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Les métiers en 2030 (volet 2) (23 03 2022)

Nous vous proposons aujourd’hui la suite et la fin du long résumé d’un rapport publié le 10 mars 2022 sur le site Vie-publique (cliquer ici pour accéder au site vie-publique)

https://www.vie-publique.fr/rapport/284354-les-metiers-en-2030-rapport-groupe-prospective-metiers-et-qualifications#xtor=EPR-526.html

Pour accéder au texte (pdf) du long (196p.) rapport, cliquer ci-dessous :

https://www.vie-publique.fr/sites/default/files/rapport/pdf/284354.pdf

Les métiers en 2030 - Rapport du groupe Prospective des métiers et qualifications

Auteur(s) : Jean-Christophe Sciberras Cécile Jolly Jean Flamand Boris Le Hir Martin Rey Alexis Eidelman Camille Cousin Aurore Desjonqueres

Auteur(s) moral(aux) : France Stratégie - Direction de l'Animation de la Recherche, des Études et des Statistiques

 

Les départs en fin de carrière constituent la grande majorité des postes à pourvoir

Pour chaque métier, les postes à pourvoir sont la somme des créations nettes d’emploi et des départs en fin de carrière. Au niveau global, de 2019 à 2030, les postes à pourvoir s’établiraient à 760 000 chaque année, les départs en fin de carrière représentant 90 % du total.

Les quinze métiers avec le plus de postes à pourvoir peuvent être classés en trois catégories. Il y a d’abord ceux qui créent peu ou pas d’emplois, et dont les postes à pourvoir correspondent avant tout aux remplacements des départs en fin en carrière : c’est le cas des agents d’entretien, des enseignants 1 , des conducteurs de véhicules, des vendeurs et des ouvriers qualifiés du second œuvre du bâtiment. Viennent ensuite ceux dont la dynamique des effectifs contribue à hauteur d’au moins un quart aux postes à pourvoir : cadres administratifs, comptables et financiers, commerciaux et technico-commerciaux, aides à domicile, aides-soignants, infirmiers - sages-femmes, ouvriers qualifiés de la manutention, médecins et techniciens de la maintenance. Enfin, les ingénieurs de l’informatique et les ingénieurs et cadres techniques de l’industrie se distinguent par leurs dynamiques propres, car les créations d’emplois y représentent au moins la moitié des postes à pourvoir.

1 Pour les enseignants, c’est leur effectif important (1 million) qui les fait ressortir puisque la part des départs en fin de carrière n’est que légèrement au-dessus de la moyenne.

Dans certains métiers, les déséquilibres pourraient représenter environ un tiers des besoins de recrutement

 

Si pour chaque métier, on confronte les besoins de recrutement des employeurs en 2030 avec le vivier potentiel de jeunes qui y débuteraient, on peut mettre en évidence des déséquilibres que l’on qualifie de « potentiels ». D’abord parce que ces déséquilibres sont contingents aux hypothèses d’orientation des jeunes débutants, et ensuite parce qu’ils peuvent se trouver modifiés par les décisions individuelles et les politiques publiques. À titre d’exemple, si un métier voit ses besoins de recrutement augmenter fortement, les jeunes peuvent être plus nombreux à choisir des formations adaptées pour s’engager dans cette voie. Ces déséquilibres sont en outre « partiels », au sens où ils seront comblés – ou accentués –, au moins en partie, par les mobilités professionnelles, par les allers-retours emploi-chômage, par des inactifs réintégrant le marché du travail (ou en sortant, hors retraite) ou enfin par le solde migratoire.

Parmi les quinze métiers aux plus forts déséquilibres potentiels, neuf figurent dans les quinze métiers aux plus forts besoins de recrutement. On retrouve ainsi les agents d’entretien et les aides à domicile, les conducteurs de véhicules, les ouvriers qualifiés de la manutention, deux métiers de cadres (cadres commerciaux et de services administratifs et financiers), les aides-soignants, les ouvriers qualifiés du second œuvre du bâtiment et, enfin, les enseignants.

Alors qu’ils ne figurent pas dans les métiers aux besoins de recrutement les plus élevés, trois métiers afficheraient des déséquilibres potentiels importants en raison d’un faible afflux de jeunes débutants : les employés de maison (dont font partie les personnels de ménage), les assistants maternels (respectivement 8 % et 10 % de jeunes débutants) et les professions intermédiaires et administratives de la fonction publique (13 % de jeunes débutants).

