Nous proposons sur 2 jours des extraits (hors tableaux et graphiques) d’une note d’analyse de Mesdames Pauline Givord (Insee, Division des méthodes appliquées de l'économétrie et de l'évaluation) et Claire Marbot (Insee, Division redistribution et politiques sociales) publiée le 18 juillet 2014 sur le site de l’INSEE (cliquer ici pour accéder au site de l’INSEE)
http://www.insee.fr/fr/themes/document.asp?ref_id=ia18.html
Les aides financières à la garde des enfants favorisent-elles l'activité féminine ? L'exemple de la création de la prestation d'accueil du jeune enfant (Paje)
Résumé
La présence de jeunes enfants a un effet important sur l'activité féminine. Les mères conservent très majoritairement une activité professionnelle après la naissance de leur premier enfant, mais les arrêts d'activité sont plus fréquents après le deuxième et surtout le troisième enfant. Ces arrêts d'activité peuvent refléter des choix personnels mais aussi des contraintes liées à la disponibilité et au coût des modes de garde.
Or le coût net pour les familles de la garde d'enfants a nettement diminué en 2004, avec la création de la prestation d'accueil du jeune enfant (Paje). Celle-ci s'est traduite par une hausse importante des aides à la garde des enfants et une extension des droits à une allocation de base pour les parents de jeunes enfants. Sa mise en place a été progressive, ce qui a créé des écarts temporaires de droits à prestations selon l'année de naissance des enfants. Ces écarts permettent ainsi d'isoler l'impact du coût de la garde des enfants des autres facteurs influant sur l'activité des mères de jeunes enfants et le choix de recourir à une garde payante.
L'introduction de la Paje se serait traduite en moyenne par une augmentation de 1,1 point du taux d'activité des femmes dont le plus jeune enfant est âgé de deux ans. Les effets sont différents selon la taille de la famille. La mise en place de la Paje n'a pas eu d'effet sur le taux d'activité des mères après la naissance de leur premier enfant, mais elle a permis à certaines d'entre elles de ne pas réduire leur volume d'activité. Elle a accru le taux d'activité des mères de deux enfants ou plus de 1,6 point de pourcentage ; cette augmentation d'activité se traduit plutôt par des reprises d'emploi à temps partiel ou sur une partie de l'année seulement.
L'augmentation des allocations paraît avoir incité certaines familles à substituer un mode de garde payant à un mode de garde informel. L'effet de la mise en place de la Paje a en effet été plus élevé sur le recours à une garde payante déclarée que sur l'activité professionnelle des mères de jeunes enfants : + 1,8 point contre + 1,1 point.
Sommaire
· La présence de jeunes enfants réduit l'activité professionnelle des mères
· En 2004, la Paje augmente les aides financières pour les familles de jeunes enfants
…/…
La hausse des allocations pour les jeunes enfants augmente surtout l'activité des mères de familles nombreuses
Du fait de cette mise en œuvre progressive, pendant quelques années, certaines familles ont bénéficié de ces nouvelles allocations plus généreuses tandis que d'autres familles étaient toujours dans l'ancien système. Cela permet d'estimer l'effet spécifique de la réforme sur les mères d'enfants de deux ans. Cette analyse est menée sur les données des déclarations fiscales qui permettent de mesurer à la fois l'activité, la composition des familles et le recours à des modes de garde payants.
L'examen visuel des taux d'activité par date et âge de l'enfant permet de préciser le principe de l'évaluation. À partir de 2006, la Paje bénéficie à la fois aux mères d'enfants d'un an et de deux ans et leurs taux d'activité évoluent de manière assez parallèle. En revanche, en 2005, les mères d'un enfant de deux ans sont encore dans l'ancien dispositif et leur taux d'activité est plus en retrait par rapport à celles dont le dernier enfant est né un an plus tard. L'évaluation consiste à chiffrer plus précisément cet écart attribuable à la Paje, en contrôlant un certain nombre d'autres déterminants des taux d'activité. Avec cette méthode d'estimation, l'effet de la mise en place de la Paje sur le taux d'activité de ces mères d'un enfant de deux ans se serait élevé à 1,1 point de pourcentage.
Une analyse plus détaillée montre que cet effet varie selon la taille de la famille. L'effet de la réforme atteint 1,6 point de pourcentage lorsque l'enfant âgé de deux ans est de rang deux ou plus. Cette reprise d'activité est cependant partielle, puisqu'elle correspond surtout à des revenus annuels inférieurs à un demi-smic annuel (+ 0,8 point), ou compris entre un demi-smic et un smic annuels (+ 0,4 point). L'impact est différent pour les mères d'un seul enfant. Bien qu'il introduise un congé parental de six mois dès le premier enfant, le dispositif de la Paje n'a pas d'effet sur le taux d'activité des mères d'un seul enfant. En revanche, il semble avoir accru leur durée travaillée puisqu'il augmente la proportion de mères d'un seul enfant qui déclarent un revenu au moins égal au smic annuel (+ 0,8 point), au détriment des revenus d'activité inférieurs à ce niveau (- 0,6 point).
La mise en place de la Paje a également eu un effet positif sur le recours à une garde payante. D'après les estimations, la proportion de mères d'un enfant de deux ans qui déclarent une garde payante aurait augmenté en moyenne de 1,8 point sous l'effet de la Paje. Cette progression est plus élevée que celle constatée sur le taux d'emploi. C'est particulièrement le cas pour les mères d'un seul enfant : la mise en place de la Paje expliquerait une augmentation de 1,7 point du taux de recours à une garde payante, alors qu'elle n'aurait pas eu d'effet sur le taux d'activité de ces mères. La réforme pourrait avoir contribué à une substitution de modes de garde payants à des modes de gardes informels (par la famille ou par un tiers). Pour les mères de deux enfants, l'augmentation du recours à une garde payante serait de 2,2 points. Elle est plus faible pour les mères de trois enfants (1,2 point).
Au total, la mise en place de la Paje aurait eu des effets positifs sur l'activité féminine, mais d'ampleur modeste, tout au moins à court terme. Cette modestie des effets s'explique peut-être par le fait que le recours à une garde payante reste contraint par la disponibilité d'un tel mode de garde et que les places disponibles restent très en deçà du nombre d'enfants d'âge préscolaire.