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Absences pour maladie : effet du ”jour de carence” (26 07 2024)

Nous vous proposons aujourd’hui cette note publiée le 17 juillet 2024 sur le site de l’INSEE (cliquer ici pour accéder au site de l’INSEE)

https://www.insee.fr/fr/statistiques/8198911.html

Quel est l’effet du ”jour de carence” sur les absences pour maladie des personnels de l’Éducation nationale ?

Etude de Mme Mélina Hillion (Insee) paru dans INSEE ANALYSES n° 95 le 17/07/2024

 

Depuis janvier 2018, le 1er jour de congé de maladie ordinaire n'est plus indemnisé dans la fonction publique française, mesure déjà appliquée de janvier 2012 à décembre 2013. Dans le secteur de l’Éducation nationale, qui représente environ 16 % des agents de la fonction publique, cette mesure a entraîné en moyenne une diminution de 23 % de la fréquence des absences, et de 5 % du nombre cumulé de jours d'absence pour maladie ordinaire. Cet effet est principalement observé pour les absences de courte durée (moins de 7 jours), et n'est pas significatif pour celles de plus de 3 mois. Bien que leurs absences aient davantage diminué, les femmes et les personnes travaillant dans le réseau d’éducation prioritaire continuent de s’absenter plus fréquemment lorsque le jour de carence est appliqué, ce qui les pénalise financièrement. Les données disponibles ne permettent pas de conclure à une baisse des éventuels recours abusifs aux arrêts, puisque cette mesure peut inciter les personnes malades à se rendre au travail. L'impact du jour de carence sur la réussite scolaire des élèves n'a pas été examiné.

 

Sommaire

 

 

Une mesure qui réduit l’indemnisation des arrêts de travail

Le recours aux congés de maladie ordinaire est plus élevé dans le réseau d’éducation prioritaire

Une augmentation du nombre de jours de congés de maladie ordinaire de 2013 à 2017

Le jour de carence a entraîné une diminution de 23 % de la fréquence des arrêts maladie

Les femmes sont davantage pénalisées financièrement par l’application du jour de carence

Une absence d’effet significatif à court terme du jour de carence sur la santé perçue et le recours aux soins

Encadré – Champ d’application de la réforme du ”jour de carence” dans le secteur public

 

Une mesure qui réduit l’indemnisation des arrêts de travail

 

En France, comme dans la plupart des pays de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), les salariés qui doivent interrompre temporairement leur activité pour raisons de santé bénéficient d'une indemnité ou d'un maintien de leur salaire pendant une période déterminée. Durant les dernières décennies, plusieurs pays européens ont renforcé contrôles et incitations financières pour réduire les arrêts de travail. La mesure la plus fréquemment adoptée vise à réduire le taux de remplacement du salaire pendant tout ou partie de la période d'absence.

 

En France, plusieurs réformes ont successivement supprimé (01.01.2012), réintroduit (01.01.2014), puis de nouveau supprimé (01.01.2018) l’indemnisation du 1er jour de congé de maladie ordinaire (CMO) des agents de la fonction publique. Ces mesures constituent une série d’”expériences naturelles” permettant d'évaluer l’effet du jour de carence sur la fréquence et la durée des arrêts de travail, les inégalités de revenu, la santé perçue et le recours aux soins.

 

Le recours aux congés de maladie ordinaire est plus élevé dans le réseau d’éducation prioritaire

 

Une base de données administratives exhaustive permet d’examiner l'effet de ces mesures sur les absences des personnels du secteur public de l'Éducation nationale, soit environ 16 % des agents de l'ensemble de la fonction publique française. Entre 2006 et 2019, près de 43 % des agents de l'Éducation nationale sont absents pour cause de maladie ordinaire au moins un jour en moyenne au cours d’une année scolaire. Un agent connaît en moyenne 0,81 épisode d'absence pour maladie ordinaire chaque année, et 6,7 jours d'absence pour maladie ordinaire par an. Les absences de moins de 4 jours représentent 56 % des épisodes de maladie ordinaire, mais seulement 12 % des jours de CMO annuels en moyenne. À l'inverse, les absences de plus de 3 mois représentent seulement 1 % des épisodes de maladie ordinaire, mais 18 % des jours de CMO.

