Chronique de MM Stéphane Hessel et Robert Lion (AgriSud International) lue le 22 avril sur le site du Monde
http://www.lemonde.fr/opinions/article/2008/04/22/le-rempart-de-l-agriculture-familiale-par-stephane-hessel-et-robert-lion_1036969_3232.html
La crise alimentaire qui affecte de nombreux pays pauvres n'est que l'aggravation d'une situation depuis longtemps dramatique : plus de 1 milliard de personnes en Afrique, en Amérique latine, en Asie du Sud souffrent de malnutrition aiguë. Pouvoir faire un ou deux repas quotidiens qui apportent quelques centaines de calories est, jour après jour, leur première préoccupation.
Les causes de cette aggravation ont été expliquées. Une raison importante a été généralement oubliée : le dépérissement, notamment en Afrique, de la petite exploitation vivrière, celle qui approvisionne les marchés locaux en produits alimentaires : céréales, manioc, fruits et légumes, volaille, etc.
L'agriculture traditionnelle a en effet largement fait place à des cultures à vocation industrielle (arachide, café, cacao, coton, caoutchouc...) destinées à l'exportation. Notons que l'on n'exporte en général que des produits bruts, sans valeur ajoutée sur place. Cette orientation productiviste, poussée parfois jusqu'à la monoculture pour un même pays, a été appuyée par les bailleurs de fonds, par des politiques de coopération à courte vue, aussi bien que par les gouvernements locaux, toujours friands de grands projets ; à l'origine, et pour sa mise en oeuvre, on trouve de grandes entreprises du Nord, qui en ont tiré de formidables profits. Ce processus est en train de se répéter avec les biocarburants.
Or tout cela a tourné au désastre. Sur les marchés des matières premières, ces nouvelles cultures ont été concurrencées par celles de pays asiatiques, où la main-d'oeuvre est très bon marché et la productivité élevée, et par celles des Etats-Unis et de l'Europe, qui subventionnent leurs producteurs. Cela concerne par exemple le coton, le café, le riz, le maïs.