Article de MM. Jean de Kervasdoué, Christian Lehmann et Claude Bronner, lu sur le site du Monde le 8 juin 2008 (cliquer ici pour accéder à l’article original)
http://www.lemonde.fr/opinions/article/2008/06/06/le-medecin-generaliste-une-espece-menacee-par-jean-de-kervasdoue-christian-lehmann-et-claude-bronner_1054744_3232.html
Certains sujets paraissent si consensuels qu'ils ne semblent pas mériter d'attention particulière, il en est ainsi du rôle du généraliste dans l'organisation des soins médicaux. N'est-il pas le "pivot" du système, le confident accueillant, accessible, et toujours disponible de son patient ? L'Etat n'a-t-il pas mis en valeur son rôle en incitant les Français à choisir un médecin "traitant" et, à cette occasion, les généralistes n'ont-ils pas été plébiscités, car choisis dans 98 % des cas ? La faculté n'a-t-elle pas à son tour distingué l'étendue de ses compétences en organisant pour les généralistes une filière spécifique et en rallongeant la durée de leurs études, désormais aussi longues que celles des spécialistes ?
Les ministres de la santé successifs ont toujours eu pour la médecine générale de grandes ambitions. Ainsi, Mme Bachelot, à l'occasion de la clôture de la première synthèse des Etats généraux de l'organisation de la santé le 9 avril, précise que le généraliste doit, notamment, "assurer la prise en charge médicale de premier recours, y compris dans les hôpitaux locaux et dans les structures d'hospitalisation à domicile, (...) orienter le patient dans le parcours de soins coordonnés, faire de la prévention et participer à la permanence des soins du territoire de santé". Nobles tâches et belles ambitions, mais qui pourraient demeurer lettre morte.
Les généralistes s'épuisent. Non seulement les étudiants en médecine ne prisent pas ce débouché, mais beaucoup cherchent à l'éviter, allant jusqu'à perdre une année quand le concours de l'internat ne les classe pas en rang suffisant pour choisir d'autres spécialités. De surcroit, 40 % de ceux qui passent par cette filière ne seront pas généralistes car ils choisiront, pour reprendre l'euphémisme des caisses d'assurance-maladie, de pratiquer un "exercice particulier" (phlébologue, urgentiste, allergologue...).