Trajectoires 2020-2050 vers une économie sobre en carbone
NDLR : nous vous proposons sur 3 jours des extraits significatifs d’un rapport long et riche qui porte sur un enjeu majeur de notre siècle : économie et effet de serre
Résumé (1/3 et 2/3)
Sommaire (3/3)
Conclusion (3/3)
Résumé (1/3)
Les informations en provenance de la communauté scientifique appellent à un changement rapide de trajectoires des émissions de gaz à effet de serre (GES) dans le monde pour éviter un réchauffement moyen de la planète supérieur à 2°C : d’après les scénarios du Groupement intergouvernemental des experts sur le climat (GIEC), une division par deux des émissions mondiales à l’horizon 2050, soit une réduction de 80 à 95 % au sein des pays développés. Les travaux du Comité ont exploré les meilleures voies pour y contribuer en France.
Les orientations à prendre doivent tenir compte d’une double donne. D’une part, les négociations internationales menées dans le cadre des Nations Unies, malgré des avancées techniques, ont peu de chance d’aboutir à échéance rapide à un accord international ambitieux. D’autre part, l’économie n’a pas connu de reprise forte à la suite de la violente récession de 2008-2009, alors même que la situation financière des États s’est affaiblie et qu’un doute s’est installé à l’égard des dettes souveraines au sein de la zone Euro.
Dans un tel contexte, les travaux du Comité ont suivi un fil conducteur : rechercher les voies d’une politique climatique qui conjugue ambition élevée sous l’angle de la réduction des émissions de gaz à effet de serre et impacts positifs sur la croissance économique, la compétitivité industrielle et l’emploi. Une action ambitieuse face au changement climatique pourra contribuer au redressement de notre économie et à la constitution de nouveaux avantages comparatifs dans la compétition internationale si deux conditions sont réunies :
- intégrer beaucoup plus directement que par le passé la politique climatique à une stratégie conjuguant politique de développement des filières industrielles, effort de recherche et développement et diffusion de l’innovation au sein du tissu économique ;
- crédibiliser les instruments de l’action publique en construisant une gouvernance qui rende prévisibles à long terme les objectifs fixés aux agents économiques et les incitations économiques qui les aideront à les atteindre, notamment grâce à une généralisation de la tarification du carbone dans l’économie. Ces orientations d’ensemble se déclinent suivant quatre axes : l’analyse du contexte européen, la construction de trajectoires sectorielles françaises, le diagnostic des scénarios envisageables et l’identification des instruments à mettre en place.
1. Le contexte européen
est actuellement marqué par les discussions concernant l’atteinte de l’objectif auquel s’est engagé l’Union européenne d’une réduction d’au moins 80 % des émissions de gaz à effet de serre entre 1990 et 2050. Cet objectif n’ayant pas été décliné par État membre, le Comité a en premier lieu analysé la position de notre pays par rapport à l’ensemble européen. Compte tenu de la structure de nos émissions, et notamment le faible niveau des émissions d’origine industrielle et énergétique sur lesquels les réductions les plus importantes sont visées au sein de l’Union, il en ressort que l’objectif national du « facteur 4 » qui ramènerait notre pays à un niveau d’émission inférieur à deux tonnes d’équivalent CO2 par habitant en 2050 s’inscrit bien dans le cadre des objectifs européens de long terme.
Cet objectif national ne doit pas être conditionné par l’évolution des négociations climatiques internationales. Il doit être atteint par notre pays avec des moyens d’action qui renforcent simultanément la croissance économique, l’emploi et les différentes filières industrielles.
Il n’y avait pas, au moment des travaux du Comité, consensus au sein de l’Union européenne sur la meilleure trajectoire à viser pour atteindre les objectifs de long terme et notamment sur l’opportunité de rehausser l’objectif communautaire de réduction de - 20 % des émissions de gaz à effet de serre en 2020 relativement à 1990. L’audition de trois pays favorables à un tel rehaussement a montré des innovations intéressantes de politique climatique : très fort lien avec les stratégies industrielles de production et d’exportation de nouvelles technologies en Allemagne ; mise en place d’une gouvernance ad hoc avec plusieurs innovations financières au Royaume-Uni ; utilisation de la taxation du carbone de façon domestique en Suède.
Ceci suggère qu’au-delà des actions déjà mises en place dans le cadre du Grenelle de l’environnement, notre pays devra continuer à innover en matière d’action publique pour atteindre des objectifs climatiques ambitieux.
2. Les potentiels de réduction des émissions. Depuis 1990, les émissions françaises de GES se sont partiellement déconnectées de la croissance économique, le mouvement semblant s’accélérer à partir de 2005, au-delà de l’effet mécanique de la récession économique. Ce décrochement rend acquis l’atteinte des objectifs de notre pays au titre du protocole de Kyoto et probable le respect de nos engagements actuels à 2020 dans le cadre du paquet Énergie-Climat si la mise en œuvre des mesures du Grenelle de l’environnement ne bute pas sur des contraintes de finances publiques. En revanche, la seule poursuite de ces progrès incrémentaux ne suffira pas à nous mettre sur une trajectoire visant le facteur 4 en 2050. Il faudra pour cela opérer des ruptures de technologie et/ou d’organisation afin de réaliser les potentiels de réduction identifiés dans chaque secteur. Pour atteindre le facteur quatre, 5 conditions d’ensemble devront être réunies :
- il faudra agir à la fois sur la demande en incitant à l’efficacité énergétique et plus généralement à la baisse des consommations de biens et services à forte empreinte carbone, et sur l’offre en encourageant les procédés de production sobres en carbone. Cette condition est en particulier indispensable pour que les sources primaires d’énergie non émettrices puissent couvrir les demandes aux différents horizons prospectifs ;
- l’ensemble des secteurs, soumis ou non au système européen d’échange de quotas de CO2, devrait accélérer leurs réductions d’émission. Une attention particulière doit être apportée aux secteurs diffus où de multiples sources d’émission rendent plus ardue la mise en place d’incitations adaptées : le transport, les bâtiments et l’agriculture. Les secteurs de l’agriculture et de la forêt méritent une analyse spécifique du fait de leur aptitude à produire du carbone renouvelable et à stocker le carbone atmosphérique. Cette dernière pourrait être fortement réduite en ce qui concerne la forêt dans les décennies qui viennent en l’absence d’investissements. Il convient par ailleurs de rapidement freiner les pressions à l’artificialisation des sols exercées par l’expansion périurbaine ;
- les acteurs économiques devront disposer dans chaque secteur d’un jeu d’incitations prévisibles à long terme qui les conduisent, grâce à l’action publique, à engager rapidement les efforts d’investissement et d’innovation requis pour atteindre les cibles d’émissions carbone envisagées en 2050. À cet égard, une grande diversité de conditions prévaut dans les différents secteurs, avec des enjeux respectifs différents en matière d’innovations technologiques ou d’organisation ;
- des sources de financement devront être mobilisées pour réaliser les investissements supplémentaires et couvrir les coûts des reconversions nécessaires pour aller vers l’économie sobre en carbone, sans déstabiliser les finances publiques dont la consolidation restera une priorité dans les années qui viennent. Les actions de Recherche et Développement (R&D), mais aussi l’innovation et la diffusion technologiques peuvent à la fois favoriser la compétitivité de nos entreprises, mais aussi la croissance de notre économie sur le long terme : leur financement sera particulièrement important ;
- pour réunir les conditions d’acceptabilité sociale de ces mutations, la transition vers l’économie sobre en carbone devra rapidement avoir des effets bénéfiques sur les entreprises et l’emploi et s’accompagner d’une distribution équitable des efforts à engager.