus mahorais et aura comme objectif d'éviter le retour des bidonvilles.

Pour les mesures d’urgence, l’État prévoit d’envoyer du matériel de chantier (matériaux de construction, bâches de protection). Des prêts garantis par l’État seront mis à disposition des familles mahoraises avec des taux d’intérêts bonifiés sur 5 années et le blocage du taux d’amortissement de ce prêt.

Écoles. De nombreux établissements ont été dévastés par le cyclone, rendant encore impossible le retour des élèves en classe, près d'un mois après la catastrophe. Par ailleurs, de nombreux professeurs ont quitté le territoire faute de logements. Le gouvernement prévoit malgré tout une reprise progressive des cours à compter du 13 janvier 2025. Celle-ci se fera de manière adaptée, établissement par établissement, avec une priorité pour les classes à examen (bac, brevet, certificat d’aptitude professionnelle). Pour parvenir à cet objectif le Premier ministre prévoit :

  • déploiement de tentes-écoles ;
  • évacuation progressive des établissements servant actuellement d’abris ;
  • subventions d’État (transport scolaire et reconstruction des classes) ;
  • possibilité d’une scolarisation temporaire des élèves dans l'Hexagone.

Par ailleurs, un plan d’attractivité et de fidélisation des enseignants permettra aux étudiants, retraités et enseignants volontaires de venir enseigner à Mayotte.

Sécurité. Les moyens de la gendarmerie seront renforcés avec la création de nouvelles brigades. Le plan "Mayotte debout" prévoit la formation de 300 gendarmes et policiers auxiliaires mahorais pour assister les unités locales et se préparer à exercer les missions de sécurité de manière pérenne.

Santé. Le renouvellement des traitements des patients sera autorisé sans ordonnance. La réserve sanitaire sera mobilisée. Un 2e institut de formation infirmier sera créé et un plan d’attractivité pour les professionnels de santé sera lancé pour assurer la pérennité des recrutements sur l'île. Des équipes mobiles de santé seront déployées pour répondre aux besoins sur le terrain.

Économie. Cotisations sociales des entreprises seront suspendues jusqu’au 31 03 2025 ; zone franche globale exonérant toutes les entreprises pendant 5 ans. 

Seront également mis en place :

  • des aides financières d’urgence pour toutes les entreprises ;
  • un dispositif d'activité partielle.

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