 

La fréquence des absences diminue mais leur durée augmente avec l'âge des salariés. Les femmes sont plus souvent et plus longtemps absentes pour raison de santé. C'est également le cas de ceux qui travaillent à temps plein, de ceux qui exercent sous le statut de fonctionnaire, de ceux qui sont en contrat à durée indéterminée, ou de ceux qui exercent dans un établissement d’éducation prioritaire. Ce dernier résultat est cohérent avec la littérature montrant que les enseignants (80 % de l’échantillon) sont davantage absents dans les établissements qui accueillent des élèves issus de milieux défavorisés. Cette situation, susceptible de refléter des conditions de travail plus difficiles, peut du reste conduire à des inégalités d'apprentissage entre élèves, car les absences de courte durée sont peu remplacées et les jours remplacés sont susceptibles d'être moins productifs que ceux assurés par l’enseignant principal.

 

Augmentation du nombre de jours de congés de maladie ordinaire de 2013 à 2017

 

Le rétablissement du jour de carence dans la fonction publique en 2018 s’inscrit dans un contexte d’augmentation continue du nombre de jours de congés de maladie ordinaire chez les personnels du secteur public de l’Éducation nationale entre 2013 et 2017 : il passe en moyenne de 6,4 jours en 2013 à 7,4 jours en 2017. Durant les périodes d'application du jour de carence (2012-2013 et 2018-2019), le nombre de jours de congés de maladie ordinaire est légèrement inférieur à celui des périodes sans jour de carence qui les précèdent. Le nombre d'épisodes d'absence pour maladie ordinaire est également plus bas durant les périodes d’application du jour de carence, avec environ 0,68 épisode par salarié en moyenne, contre 0,86 en dehors de ces périodes. Ces premiers résultats suggèrent que l'application du jour de carence influence la fréquence et, dans une moindre mesure, le nombre de jours cumulé de congés de maladie ordinaire.

 

Toutefois, pour estimer précisément cet effet, il est nécessaire de corriger des évolutions temporelles dont les déterminants ne sont pas liés à l’application du jour de carence, (par exemple, l’augmentation de l’âge moyen des personnels sur la période). Les estimations doivent donc tenir compte de l’évolution des caractéristiques sociodémographiques et de la tendance générale des absences sur la période étudiée.

 

Le jour de carence a entraîné une diminution de 23 % de la fréquence des arrêts maladie

 

En raison de l’introduction du jour de carence dans la fonction publique, les estimations montrent que le nombre d'épisodes de CMO est inférieur de 23 % et le nombre de jours de CMO de 5 % en moyenne pour l’ensemble des personnels du secteur public de l’Éducation nationale. Cet écart s’explique par la diminution forte et significative de l'effet du jour de carence sur le nombre d’arrêts avec la durée de l'arrêt maladie : l’effet estimé est de -44 % pour les épisodes d’un jour, -26 % pour les épisodes de deux jours, -25 % pour les épisodes de trois jours, -12 % pour les épisodes de 4 à 7 jours, -4 % pour les épisodes de 8 à 14 jours et -1 % pour les épisodes de 15 jours à 3 mois. Il n’est pas significatif pour les épisodes de plus de 3 mois. Ces estimations confirment les prédictions théoriques et les résultats de la littérature empirique, qui suggèrent que l'effet de ce type d'incitation diminue avec la durée d’absence

 

L’augmentation des jours travaillés à la suite de l'application du jour de carence ne traduit pas nécessairement une réduction des absences qui seraient injustifiées. car l'introduction du jour de carence peut encourager les personnes malades à travailler.

 

Les femmes sont davantage pénalisées financièrement par l’application du jour de carence

 

L’application du jour de carence conduit en moyenne à une réduction des absences. Alors que les comportements d’absence pour maladie ordinaire varient distinctement en fonction des caractéristiques démographiques et professionnelles, le jour de carence pourrait conduire à réduire ces écarts.