Tous les métiers à forts besoins de recrutement ne présenteraient pas de déséquilibres aussi élevés. Chez les enseignants, les ingénieurs et cadres techniques de l’industrie ainsi que les ingénieurs de l’informatique, les jeunes débutants combleraient plus des trois quarts des besoins de recrutement. Ces besoins seraient presque totalement couverts par les arrivées de jeunes débutants chez les infirmiers et sages-femmes, les médecins et les techniciens et agents de maîtrise de la maintenance.

Parmi les domaines professionnels comptant plus d’un million de personnes, deux afficheraient des déséquilibres potentiels élevés qui représenteraient au moins la moitié de leurs besoins de recrutement. D’une part, les transports, logistique et tourisme cumulent une structure démographique défavorable – essentiellement sur les jeunes débutants – et des effectifs deux fois plus dynamiques que la moyenne. D’autre part, les services aux particuliers et aux collectivités combinent une structure démographique encore plus défavorable – départs en fin de carrière élevés et part des jeunes débutants très faible – avec une croissance moitié moindre de leurs effectifs. Dans les métiers du soin et du nettoyage (aide à domicile, agents d’entretien) souvent choisis comme solution de repli après un épisode de chômage ou d'inactivité, le nombre d’arrivées en cours de carrière pourrait néanmoins atténuer leur déséquilibre potentiel.

Dans certains métiers, les déséquilibres potentiels en 2030 pourraient atténuer ou renforcer les difficultés actuelles sur les recrutements

À l’aune des déséquilibres potentiels par métiers en 2030, il est possible d’apprécier le sens dans lequel pourrait évoluer l’intensité des difficultés de recrutement rencontrées aujourd’hui par les employeurs. Il convient toutefois de noter que cette mesure des tensions sur les recrutements ne permet pas d’apprécier de façon quantitative le nombre d’emplois vacants faute de main-d’œuvre. Elle est en revanche assortie d’indicateurs d’éclairage permettant d’estimer l’origine de la tension.

La majorité des métiers en tension aujourd’hui continuerait de l’être ou verrait leurs difficultés de recrutement s’aggraver d’ici 2030 (47 sur un total de 83 métiers). Dans ces professions, la résorption des tensions actuelles et des déséquilibres futurs passerait principalement par une amélioration de leur attractivité (aide à domicile, personnels de ménage, conducteurs d’engins du bâtiment et des travaux publics). En effet, d’ici 2030 près d’une sur trois accueillerait un nombre de jeunes débutants nettement inférieur aux besoins de recrutement et serait donc en fort déséquilibre partiel positif. Pour deux de ces professions – les techniciens et agents de maîtrise des industries mécaniques et les ouvriers qualifiés du gros œuvre du bâtiment –, accroître les capacités de formation peut également permettre de répondre aux besoins de recrutement actuels et futurs.

Par ailleurs, deux métiers sur cinq présentent un déséquilibre partiel faible en 2030 et verraient donc les tensions actuelles se maintenir à cet horizon si aucune action n’est entreprise. Pour une large part, l’exercice de ces métiers nécessite des compétences techniques spécifiques qui s’acquièrent par le biais d’une formation professionnelle initiale ou continue. C’est ainsi le cas des aides-soignants, des cadres du bâtiment et des travaux publics, des ingénieurs de l’informatique, des ingénieurs et cadres de l’industrie ou encore des bouchers, des charcutiers et des boulangers.

A contrario, les ouvriers qualifiés de la manutention, les agents d’entretien, les employés des services divers1 et les ouvriers du textile et du cuir ne sont pas en tension aujourd’hui mais pourraient y être confrontés à l’avenir en raison d’un nombre de départs en fin de carrière supérieur à celui des jeunes y débutant leur carrière professionnelle.

1 Cette famille très hétérogène regroupe des employés et indépendants rendant un service aux particuliers. On y compte notamment les employés de casino, les ouvreurs de cinéma ou de théâtre, les astrologues, les professionnels de la parapsychologie ou encore certains indépendants prestataires de services (surveillance, pompes funèbres, publicité, etc.).

Une typologie des métiers

En définitive, la confrontation des besoins et des ressources en main-d’œuvre en 2030 dessine une typologie des métiers en fonction de leurs modes d’alimentation et de leur dynamisme démographique et économique.