 

Les résultats montrent que les femmes et les personnels travaillant dans le réseau d’éducation prioritaire réduisent effectivement davantage la fréquence de leurs absences lorsque cette mesure est appliquée, par rapport aux hommes et aux autres personnels hors réseau d'éducation prioritaire. Cependant, ces populations continuent de présenter un nombre d’épisodes d’absence pour maladie ordinaire plus élevé que les autres catégories de la population, et sont donc davantage pénalisées financièrement par l’application du jour de carence. Ces comportements d’absence peuvent refléter des disparités d'état de santé ou d'exposition à des risques professionnels qui subsistent en présence du jour de carence.

 

Une absence d’effet significatif à court terme du jour de carence sur la santé perçue et le recours aux soins

 

Les résultats sont cohérents avec la littérature, qui montre que la fréquence des absences diminue lorsque le taux de remplacement du salaire décroît. Toutefois, l'efficacité économique et sociale de ce type de mesure est a priori ambiguë. Elle dépend de son impact sur la santé publique (contagions, durées de convalescence, rechutes), les inégalités de revenus, les dépenses publiques (le montant des indemnités journalières versées mais aussi les dépenses de santé potentiellement induites) et la productivité des entreprises et des administrations.

 

Or, l’application du jour de carence est susceptible d’encourager les personnes malades à poursuivre leur activité professionnelle. D’une part, cette situation peut entraîner une détérioration de l’état de santé (aggravation des symptômes, du risque de rechute), ainsi qu’une hausse des dépenses publiques associées. D’autre part, les journées de travail « supplémentaires » générées par l’application du jour de carence pourraient être nettement moins productives que les journées de travail « ordinaires ». La hausse des contaminations sur le lieu de travail, en cas de maladie contagieuse, pourrait notamment entraîner une diminution de la productivité individuelle et collective

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Les enquêtes Emploi de 2013 à 2019 et l'enquête Conditions de travail de 2016 appariée aux données de l'Assurance maladie sur la période 2012-2017 permettent d’examiner l’effet du jour de carence sur la santé perçue et le recours aux soins (délivrances de médicaments, visites médicales, hospitalisations). La comparaison entre les salariés du secteur public et ceux du secteur privé ne révèle pas d'effet significatif à court terme de cette réforme sur l’état de santé, tel que mesuré dans les enquêtes et les données administratives, ainsi que sur les dépenses publiques associées. Toutefois, ces estimations reposent sur des échantillons de taille modérée, ce qui réduit leur précision et signifie qu’il n’est pas possible d’exclure complètement l’existence d’un effet à court terme sur la santé et le recours aux soins.

 

Des données complémentaires seraient nécessaires pour évaluer l’effet de cette mesure sur la santé à plus long terme, ainsi que sur la productivité individuelle et collective, et notamment sur les performances scolaires des élèves.

 

Encadré – Le champ d’application de la réforme du ”jour de carence” dans le secteur public

Jusqu'au 31 décembre 2011, les agents de la fonction publique, fonctionnaires ou non, perçoivent 100 % de leur salaire pendant les 3 premiers mois d'absence pour maladie ordinaire, puis 50 % de leur traitement pendant les 9 mois suivants.

 

Entre le 1er janvier 2012 et le 31 décembre 2013, puis de nouveau depuis le 1er janvier 2018, le jour de carence dans la fonction publique s'applique aux congés de maladie ordinaire (CMO), arrêts de travail délivrés par un médecin en cas d'accident ou de maladie d'origine non professionnelle et (a priori) sans gravité particulière. Le taux de remplacement du 1er jour d'absence pour maladie ordinaire passe donc de 100 % à 0 %, et reste égal à 100 % les jours suivants pendant une période de 3 mois.

 

Les femmes enceintes ne sont plus concernées par le jour de carence en cas d'absence pour maladie ordinaire depuis le 8 août 2019, en vertu de l'article 84 de la loi de transformation de la fonction publique du 6 août 2019.

 

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