Le 1er groupe rassemble des métiers particulièrement attractifs pour les jeunes sortis d’études et pour les professionnels déjà en poste, dynamiques en termes d’emploi et moins affectés par les départs en fin de carrière. Ils ont, par conséquent, des besoins de recrutement spontanément largement couverts par leur vivier de recrutement. Il en va ainsi des professionnels du droit, des professions paramédicales, des techniciens des services administratifs, comptables et financiers et des personnels d’études et de recherche. Les ingénieurs et cadres de l’industrie, les ingénieurs de l’informatique et les cadres du bâtiment feraient exception, en léger déficit de main-d’œuvre, étant donné leur dynamique très forte d’emploi.

La deuxième catégorie rassemble des métiers de première expérience, alimentés par des jeunes en début de carrière qui, après plusieurs années d’expérience, évoluent vers un poste de niveau de qualification supérieure ou vers d’autres métiers proches en termes de situations de travail. Les sorties importantes dans ces métiers témoignent soit d’une promotion (dans le cas des employés et opérateurs de l’informatique), soit d’une faible attractivité en raison de conditions de travail jugées difficiles (employés de l’hôtellerie-restauration, ouvriers qualifiés du gros œuvre du bâtiment), soit encore de la non-durabilité de l’emploi (professionnels de l’action culturelle et sportive ou agents administratifs d’entreprise). La majorité de ces métiers devrait avoir un vivier de recrutement suffisant pour pourvoir les postes inoccupés. Certains seraient même en excès de main-d’œuvre, soit parce que les jeunes débutants y sont particulièrement nombreux (professionnels de l’action sociale, culturelle et sportive), soit parce que le métier est peu dynamique (employés administratifs d’entreprise).

La troisième catégorie regroupe les métiers de seconde partie de carrière. Ils recrutent plutôt des personnels expérimentés – peu de jeunes débutants – conduisant à d’importants départs en fin de carrière. Ils ont par le passé attiré de nombreux professionnels en provenance d’autres métiers (mobilités nettes entrantes). Ces métiers pourraient manquer de main-d’œuvre, aggravant les tensions actuelles sur le recrutement dans les professions du care (aide à domicile), de l’entretien (agent d’entretien), du transport (conducteur de véhicule, manutentionnaire), du bâtiment (ouvriers du second œuvre) ou chez les cadres commerciaux, administratifs et financiers. Dans d’autres métiers expérimentés, dont l’emploi ne progresse pas, les postes vacants pourraient plus aisément être pourvus par des professionnels promus (cadres de la banque et des assurances, secrétaires de direction). Enfin, les jeunes débutants seraient suffisants pour combler les forts besoins de recrutement des formateurs, ce qui devrait ralentir les mobilités entrantes.

La quatrième catégorie regroupe les métiers qui ont du mal à attirer. Ils se caractérisent par la maturité des personnels qui les occupent mais également par une faible attractivité pour les débutants: ils ne devraient pas avoir un vivier de recrutement suffisant pour compenser les départs des seniors. Les employés de maison (personnels de ménage), les agriculteurs, les ouvriers du textile et du gros œuvre du bâtiment sont dans cette configuration.

Tous les métiers ne devraient donc pas disposer des mêmes viviers de main-d’œuvre pour pourvoir leurs postes et les tensions sur le recrutement pourraient – sans actions correctrices – rester élevées. Les mécanismes pour y remédier ne sont pas de même nature selon les professions. Si la faible attractivité de certains métiers, souvent peu qualifiés, pose la question de leurs conditions de travail (pénibilité, non-durabilité de l’emploi) et de rémunération, ce sont aussi des métiers qui recrutent plus souvent des chômeurs et qui constituent des voies d’insertion pour les immigrés. Pour les indépendants (agriculteurs, patrons d’hôtels, de cafés et restaurants), les conditions de reprise de leur établissement ou de leur exploitation sont aussi en jeu. Dans certains métiers techniques, qui requièrent une formation spécifique (ingénieurs informatique ou ouvriers du second œuvre du bâtiment par exemple), renforcer l’attractivité des filières de formation initiale et continue pourrait contribuer à limiter les difficultés. Pour les métiers expérimentés, attirer les professionnels déjà en poste pourrait ne pas suffire et nécessitera sans doute de faire appel à des jeunes débutants et des chômeurs, qu’il s’agira de former à des situations de travail spécifiques. D’une manière générale, les déséquilibres potentiels identifiés ici invitent à diversifier les canaux de recrutement et à adapter les dispositifs d’accompagnement.

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